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Comment braquer une banque, selon Jason Coghlan

Un gangster anglais nous a parlé de ses cambriolages, de son évasion de prison et de sa rédemption.

Jason avec sa BMW, devant sa maison d’enfance à Brinnington, Manchester. Toutes les photos sont de William Fairman.

En 1998, Jason Coghlan a été condamné à 12 ans de prison pour son implication dans le braquage d’une banque de Lancashire. Aujourd’hui, il dirige JaCoglaw, un cabinet d’avocats qui représente des expatriés anglais, de la Costa del Sol à Bangkok. VICE a rencontré Jason en réalisant un documentaire sur sa vie de voleur repenti. Il nous a parlé du déroulement d'un braquage de banque et de son évasion de prison.

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Il pleut à torrents dans une petite ville de la banlieue de Manchester. Tout le monde a la tête baissée et se cache sous son parapluie. « Tenez-vous prêts… OK les gars, le camion de sécurité vient d’arriver. Maintenant, silence radio. À mon signal, avancez. »

À ce moment-là, j'étais dans une cabine téléphonique, vêtu d’une parka dont la capuche dissimulait mon oreillette. J'avais un fusil de chasse à la main et un revolver de secours fourré dans mon pantalon.

Après avoir obtenu quelques renseignements en interne et passé plusieurs semaines à espionner les employés de la banque à l'arrière d'une camionnette banalisée, mes confrères et moi savions que ce camion allait livrer l'argent à la banque pour toute la semaine. Nous avions également passé du temps à compter le nombre d’allers-retours que les gardiens de sécurité effectuaient entre le fourgon et la banque : l’assurance fonctionne uniquement si les employés déplacent une certaine somme par voyage. C'est sans doute à cause du nombre conséquent d'enflures qui gagnent leur vie en soulageant de leur fardeau les gardiens chargés de déplacer l'argent – ce qui est mon cas et celui de mes collègues. L’argent est livré à la banque, passe directement par une porte blindée et rejoint le quartier de sécurité, où se trouve la salle des coffres. Néanmoins, l’argent ne peut pas être entreposé dans la chambre forte tant que les employés ne l’ont pas compté – et cela prend toujours du temps de compter des centaines de milliers de livres.

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Le gardien a effectué son dernier voyage. J’ai appuyé sur ma radio à trois reprises – mon signal pour lui demander si la voie était libre. Après avoir reçu son feu vert, je suis sorti de ma cabine téléphonique à la manière de Clark Kent – la cape et les collants en moins, mais avec une cagoule couvrant l'intégralité de mon visage et un fusil.

Il est extrêmement important d’attirer l’attention de toutes les personnes qui se trouvent dans la banque. Avant notre arrivée, les gens vaquaient à leurs occupations, sans doute en train de déposer de l'argent et de règler quelques factures. J'ai brandi mon fusil et tiré vers le plafond. « Ceci est un braquage. Allongez-vous tous au sol, et ne bougez pas ! Vous pouvez tous survivre à cette épreuve et retrouver votre petite famille plus tard, mais pour leur sort et le vôtre, ne faites rien de stupide qui pourrait empêcher ces retrouvailles. Toi, ouvre la porte blindée sur le champ, ou je lui tire dessus ! »

Tout l'argent reçu se trouve habituellement derrière cette porte, probablement en attente d'être compté. En règle générale, je m'empare de tous les billets, que je fourre ensuite dans des grands sacs de sport. Si jamais le coffre-fort est déjà ouvert (vous n'imaginez pas à quel point certaines personnes sont prêtes à tout pour rentrer chez elles plus vite après une bonne journée de travail, comme ne pas respecter leur propre protocole de sécurité) je jette également un coup d’œil à l’intérieur.

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Le « superviseur » de mon équipe – dont le job consiste à surveiller les clients et les employés de la banque pendant que je récupère le butin – s'occupe de maintenir la porte d'entrée ouverte pour que je puisse sortir rapidement. Avec mon sac chargé de fric et une bonne dose d'adrénaline, je sors immédiatement avec mes complices avant de m'engouffrer dans une voiture préalablement volée. Le chauffeur reste généralement garé près de la banque jusqu'à ce que nous le rejoignons.

À ce stade, la police se met à la recherche de deux ou trois hommes portant des bleus de travail et des cagoules, disons, dans une Ford rouge. Notre premier réflexe est de nous débarrasser de la voiture le plus rapidement possible. Il est judicieux de prévoir son changement de voiture le plus près possible de la banque, mais à un endroit uniquement accessible à pied. Par exemple, nous avions l’habitude de garer la seconde voiture de l’autre côté d’un pont situé au-dessus d’un canal ou à l’intérieur d’un tunnel piéton. Nous étions mêmes connus pour avoir sauté plusieurs fois au-dessus d’une petite rivière ou d’un ruisseau. De cette manière, si une bonne-âme nous voyait sortir de la banque et décidait subitement d’honorer son devoir civique, elle se retrouverait dans un cul-de-sac, face au canon d’un flingue. Il nous suffirait alors d'abandonner la première voiture et de l'exploser à grand renfort de cocktails Molotov avant de tracer.

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Voici comment nous avions l'habitude de procéder. Si jamais ça vous donne des idées : faites-vous une faveur et réfléchissez-y à deux fois. C’est avant tout un jeu perdu d’avance, et pour être complètement honnête, c’est un acte moralement répréhensible. J’avais 20 ans quand j’ai commencé ma « carrière » de braqueur, et j’ai fini par être attrapé à 29 ans, en 1998.

Une fois, je me suis évadé alors que j’étais en détention provisoire dans une prison très sécurisée en faisant semblant d’avoir une blessure à la jambe, la veille de ma comparution devant le tribunal. On m’a donné une paire de béquilles, ce qui empêchait les gardes de me menotter. À la minute où j’ai boité en sortant du fourgon de police, ils savaient pertinemment que j’étais connu pour être un peu pénible. J'ai fait semblant de tomber du fourgon, et plusieurs employés se sont empressés de m'aider. À l'époque, j'étais poursuivi pour quatre braquages de banques, ainsi qu'un refus d'obtempérer. Je risquais une peine de prison de plus de 20 ans. Tous ces éléments m'ont donné assez de détermination pour m'échapper. Avec du recul, je pense que je n’aurais pas dû me donner autant de mal.

« Coghlan, dans la salle de tribunal numéro 1. » Je suis entré en boitillant, avant de me faire encercler par quatre matons. Ils m'ont emmené dans un box protégé par un double vitrage. La porte d’entrée qui donnait sur le tribunal principal était verrouillée – tout comme la porte qui menait aux cellules, même si je n'avais aucune envie d'y retourner. Mon plan était très simple : je comptais assommer le gardien le plus costaud en le frappant en pleine mâchoire, avant d'improviser pour la suite. Je faisais de la boxe depuis mes 12 ans. La première phase de mon plan s'est déroulée sans anicroche. J'ai assené quelques coups au deuxième gardien. Le troisième s'est agenouillé et s'est recroquevillé derrière un siège. Le quatrième, qui était une femme, s'était déjà précipité vers la porte pour la déverrouiller et appeler à l'aide. Je me suis jeté sur le double vitrage pour le briser, le frappant avec les poings et les pieds jusqu'à ce qu’il vole en éclats.

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Personnellement, je trouve la suite des événements plutôt marrante. La sortie du tribunal se trouvait tout au fond de la pièce et il y avait déjà un groupe de journalistes, de spectateurs et d’employés du tribunal qui se précipitaient vers la sortie. Néanmoins, je n’avais absolument pas prévu d’aller dans cette direction – les tribunaux sont souvent très sécurisés et remplis de policiers en attente de témoigner.

En Angleterre, il est obligatoire pour tous les bâtiments publics de posséder des panneaux indiquant les sorties d'urgence au-dessus de toutes les portes qui mènent à une sortie de secours – même dans la salle de repos des magistrats.  Mon plan, bien qu'inabouti, était de rejoindre la direction opposée à la sortie principale et de m’attaquer au juge qui, avec tout le respect que je lui dois, s’était comporté comme un connard pendant l’audition. Comme vous pouvez le deviner, il est légèrement tombé des nues quand il a vu que je me dirigeais vers lui. Je me suis barré sous ses yeux au moment où il émettait un gémissement particulièrement embarassant. La porte qui se trouvait derrière lui était ouverte, ce qui m'a permis de m'engouffrer assez facilement dans l'espace sacré du tribunal. J'ai suivi les panneaux indiquant la sortie de secours – et voilà, j'étais un homme libre.

Certains articles ont raconté que j’avais passé mes premiers jours de liberté dans le strip-club d’un ami, caché au beau milieu d'une foule de femmes nues, de montagnes de cocaïne et de bouteilles de champagne. Et c'était tout à fait vrai. J’ai laissé quelques filles prendre des photos de moi dans le jacuzzi avec des meufs assises sur mes genoux, une bouteille de champagne dans une main et des liasses de billets dans l'autre. Je leur ai conseillé de les donner aux journaux quelques heures après mon départ et de dire qu’elles venaient de réaliser qui j’étais en voyant mon visage aux infos – ce qui leur a d'ailleurs permis d'obtenir un peu d'argent. Malheureusement, même les tabloïds ont certaines règles à respecter. Ainsi, les photos ont été directement données à la police qui les ont utilisées comme leur seule et unique « piste sérieuse ». Cette « piste sérieuse » les a menés à surveiller tous les strip-clubs de la région pendant un certain temps. Pendant ce temps-là, je me détendais dans le Peak District dans la maison de campagne très confortable d’un ami, en pêchant tranquillement des truites arc-en-ciel.

Après quelques jours de repos, je me suis retrouvé en plein milieu d’une guerre dans laquelle mon meilleur ami s’était impliqué lui-même, contre une autre bande de Manchester. En vérité, ça n’avait absolument rien à voir avec moi, mais, par loyauté, je me devais de l'aider. Tout ce que je voulais, c’était me retirer du conflit et trouver une bonne planque dans l’un des nombreux camions dans lesquels mes amis avaient l’habitude de faire passer la drogue et les armes en Angleterre (principalement depuis l’Europe de l’Est, où de nombreuses guerres avaient lieu dans les années 1990). Je voulais prendre une direction opposée, construire une nouvelle vie en Europe. Cependant, ça ne s’est pas passé comme ça. Pour avoir été loyal envers mon « pote », j’ai été de nouveau arrêté et poursuivi pour tout un tas de nouvelles accusations.

L’un des souvenirs inoubliables que je garde de l’époque où j’étais un méchant, un gangster, un arnaqueur armé ( ou peu importe le nom que vous voulez me donner) c’est que les autres gars ne valent pas la peine. « Il n’y a pas d’honneur entre les voleurs » est un adage usé jusqu’à la corde, mais il est plutôt juste. Bien évidemment, ça ne s’applique pas à tous les niveaux, mais si quelqu’un est à la recherche de loyauté, d’intégrité et d’une profonde amitié, c’est évidemment une très mauvaise idée de commencer à chercher du côté d’une bande de gangsters et de voleurs fondamentalement malhonnêtes. Nous vivons et nous apprenons, mais dans mon cas, la plupart du temps, j’ai appris à mes dépens.

Un documentaire sur Jason Coghlan sera diffusé d'ici quelques semaines.