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LE NUMÉRO 4-ACO-DMT

Photo évasion

Nous, membres du Grupo Mirada Photo, nous occupons depuis quatre ans d'un atelier photo dans le quartier de haute sécurité de la prison pour femmes de Córdoba. Les détenues n'ont pas le droit de conserver d'objets personnels dans leurs cellules...

Nous, membres du Grupo Mirada Photo, nous occupons depuis quatre ans d’un atelier photo dans le quartier de haute sécurité de la prison pour femmes de Córdoba. Les détenues n’ont pas le droit de conserver d’objets personnels dans leurs cellules. Quelques photos de famille, chiffonnées, déchirées, rapiécées et gribouillées, sont de loin ce qu’elles possèdent de plus précieux. L’une des rares choses qui leur fasse oublier la solitude de la prison. Elles ne sont pas autorisées à prendre des photos en dehors de notre salle de travail, et il nous est formellement interdit d’aller dans leurs cellules, ou de photographier le moindre bout de prison, à l’intérieur comme à l’extérieur. Du coup, on est obligés de recréer la « réalité » extérieure dans cette petite salle de classe. Le workshop dure quatre mois, et chaque étudiante doit élaborer un projet final au fur et à mesure de son apprentissage des concepts et des pratiques photographiques de base. Lors de leur séjour en prison, l’atelier est peut-être la seule chance qu’elles ont de partager des idées et de parler ouvertement de ce leur intérêt pour la pratique artistique. Elles y racontent leur vie de tous les jours, leurs désirs et leurs frustrations, et pendant un court instant, il y a un climat de liberté qui s’installe, qui n’existe nulle part ailleurs dans la prison. Du coup, ça peut devenir très émouvant. Certaines femmes fondent en larmes et d’autres déconnent comme des gamines. Elles s’amusent, elles se moquent de leur condition. On ne leur demande jamais pourquoi elles sont condamnées. Elles décident d’en parler ou pas. Leurs crimes vont du vol à l’étalage à l’homicide. Cette année, le concept c’était de faire des montages numériques à partir de trois éléments. À l’arrière plan : l’endroit où elles voudraient être si elles n’étaient pas en prison. Parfois, c’est assez vague, du genre : « Je veux être dans un lieu avec plein d’arbres » et d’autres fois très précis, comme : « Je veux être sur la Plaza San Martin, entourée de pigeons. » Les membres du Grupo Mirada Photo ont pris les photos en fonction de ce que voulaient les prisonnières. Au deuxième plan, les portraits que les femmes ont faits d’elles-mêmes grâce au studio qu’on a construit dans la prison. Les prisonnières devaient poser en pensant au projet abouti. Au premier plan, les photos de leurs maris et de leurs enfants, qu’on a scannées à partir des petits clichés qu’elles conservent dans leur cellule. En combinant ces trois éléments, on obtient des images qui représentent leurs désirs les plus chers : redevenir mères, et pouvoir vivre à nouveau à l’extérieur. MEG ESCUDÉ

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Ici, on voit Andrea dans les bras de son mari, tué dans la rue par un policier quelques semaines plus tôt. Elle n’a pas de photo de toute sa famille réunie. Pour retrouver son époux disparu et ses trois enfants, elle a dû couper/coller trois photos, dont deux ont été prises dans les parloirs d’autres prisons.

Ça fait des années que Violetta est en prison. Elle a été prisonnière politique, lors de la dernière dictature militaire en Argentine, et s’intéresse beaucoup à la question des droits de l’homme. Là, on la voit près de l’océan, ses deux filles dans les yeux.

Beatriz n’a pas vraiment profité de la retraite de son mari policier. Ils ont tous deux été envoyés en prison. Ici, elle sort de taule, joyeuse, ses époux et fils l’attendent dans leur nouvelle voiture.

Ce que veut Monica avant tout, c’est retrouver sa famille pour un « grand dîner » où on la voit comme une matriarche, protectrice et généreuse, qui s’occupe de ses enfants.

Mariela rêve aussi de grands espaces verts. À sa sortie, elle veut retrouver ses enfants dans le Parque Sarmiento.

Sur cette photo, Gabriela voulait ressembler à une vraie mère, qui protège ses quatre enfants. C’était son idée d’être représentée comme une sainte catholique, pour se moquer des préjugés contre les prisonnières.