FYI.

This story is over 5 years old.

Stuff

Lâchez-nous avec vos « enfants indigo »

Vous pensez peut-être qu’ils ont un don, mais ils sont juste pourris gâtés et atteints de troubles de l’attention.

Un montage Photoshop de ce à quoi pourrait ressembler un enfant indigo. (Images via et via)

Sankar m'a indiqué un petit tabouret qui faisait face à une boîte noire de la taille d'une de ces boîtes à biscuits en ferraille. La boîte était équipée d'une petite lentille et un tas de câbles la reliaient à un ordinateur. « Ne vous en faites pas », m'a-t-il rassuré. Rattaché à la boîte noire, un autre câble partait vers un pad artisanal couvert de senseurs. Sarkar m'a filé ses instructions : « Quand je vous le dis, mettez votre main sur le pad. »

Publicité

J'étais venu jusqu'au studio de Sankar, à Moorgate, dans l'est de Londres, pour faire une photo de mon aura. Ce n'est pas le genre de truc que je fais tous les week-ends, mais là, je m'intéressais au phénomène de « l'enfant indigo » – un enfant qui aurait atteint une phase supérieure de la conscience humaine, doté de capacités spirituelles voire surnaturelles. Un pseudo-phénomène popularisé par le hip hop à partir de la fin des années 1990 et devenu un thème courant chez des rappeurs (Kid Cudi, The Underachievers, B.o.B.), et même une obsession chez certains, comme feu Jamal Dewar ou Erykah Badu, qui a appelé son fils Indigo.

J'avais entendu dire que quand les individus indigo se faisaient photographier par des spécialistes de l'aura comme Sankar, un halo de couleur indigo, évidemment invisible à l’œil nu, apparaissait. C'est donc tout naturellement que j'ai voulu savoir si j'étais une des âmes bénies qui vivent sur ce nouveau plan de conscience humaine.

Une fois que la photo a été prise et passée au filtre de l'aura, Sankar, un homme sympathique doté d’une imposante moustache blanchissante, m'a invité à le rejoindre derrière son ordinateur pour voir le résultat : une photo d'une qualité assez médiocre sur laquelle on voyait mon visage, et autour, un nuage rouge qui semblait avoir été ajouté avec l'aérographe de Paint.

La photo de l'aura de l'auteur.

« Vous êtes une personne très active, non ? » m'a-t-il demandé. Je suppose que oui. Je veux dire, je passe beaucoup plus de temps à travailler qu'à dormir, et je m'endors souvent sur le canapé, donc techniquement, je ne suis jamais au lit. « L'aura d'une personne se divise en différentes sections, a poursuivi Sankar. Chaque partie nous présente une facette différente de la vie de la personne. Ton aura est d'un rouge intense.
– Complètement ?
– Oui, complètement.
– Et c'est normal ? » Je commençais à m'inquiéter.
« Il n'y a pas de norme. »

Publicité

Après avoir discuté avec Sankar de son business pendant un petit moment, j'ai amené la conversation vers l'objet de ma visite et je lui ai demandé s'il savait quelque chose sur les enfants indigo. Il m'a dit qu'il en avait vaguement entendu parler dans des cercles de spiritualité et qu'il avait déjà rencontré des adultes indigo, mais jamais d'enfant indigo. Je m’apprêtais à partir quand il a dit quelque chose qui m'a semblé bizarre, un peu comme si j'étais tombé sur la première page d’un livre d’Ann Rice : « Les enfants indigo naissent en ce moment, non ? »

Au début, je parlais des enfants indigo comme d'un « mouvement », mais j'ai rapidement été corrigé par les indigos que j'ai rencontrés : « Ce n’est pas un mouvement ; un mouvement c'est un truc que tu peux suivre et rejoindre, on n'est pas en train de diffuser une idéologie. » Donc appelons ça un phénomène ; comme les X-Men, à ceci près qu'ils ne vont pas tous s'enfermer dans une grande école dirigée par un type chauve en fauteuil.

Le phénomène des enfants indigo a commencé quelque part au milieu des années 1970 – le terme a été inventé par la voyante synesthète autoproclamée Nancy Ann Tappe qui a publié un livre sur ce concept intitulé Understanding Your Life Through Colour (Comprendre la vie à travers la couleur) après qu'elle a noté, au milieu des années 1960, qu'un grand nombre d'enfants naissaient avec une aura « indigo ».

Publicité

Nancy Ann Tappe. (Image via)

Néanmoins, comme c'est le cas avec la majorité des phénomènes spirituels, il n'y a pas d’explication claire sur les significations de l'aura indigo, aucun dogme largement accepté et pas plus de prophète à étudier. Les gens font leur petit marché là-dedans et y trouvent ce qu'ils veulent y trouver. Mais la plupart des gens ont l'air de vouloir croire que l'enfant indigo représente une nouvelle étape de l'évolution humaine, et que celui-ci possède des traits de caractère relativement normaux – ils sont plus créatifs et empathiques que leurs pairs – et d'autres qui relèvent du sublime : ils peuvent lire dans les pensées.

Il y a quand même quelques caractéristiques sur lesquelles tout le monde s'accorde, répertoriées sur le site web Spiritual Growth Prophecies : « Dès leur naissance, ils savent et sentent qu'ils sont particuliers et qu'ils devraient être vénérés » ; « Ces enfants ont confiance en eux, et ils ont une très haute estime d'eux-mêmes » ; « Un indigo sait qu'il a sa place ici par ce qu'il est et il attend que vous vous en rendiez compte » ; et « La satisfaction de leurs besoins personnels est importante pour eux, et ils vous le feront savoir. »

À mes yeux, ça sonne plutôt comme ces petits trous du cul égotistes qu'on croise dans les poussettes de supermarché et qui chialent en demandant des paquets de bonbons dont ils n'ont plus rien à foutre une fois que leurs parents ont cédé. En continuant la lecture de la liste de caractéristiques, j’ai trouvé des justifications à cette arrogance : « Créatifs, avec un flair artistique pour la musique, la confection de bijoux, la poésie, etc. » ; « Intuitifs ou voyants, ils ont probablement vu des anges ou des personnes décédées » ; « Ils ont un profond désir d'aider le monde de façon vraiment notable » et « recherchent des amitiés vraies, profondes et durables. »

Publicité

Le courant de pensée opposé, défendu par des universitaires comme David Cohen et Robert Todd Carroll, prétend que les parents préfèrent prétendre que leurs enfants sont indigo au lieu de chercher une véritable explication au comportement de leurs marmots. Dans son livre, The Skeptic's Dictionary [« Le Dictionnaire du sceptique »], Robert Todd Carroll écrit : « Une thèse sur les Enfants Indigo [un manuel pour les parents qui croient que leurs enfants sont indigo] avance que beaucoup d'enfants à qui on a diagnostiqué des troubles déficitaires de l'attention (TDA) parfois ponctués d'hyperactivité représentent un nouveau stade de l’évolution de l'humanité. » Il ajoute ensuite : « On peut comprendre pourquoi beaucoup de parents ne veulent pas voir leurs enfants catalogués comme hyperactifs ou inattentifs. Ce catalogage implique l'imperfection. »

Du coup, au lieu d'essayer d'aider un enfant hyperactif ou qui a un TDA, les parents les étiquettent « indigo » et ils disent à tous leurs amis et au personnel de la crèche que leur enfant a « un don » plutôt que de leur expliquer ses véritables problèmes. Le docteur Ovais Badat, un spécialiste du TDA, m'a dit : « Si un enfant présente beaucoup de symptômes de TDA et qu'il n'est pas traité dès son plus jeune âge, ça peut – comme le prouvent certaines études – déboucher sur de gros problèmes scolaires, sociaux et émotionnels. Les enfants qui ne sont pas pris en charge peuvent devenir des adultes handicapés, ils ont plus de risques de connaître des maladies mentales, des accidents, de perdre leur emploi et de commettre des crimes. »

Publicité

Un extrait du film

Indigo

– comme son nom l’indique, un film sur les « enfants indigo ».

L'enfant étant perçu comme « ayant un don », l'absence de prise en charge du trouble qui lui donne ce « don » peut s’avérer très préjudiciable pour son avenir.

Quand j'ai commencé à me renseigner sur les enfants indigo, j'ai d'abord traîné sur tous les forums pertinents, et j'ai été surpris de voir autant d’adultes se réclamer du royaume de l'indigo ; comprendre, cette étiquette n'est pas uniquement destinée aux mamans branchées spiritualité qui rêvent de voir leur marmot doté de superpouvoirs. Non, elle servait aussi – et peut-être surtout – d'explication à tout adulte qui s'était déjà senti ne serait-ce qu'un peu mal dans sa peau. Si vous avez toujours eu l'impression d'être en marge ou si vous avez un enfant dont l'attitude vous paraît extraordinaire, des questionnaires plus ou moins foireux disponibles sur le Net vous indiqueront si votre enfant est, ou pas, indigo.

Voici quelques-unes des questions :

– Votre enfant a-t-il jamais eu une attitude de roi ?

– Votre enfant refuse-t-il de faire des choses qu'on lui dit de faire ?

– Est-ce que faire la queue est une torture pour votre enfant ?

Aucune de ces questions n'est applicable à un enfant normal – la plupart des enfants adorent faire la queue – donc ces questionnaires sont clairement infaillibles (bien que mon aura ne soit pas indigo, les résultats du questionnaire indiquent qu'en fait, je suis un mec indigo. Je le savais ! J'attendais juste une confirmation).

Publicité

Mais pour je ne sais quelle raison, les gens mettent toujours en doute ce qu'on peut lire sur des sites miteux qui proposent des questionnaires sur le Net. Du coup, pour déterminer si les « gens indigo » existaient, je me suis dit que le mieux serait d’essayer moi-même d'en trouver et de leur poser des questions.

Après avoir parcouru les tréfonds de Facebook et posté sur les murs de plusieurs groupes, un type dont le nom contenait « indigo » m'a ajouté et il a posté un message sur mon mur : « T'es indigo ? » Il s'est avéré que ce mec gérait le groupe UK Indigoet même s'il avait l'air un peu nerveux – il voulait s'assurer que je n'utiliserais pas sa photo et m'a affirmé qu'il ne consommait pas de drogue –, il a reposté un court message que j’avais écrit sur des pages Internet consacrées aux indigos. J'ai reçu deux réponses ; la première répondait à quelques questions que je posais, la deuxième me proposait une rencontre.

Un court documentaire sur les enfants indigo.

Commençons par la réponse au questionnaire. Mes questions sur le TDA ont été éludées et celle sur les superpouvoirs des indigos n'a donné lieu qu'à des réponses très vagues – les pouvoirs seraient psychiques et ne pourraient pas être étudiés. Quand j'ai demandé si les indigos existaient depuis longtemps ou seulement depuis quelques décennies, on m'a dit : « De ce que j’en sais, les indigos sous forme humaine de première génération se sont manifestés au milieu des années 1960. Je suis né à la fin des années 1960. Mon rôle était de participer à atténuer le choc et de préparer le terrain pour les indigos qui ont commencé à naître en grand nombre entre les années 1980 et aujourd'hui… [soupir] et je fais de mon mieux. »

Publicité

Le truc c'est que, alors que des enfants indigo seraient nés en grand nombre il y a quelques dizaines d'années, je n'ai déniché aucun enfant britannique avec une aura indigo. J'ai beaucoup lu sur eux, j'ai entendu parler de groupes à travers tous les États-Unis – de parents qui s'énervent contre des profs en leur expliquant qu'ils ne savent pas comment enseigner correctement à des enfants indigo –, j'ai éclusé des forums de spiritualité et j'ai questionné tous les Britanniques indigo que j'ai pu contacter. Même le docteur Badat m'a dit qu'il avait eu affaire à ce phénomène dans sa carrière. Mais, d'après ce que j'ai pu voir, la communauté indigo britannique n'est faite que de gens d'une quarantaine d'années pour qui ce truc tient presque lieu de thérapie.

J'ai rencontré une de ces personnes, Caroline, au métro Charing Cross. Elle était très sympathique et bavarde, on a eu immédiatement un bon contact et on a discuté pendant environ trois quarts d'heure sans que j’aie à poser trop de questions. Elle a eu une vie difficile – des parents qui la maltraitaient, une dépression combattue à grand renfort d'antidépresseurs, des pensées suicidaires, le chagrin dans tous ses états.

« J'ai toujours senti que j'étais différente des autres. Je n'ai jamais eu l'impression d'être à ma place », m'a-t-elle dit. Jusqu'à ce qu'elle commence à se renseigner sur les indigos en fouillant sur le Net et qu'elle découvre que tout ce qu'elle ressentait pouvait s'expliquer par le fait que, peut-être, elle aussi était une indigo. « Je me suis rendue à un rendez-vous arrangé avec une personne, un chef d'entreprise, à Canary Wharf. On a discuté pendant une quinzaine de minutes et il s'est avéré que le monsieur était très spirituel. Il m'a dit : "Tu sais que tu es indigo, non ?" Et j'ai répondu : "Oui, je le sais." »

Publicité

J'ai demandé à Caroline ce qu'elle pensait de la question des TDA. Elle m'a répondu : « Je ne sais pas grand-chose là-dessus. C'est étrange, tous les indigos que je connais aiment les animaux et la nature, et ils sont tous très spirituels. Les gens atteints de TDA sont-ils aussi comme ça ? Quand j'étais petite, à l'école il y avait sans doute des gamins qui avaient des TDA et qui pourrissaient une ambiance qui se voulait studieuse. Et ils n'étaient ni spirituels ni sensibles à la cause animale. »

Akiane, un enfant de 10 ans qui serait indigo.

Caroline avait l'air plus éclairée que je ne le pensais, plus rationnelle que ce qu'on pourrait attendre de quelqu'un qui vous parle d'aura violette.

Mais, au fil de la discussion, Caroline a dit quelque chose qui m'a paru révélateur. Alors qu'elle me racontait les hauts et les bas qu'elle avait traversés et comment le fait de découvrir qu'elle était indigo l'avait aidée à affronter ses problèmes, elle a dit : « Il y a des gens qui rentrent [dans les groupes d'indigo] et qui disent : "J'ai vraiment pas le moral aujourd'hui, j'ai envie de me suicider."Si je disais ça à quelqu'un de normal, il ne comprendrait pas, il me demanderait pourquoi, il voudrait savoir ce qui m'est arrivé, ce qui fait que je suis dans cet état, mais on ne peut pas l'expliquer. Les autres indigos, eux, ils comprennent. Et on peut donc se soutenir les uns les autres. »

Peut-être que gérer ses émotions en mettant des croix dans les cases de listes sur Internet peut aider certaines personnes à expliquer pourquoi elles ne se sentaient pas à leur place à l'école, pourquoi elles n'ont pas su garder un emploi ou pourquoi elles ont eu toutes les peines du monde à s'adapter à de nouveaux environnements. Et si l'aura et l'idée (un peu bancale) qu'ils représentent une nouvelle phase de l’évolution humaine peuvent aider ces gens à surmonter leurs problèmes, alors quel mal y a-t-il à ça ?

Publicité

Cependant, l'ensemble du truc devient tout de suite plus indigeste quand on ajoute les enfants à l'équation. Comme me l'a dit le docteur Badat, ignorer qu'un enfant puisse être atteint de TDA que ce soit en l’étiquetant comme indigo ou autre, peut s’avérer handicapant pour la suite de sa vie. Et le plus ennuyeux, c'est que les TDA sont relativement faciles à traiter.

En guise d'exemple, il m'a dit : « J'invite les sceptiques à discuter avec mes patients atteints de TDA qui sont passés par la délinquance, et qui ont été totalement transformés par le traitement. Certains ont même été surpris des changements. Par la suite, ils arrivent à trouver du travail voire à faire des études supérieures. Ils s'éloignent du crime grâce à des traitements médicamenteux simples et abordables, des conseils et une formation très basique sur leurs troubles. »

On ressent facilement de l'empathie pour des parents qui refusent de reconnaître que leur enfant est malade. Et c'est particulièrement vrai dans le cas des TDA parce que, contrairement aux enfants qui souffrent de maladies physiques, dans ce cas particulier, les symptômes sont invisibles, et il est donc d'autant plus facile pour les parents de faire passer certains comportements pour un « don » plutôt que de faire le lien avec une pathologie concrète.

Mais ces parents courent le risque de voir leurs enfants comme de moins en moins « doués » à mesure que ceux-ci prennent de l'âge. Finalement, ces enfants pourraient devenir des adultes qui éprouvent les pires difficultés à trouver leur place dans le monde spirituel dans lequel on les a fait rentrer et qui ne savent pas pourquoi ils ont le sentiment de n'appartenir à aucun monde.

Suivez James sur Twitter : @duckytennent

Plus de spiritualité :

SPACE BARBIE  My life online (vidéo)

MON APRÈS-MIDI BOURRÉ DANS UNE SECTE JAPONAISE  Avatar, la menace nucléaire chinoise et Mahomet : tout est vrai pour Happy Science

UN ENTRETIEN AVEC DES SCIENTIFIQUES HIPPIES QUI COMMUNIQUENT AVEC LES PLANTES