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Gérard Haddad : Je distingue plusieurs formes de fanatisme : le nationalisme, le racisme, l'idéologie totalitaire et le fanatisme religieux. Le fanatique croit toujours détenir la vérité absolue.Dans mon dernier livre Dans la main droite de Dieu, psychanalyse du fanatisme, je reprends une parabole d'Ephraïm Lessing : si Dieu déclare qu'il détient dans sa main droite la vérité absolue et dans sa main gauche la quête de la vérité, et qu'il demande aux hommes laquelle ils choisissent, le fanatique choisit la main droite. Il croit que Dieu lui remet en main propre la Vérité absolue. Cela atteste sa grande mégalomanie. La caractéristique principale du fanatique est la haine totale et génocidaire de toute personne qui n'adhère pas à cette foi. Cette maladie de l'esprit est éminemment contagieuse : elle subjugue des groupes puis des foules, dont elle anesthésie la raison.
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Ceux qui rejoignent les rangs de Daesh sont souvent des personnalités immatures qui souffrent d'une blessure narcissique, c'est-à-dire d'un sentiment d'infériorité, d'humiliation, de non-reconnaissance. Beaucoup commettent des petits larçins, leur vie est vide. Et soudain, ils rencontrent à travers le discours d'un prédicateur un idéal conforme à leur origine ethnique. Ils pensent retrouver le logiciel initial qui a permis à l'islam des origines de conquérir une bonne partie du monde. Ils y trouvent une vérité absolue. Cela les guérit de leur sentiment d'infériorité, ils sortent de leur petit marasme, de leur vie merdique, de leur échec, et surtout de l'échec de leurs parents, qui joue un grand rôle dans leur désir de revanche. Ils en tirent un sentiment de toute puissance. C'est très fascinant, l'idéal : les jeunes veulent du dur, sans concession, sans compromis.Est-ce qu'ils jouissent de cela ?
Bien évidemment : c'est le ressort du fanatisme, une sorte d'orgasme masturbatoire. C'est même une jouissance multiple : il est élu. Il a la vérité, vous vous rendez compte ! Tous les doutes disparaissent dans un état de confort psychique merveilleux. Avant d'avoir les fameuses vierges, il a déjà la paix intérieure : la certitude de la foi a mis un terme à ses tortures psychiques.Il se passe quoi dans la tête de celui qui fait irruption au Bataclan et qui tire sur tout le monde ?
Qui peut vraiment le dire ? Qui peut dire ce qui se passe dans la tête d'un nazi qui fait entrer des enfants dans une chambre à gaz ? Ce qui est sûr, c'est qu'il sait qu'il va mourir, que sa vie terrestre n'a plus de valeur, a fortiori celle des autres. Ils font payer une dernière fois leur vieille humiliation et leur sentiment d'infériorité. « On va se venger. Vous nous avez piétinés, on va vous piétiner, vous nous avez fait chier, on va vous faire chier. » Celui qui se fait exploser atteint l'apothéose de sa folie.Quel avenir voyez-vous pour Daesh ?
À court ou moyen terme, Daesh disparaîtra. Ces sociétés reposant sur des utopies ne peuvent pas durer dès l'instant où elles veulent devenir universelles. Ça a été le cas du nazisme ou du communisme. Des sociétés utopiques peuvent exister mais seulement sous forme de secte.Cette disparition de Daesh ne supprimera pas pour autant le problème du terrorisme djihadiste qui prendra de nouvelles formes, tant qu'on n'aura pas trouvé de solution aux graves problèmes du monde musulman moyen-oriental ; du conflit israélo-palestinien, de la mauvaise gouvernance des États arabes, de la disproportion entre la richesse de certains et la misère des masses, de la domination wahhabite ou du conflit sunnite-chiite … Ce n'est pas demain la veille.