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Culture

Avengers : L'ère d'Ultron est le seul DVD que vous devriez éviter à tout prix ce mois-ci

En revanche pour ceux qui veulent voir des trucs bien, il y a Apocalypto et Streets of Fire.

Antonin et Étienne sont les fondateurs et présentateurs du Cinéma est mort, la meilleure émission de cinéma sur les radios françaises, diffusée sur Canal B. Ils parleront chaque mois sur VICE. com des sorties DVD et Blu-ray qu'ils adorent et des sorties DVD et Blu-ray qu'c'est pas la peine.

AVENGERS : L'ÈRE D'ULTRON
Réalisateur : Josh Whedon
Éditeur : Marvel, sortie le 30 septembre 2015

Il y a une époque où l'on devait être particulièrement persuasif pour faire reconnaître que suivre les aventures de mecs en collant n'était pas forcément une activité infantile et débilitante. Au début des années 2000, j'essayais de boucler un mémoire universitaire sur Batman : Le Défi de Tim Burton, donc autant vous dire que j'ai eu mon compte de petits sourires gênés.

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La situation a clairement changé. D'ici 2020, une dizaine de films devraient sortir des fourneaux de l'usine à saucisses Marvel Studios (dont un troisième reboot de Spiderman). Ça fait des années que ça dure et qu'on nous ressert le même film plus ou moins nul, et ça cartonne quasi systématiquement. Plus grave encore, un réalisateur comme Edgar Wright, si subversif qu'il a regroupé ses trois premiers films sous la sulfureuse appellation de trilogie Cornetto arrive à se faire débarquer au profit d'un tâcheron incapable de diriger une scène d'action qui tienne debout.

C'est dire s'il n'y a rien à attendre de ces films – et pourtant, le public continue à venir prendre sa dose régulièrement. La majeure partie de la critique, quant à elle, ne prend même plus la peine de bouder son plaisir. On lui a probablement trop rabâché sa soi-disant coupure avec les goûts du public.

Évidemment, les spectateurs sont si amnésiques que les studios peuvent intituler la suite de Jurassic World, Jurassic World 2 . Mais comment peut-on à ce point avoir oublié à quoi ressemble une scène d'action réussie et se fader sans broncher les montages épileptiques ou les plans-séquences numériques moisis de Avengers 2 ? Dans un monde parfait, la vision de Mad Max 4 aurait dû remettre les pendules à l'heure et les réalisateurs de ces trucs devraient tous être retournés à l'école, mais a priori c'est encore loin d'être le cas.

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Pour ma part, j'ai tenu une heure devant ce truc informe, et maintenant c'est sûr, Marvel c'est fini pour moi. Ma conscience professionnelle ayant ses limites, je les critiquerai désormais sans les avoir vus.

APOCALYPTO
Réalisateur : Mel Gibson
Éditeur : StudioCanal, sortie le 1er septembre 2015

Le film le plus fou et le plus sauvage de ce début de siècle est sorti il y a bientôt dix ans. L'un des plus grands films du monde, ne mâchons pas nos mots. Un film indépendant écrit, produit et réalisé par un génie génial merveilleusement taré, tourné avec des acteurs inconnus dans une langue que personne ne parle, et je garde un souvenir ému de mon premier visionnage. J'avais bien sûr vu et apprécié Un Homme sans visage et Braveheart, mais son dernier en date, La Passion du Christ , n'était pour moi qu'un vain torture-porn impressionniste et je n'attendais pas vraiment Apocalypto. J'ai pourtant découvert Mel Gibson, et on peut dire ce qu'on veut de lui, mais cet enfoiré sait construire une histoire.

Le monde de Mel Gibson est dangereux, brutal et ultraviolent, dirigé par des salauds qui manipulent le peuple en arrachant des cœurs et en tranchant des têtes. Son film est comme une pyramide que l'on gravit et que l'on dévale, où s'entrecroisent batailles, prophéties, cauchemars et monstres. Un avant-goût de l'enfer, un charnier dont on cherche à s'échapper. Cela commence comme Conan le Barbare et se termine en survival, quelque part entre Predator et Le Nouveau Monde de Terence Malick, mais en mieux. Comme si John Milius avait bouffé Werner Herzog et John McTiernan. Même s'il n'en parle pas vraiment dans les commentaires audio qui très malheureusement sont absents de ce nouveau blu-ray, il est évident que Mel Gibson a vu tous ces films et bien d'autres encore, qu'il a une connaissance pointue de l'art cinématographique, et qu'il met tout son talent et son savoir-faire au service de l'immersion (les sous-titres sont d'ailleurs une mauvaise distraction) ; il propose un film unique qui a encore du mal à trouver la place qu'il mérite : il semble que le public soit encore dérangé par l'image dégueulasse que les médias lui ont vendue du réalisateur, alors qu'on s'en tape. Mais qui d'autre aujourd'hui aurait les capacités et le courage (ou la folie) de réaliser une aventure pareille ?

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Streets of Fire
Réalisateur : Walter Hill
Éditeur : Wild Side, sortie le 2 septembre 2015

Né 20 ans plus tôt, Walter Hill aurait enchaîné les westerns. Mais comme il a débuté dans les années 1970, il a plutôt fait des films de droite. L'État de droit dans ses films n'est même pas la douce chimère remise en question par nombre de ses modèles – Peckinpah en tête – mais juste un truc un peu embarrassant pour pouvoir raconter ses histoires d'hommes ne pouvant que s'en remettre qu'à eux-mêmes et à leur gigantesque paire de testicules. Alors il se débrouille souvent d'une façon ou d'une autre pour s'en débarrasser. D'où, par exemple, le recours à deux reprises à des mondes à la limite de l'univers parallèle, pour assouvir son fantasme et mettre en scène des combats de coqs, débarrassés de toutes ces lois, juges et avocats véreux que ces pieds tendres de l'Est ont importés dans l'Ouest, le vrai, le dur. C'était le cas de The Warriors, c'est aussi celui de Streets of Fire, ce drôle de film qu'exhume Wild Side ce mois-ci parmi d'autres pépites des années 1980. Streets of Fire est un peu une sorte de pré- Sin City pour son côté comic book iconique et badass, mâtiné d'un peu de Flashdance pour la musique eighties. Hill y assouvit une fois de plus son désir de western avec cette fois un héros convoqué pour aider une communauté à récupérer une pop star kidnappée par des bikers hors la loi. Mais que fait la Police ? Rien du tout, elle regarde. Faut dire que les méchants sont vraiment très méchants et qu'ils ont à leur tête Willem Dafoe, la plus belle mâchoire du cinéma américain dans son premier rôle hollywoodien. Il venait d'impressionner les galeristes avec le très choutte Loveless de Kathryn Bigelow avec une composition assez formidable de biker androgyne et vénéneux. Walter Hill le repère et a alors la brillante idée de lui confier un rôle de biker androgyne et vénéneux, il s'en amuse dans les bonus du disque et il a raison – encore une fois, ça marche super bien.

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Western déguisé oblige, Streets of Fire partage avec The Warriors – dont il est une sorte de version fluo cette même fascination pour la guerilla urbaine où l'État semble avoir disparu. Tout comme Dheepan d'Audiard, mais au moins, ça ne fait pas semblant d'avoir un alibi sociologique pour laisser libre cours à son envie de Cinéma testostéroné.

DANGER DAVE/INSOUCIANTS/BUFFER ZONE
Réalisateur : Philippe Petit
Éditeur : Shellac, sortie le 1er septembre 2015

Shellac a la bonne idée de sortir de temps en temps des DVD regroupant l'intégralité des films de cinéastes galériens de festival qu'on peut difficilement connaître si on fréquente pas ces derniers. Des cinéastes ayant fait des courts, des moyens-métrages parfois un peu longs mais toujours assez confidentiels. Ce fut le cas pour Sophie Letourneur et Benoît Forgeard, c'est désormais au tour de Philippe Petit.

En 2014, Petit a sorti en salles un super film de non-skate intitulé Danger Dave qui documente la relative déchéance d'un skateur professionnel belge. Dit comme ça, ça sonne un peu comme un épisode de Strip-Tease, mais le film évite soigneusement toutes les perches que son sujet lui lance en matière de rigolade méprisante. Certes, on a notre lot de gros gadins bien spectaculaires, et de délirantes illusions de grandeur, mais la fascination se dispute avec l'envie d'attraper le personnage pour lui dire d'arrêter un peu les conneries ce dont ne se prive pas le réalisateur d'ailleurs. Cette discussion en creux entre le réal et son personnage est d'ailleurs un des moteurs du film, et ce qu'il documente au final, c'est plus cette impossibilité de sortir d'une espèce adolescence jouisseuse en perpétuel état second hyper symptomatique de l'époque. C'est quelque chose que Petit avait déjà voulu enregistrer avec son premier long autoproduit et jamais distribué, Insouciants, également disponible dans cette édition.

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Pur film français « deux pièces cuisines », l'inédit en salle et fauché Insouciants brosse le portrait d'une galerie de glandus le temps d'une soirée alors qu'il sorte d'un vague casse. Ça bavasse, ça dragouille, ça picole, ça s'en met plein les narines, ça écoute de la musique, ça titube et marmonne beaucoup. Rien ne s'y passe vraiment, on se retrouve juste plongé en plein milieu d'une galerie de personnages dans laquelle on a peu de peine à se reconnaître. Certes, le film reste trop pauvre en enjeux pour devenir un film générationnel à la Monde sans Pitié ou La Maman et la Putain ou Les Valseuses, mais il a le bon goût d'être sans afféterie dans sa peinture d'une génération de jeunes marginaux volontaires, n'ayant hérité des précédentes que d'un goût pour la dérision généralisée et un sérieux penchant pour la défonce. De jeunes gens pour qui le no future punk est devenu le dernier horizon possible, en même temps qu'un mur. Insouciants venge un peu tous ceux qui pensent comme moi que le Cinéma français passe complètement à côté de son époque.

DANGEREUSE SOUS TOUS RAPPORTS
Réalisateur : Jonathan Demme
Éditeur : Wild Side, sortie le 2 septembre 2015

Dans mon panthéon perso des cinéastes ricains, Jonathan Demme n'a même pas le droit à un strapontin. Autant je pardonne volontiers, eût égard à sa filmo, à Zemeckis son Forrest Gump, autant j'en voudrai toujours à Demme d'avoir réalisé Philadelphia – film si dégoulinant de bons sentiments qu'il rendrait le SIDA presque sympathique.

En plus de ça, même si ça fait bien 10 ans que je l'ai pas revu, j'ai toujours eu le sentiment que Le Silence des Agneaux, son principal fait de gloire, n'était qu'un simple épate bourgeois inoffensif et inepte. J'avais donc pas forcément hyper envie de regarder Dangereuse sous tout rapport que Wild Side sort ce mois-ci en blu-ray.

Je n'avais jamais vu ce film, faut donc croire que celui-ci ne passait pas souvent à la télévision à l'époque lointaine où elle était encore une pourvoyeuse de films assez concurrentielle. Voilà pourtant typiquement le genre de film modeste hyper sympathique, à l'exécution aussi parfaite que discrète, qui aurait pu remplacer très avantageusement une énième rediffusion de Thelma et Louise à la TV en matière de road movie en duo.

Ici, c'est Jeff Daniels qui fait la fille et la regrettée Mélanie Griffith qui fait l'homme – comme le remarque très bien Pierre-William Glenn que Wild Side est allé chercher pour les bonus de cette édition. Drôle d'idée d'être allé chercher le chef opérateur de Truffaut, Rivette ou Cornaud et réalisateur de l'improbable Terminus pour causer du film, mais l'un des grands atouts du film étant la photographie hyper riche et variée de Tak Fujimoto, il fallait bien un spécialiste pour en parler. Et il en parle si bien qu'on peut difficilement passer derrière. Il arrive même à comparer le film avec Mad Max: Fury Road, c'est dire si le monsieur a plein de choses intéressantes à dire.

Les mecs du Cinéma est mort sont sur Twitter.