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Sexe

Comment vivre avec quelqu’un qui ne partage pas vos fantasmes sexuels

Si vous aimez vous faire flageller alors que votre moitié est effrayée par un missionnaire, ne perdez pas espoir.
Illustration de Heather Benjamin

Au sein d'un couple, les centres d'intérêt des deux partenaires diffèrent souvent du tout au tout. Les exemples sont légion : Julien apprécie le modélisme, alors que Chloé passe son temps à écumer les bars ; Christophe ne jure que par les treks en Auvergne, contrairement à sa copine Sonia, qui aimerait passer son samedi soir au marathon Paul Verhoeven. La liste est interminable mais, si vous êtes quelqu'un de bien éduqué et susceptible de faire des compromis, vous pouvez vous sortir de telles situations sans aucune difficulté. En revanche, une mésentente au niveau sexuel s'avère souvent bien plus délicate à aplanir. Si votre partenaire est émoustillé à la simple vue de la scène de poterie dans Ghost alors que vous aimez vous insérer des œufs d'aliens dans vos différentes cavités corporelles, une certaine tension peut affleurer.

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« Les membres d'un couple ont des fantasmes différents, c'est une évidence », précise le docteur Zhana Vrangalova, professeur à l'Université de New York et fondatrice du Casual Sex Project, une initiative encourageant les gens à partager anonymement leurs expériences sexuelles quotidiennes. « Les désirs sexuels peuvent être très forts. Si, à long terme, vous ne satisfaites pas vos penchants, vous finirez par être malheureux. »

Prenez Wendy et Matt*, un couple rencontré sur Reddit, ensemble depuis 11 ans. Wendy apprécie « les actes réalisés sous contrainte », comme la sodomie « forcée ». Matt, pas vraiment. Du moins, pas au début. Après en avoir longuement discuté, les deux amoureux ont réussi à satisfaire leurs penchants respectifs.

« Il est important de rester ouvert en ce qui concerne les pratiques que vous n'avez pas encore expérimentées », conseille Mme Vrangalova aux couples ayant des difficultés à concilier leurs désirs. « Essayez, et vous verrez si ça fonctionne ou non. » Une chose est sûre : plus vous attendrez pour mettre en pratique vos différents fantasmes, plus il deviendra difficile de passer à l'acte.

« Bien entendu, si votre partenaire est intéressé par une pratique qui vous répugne au plus haut point, n'hésitez pas à lui dire "non", purement et simplement », précise Zhana Vrangalova. Mais, quoi qu'il en soit, il est toujours préférable de communiquer plutôt que de réprimer ses envies – spécialement quand il s'agit de sexe.

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Si deux partenaires n'arrivent pas à accepter le fantasme de l'autre, leur relation n'est pas pour autant destinée à mourir. Eric, que j'ai rencontré sur Internet, n'a jamais réussi à accepter le penchant de sa femme Mallory pour le sadisme. Ils ont pourtant fini par trouver un terrain d'entente en s'investissant tous les deux dans le polyamour.

Trouver quelqu'un avec qui vous souhaitez passer une grande partie de votre vie n'est pas chose aisée. Afin de mieux saisir comment certains ménages parviennent à entretenir de bonnes relations malgré des désirs radicalement différents, je me suis entretenue avec trois couples – dont Wendy, Matt, Mallory et Eric – aux sensibilités sexuelles divergentes.

Wendy et Matt, âgés de 30 et 33 ans, ensemble depuis 11 ans

VICE : Comment vous êtes-vous rencontrés ?
Wendy : Au lycée. À l'origine, nous n'étions qu'amis, mais on a fini par sortir ensemble. Notre mariage a eu lieu en 2007.

Quels sont vos désirs sexuels ?
Wendy : J'aime être humiliée verbalement, attachée, avoir la sensation d'être soumise. J'adore quand on me crache dessus, quand on me gifle, ou quand on me sodomise violemment – des choses comme ça.

Matt : J'adore sentir ma femme excitée, satisfaire ses envies. Logiquement, j'aime la dominer, vu qu'elle adore être soumise. Mais je préfère que ça reste épisodique.

Comment avez-vous réalisé que vos fantasmes n'étaient pas les mêmes ? Et quelle a été votre réaction ?
Wendy : J'ai beaucoup hésité avant de partager mes fantasmes. J'en ai parlé peu à peu. J'imaginais que m'entendre dire tout ça l'exciterait, mais ça n'a pas été le cas.

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Après plusieurs années de vie commune, j'ai joué cartes sur table. Je n'avais pas peur qu'il me quitte, je craignais surtout qu'il se moque complètement de mes désirs. Je n'ai pas été capable de lui dire en face. J'ai dû lui envoyer une lettre.

Matt : Après des conversations interminables et pas mal de larmes, on a fini par s'en sortir. Entendre ma femme me dire qu'elle aimerait être frappée et dominée a été assez difficile. Pas uniquement moralement, mais parce que ça ne m'intéressait pas. Les choses ont fini par s'améliorer, progressivement.

Matt a donc opéré un virage assez net.
Wendy : Oui, les choses sont très différentes aujourd'hui. Sexuellement, il s'est transformé. Par le passé, le sexe anal le dégoûtait et les jeux de rôle et le BDSM ne l'intéressaient pas le moins du monde. Il a pourtant fini par construire un donjon dans notre sous-sol.

Aujourd'hui, les plans à trois ne nous font plus peur. Explorer les relations de domination et de soumission a ouvert le champ du possible. Nos relations extraconjugales viennent sans doute de là. Et tout va pour le mieux.

Quel conseil donneriez-vous à un couple ayant des envies différentes ?
Wendy : De ne pas attendre des années avant de faire preuve de transparence. Le temps ne rend pas les choses plus faciles, bien au contraire. N'hésitez pas à explorer de nouvelles pratiques, vous pourriez être surpris. Le plus important est de communiquer, encore, toujours.

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Mark Michaels et Patricia Johnson, auteurs de Partners in Passion, âgés de 56 et 51 ans, ensemble depuis 17 ans

VICE : À l'origine de cet article, il y a votre livre, qui traite du sexe et de l'importance de la curiosité. Racontez-moi comment ont éclaté au grand jour vos différences ?
Patricia : Il y a une dizaine d'années, on s'est rendus au Dark Odyssey, une sorte de séminaire érotique réunissant des membres de la communauté BDSM. Notre objectif était d'élargir nos horizons sexuels, de mûrir en tant qu'individus.

La première nuit, les organisateurs avaient prévu une activité intitulée la Roue du Destin, une sorte de Roue de la Fortune avec différentes pratiques inscrites aux quatre coins de la roue. Le principe était simple : faire tourner la roue et se soumettre à une pratique spécifique pendant deux minutes. Je me suis exécutée, et je suis tombée sur « être frappée ».

Une fille a commencé à me cogner au niveau des épaules, puis de mon abdomen. Tout mon corps a réagi. Puis elle m'a frappée très violemment, et j'ai basculé dans un autre monde, difficile à décrire.

Mark : Pour ma part, j'ai été obligé de « faire le chien ». Pour faire simple, j'ai baissé mon pantalon et je me suis penché sur un chevalet. La fille responsable de l'atelier m'a alors fessé. Ça n'avait rien d'excitant pour moi, mais j'ai compris ce qui faisait la particularité des expériences BDSM : un plongeon dans une autre dimension, une modification de votre état de conscience, une sorte de transe qui se déclare une trentaine de secondes après le début de votre expérience. Avant ce séminaire, je comprenais les mécanismes poussant les gens à se soumettre à de telles pratiques, mais je n'avais jamais expérimenté physiquement.

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On peut donc dire que vous êtes moins attiré par les expériences BDSM que Patricia ?
Mark : Oui, clairement. En revenant du séminaire, Patricia s'est mis en tête de réitérer ce genre d'expérience. J'ai grandi dans les années 1970, la grande époque du féminisme américain, et l'idée de frapper une femme me dérangeait. Le fait qu'elle me demande de la frapper a été assez difficile à vivre.

Comment avez-vous dépassé cet obstacle ?
Mark : De deux manières. D'une part, j'ai été conseillé par des spécialistes des pratiques BDSM, des gens qui savent comment s'y prendre. J'ai pris des leçons de fessées par exemple. Après cela, je devais tout de même surmonter ma répulsion à frapper Patricia : j'ai fini par me convaincre qu'elle y prenait du plaisir et qu'il n'y avait pas de mal à ce que je la frappe. Au final, ça m'a excité.

Quel conseil donneriez-vous à un couple ayant des désirs sexuels opposés ?
Mark : Je leur dirais de trouver un terrain d'entente. Si la communication est là, et qu'ils désirent préserver leur relation, ils n'auront aucun mal à collaborer, sexuellement parlant.

*Tous les prénoms ont été modifiés.

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