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Les Français des geôles indonésiennes

Alors que l'Indonésie s'apprête à exécuter Serge Atlaoui, de nombreux autres occidentaux croupissent toujours dans les prisons de l'archipel.
Des soldats indonésiens s'entraînent au tir ; © Wikicommons

Le 18 janvier dernier, malgré les appels à la clémence de gouvernements occidentaux, l'Indonésie a exécuté par balles six de ses prisonniers. Originaires d'Indonésie, du Nigeria, du Malawi, du Vietnam, des Pays-Bas et du Brésil, les malheureux avaient tous été condamnés pour trafic de drogue. Au pouvoir depuis octobre dernier, le président Joko Widodo, qui a pourtant réussi à se faire une réputation de défenseur des droits de l'homme, a défini l'exécution comme une « thérapie de choc » dans sa lutte sans merci contre les trafiquants.

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La réaction des autorités brésiliennes et néerlandaises ne s'est pas faite attendre. Seulement quelques heures après, les deux pays, vivement concernés par la mort d'un de leurs citoyens, rappelaient leurs ambassadeurs. « L'application de la peine de mort, qui est rejetée de manière croissante au niveau international, va affecter sérieusement les relations entre nos deux pays », expliquait la présidence brésilienne dans un communiqué de presse.

Suite à ces récentes exécutions, le nombre de prisonniers tués en Indonésie pour trafic de drogue s'élève désormais à 13 depuis 1995 et pourrait augmenter significativement dans les mois à venir. Récemment, selon Amnesty International, Tedjo Edhy Purdijatno, ministre coordinateur de la Politique, du droit et de la sécurité, a déclaré « que 20 autres condamnés à mort seraient exécutés en 2015, la majorité d'entre eux ayant été déclarés coupables d'infractions à la législation sur les stupéfiants ». L'an dernier, si aucun prisonnier n'a été exécuté, une soixantaine d'entre eux – des étrangers pour moitié – condamnés à la peine capitale dans des affaires de stupéfiants croupissaient toujours dans les couloirs de la mort des prisons indonésiennes.

Parmi eux, plusieurs Français, et notamment Serge Areski Atlaoui, 51 ans, originaire de Metz. Arrêté en 2005 dans un laboratoire clandestin de fabrication d'ecstasy, l'homme a été condamné deux ans plus tard. Il y a quelques jours, son nom est apparu sur la liste des exécutions à venir et sa demande de grâce a été rejetée par le président indonésien. Selon les journaux locaux, sa mise à mort pourrait avoir lieu dimanche prochain.

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Serge Atlaoui et sa famille ; Photo via sa page de soutien

Le Français a pourtant toujours clamé son innocence. Artisan-soudeur de profession, il avait été embauché pour 2 000 euros par semaine versés au noir dans une usine d'acrylique de la banlieue de Jakarta. Sa mission consistait en l'installation et la réparation de machines industrielles. Ce n'est qu'au cours de son deuxième voyage qu'il comprend qu'il s'agit en fait d'une fabrique d'ecstasy. La police l'arrête au cours d'une descente qui signera le début de son cauchemar.

Aujourd'hui, le seul recours qu'il lui reste pour ne pas mourir fusillé est une demande de révision du procès, déposée mardi devant un tribunal du pays. « Il est sur le qui-vive, il sait très bien que du jour au lendemain on peut venir le chercher », a confié sur RTL son épouse. Son avocat, Richard Sédillot, se voulait lui plus rassurant : « Je suis convaincu qu'aucun juge n'envoie à la mort un homme dans l'indifférence. Donc je continue de croire qu'il y aura une révision, un réexamen du dossier de Serge Atlaoui. […] Ce qui est certain, c'est que Serge n'a jamais été un vrai trafiquant. Son passé, sa vie familiale, sa personnalité, son comportement exemplaire en prison, la confiance qu'il continue d'accorder à la justice indonésienne sur laquelle il n'a jamais émis la moindre critique, tout cela plaide pour lui », a-t-il expliqué au micro de France Info.

Comme le rappelle le ministère des Affaires étrangères dans ses conseils aux voyageurs qui ont pour destination l'Indonésie, les autorités du pays « appliquent très strictement une réglementation elle-même très sévère ». En conséquence, plusieurs mois – voire années – de prison ferme ainsi qu'une très forte amende sont prévus pour détention ou consommation de stupéfiants et les trafiquants sont punis de la même façon que les pires terroristes et assassins. « Aucune tolérance n'est observée, alors même que l'apparente facilité à se procurer de la drogue dans les lieux les plus touristiques (en particulier à Bali) pourrait faire croire à une certaine permissivité des autorités », avertit le texte. Laurent Fabius, qui devrait se rendre prochainement en Indonésie, s'est engagé à plaider la cause du Français auprès du gouvernement indonésien.

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Aujourd'hui, si l'Indonésie n'est pas le seul État à exécuter des prisonniers condamnés pour trafic de drogue – la Chine et Singapour l'ont fait à une échelle toute aussi importante –, il se fait de plus en plus remarquer sur la scène internationale pour ses nombreuses arrestations d'occidentaux. Ces dernières années, le pays a notamment condamné et emprisonné huit Français – pour des délits liés à la drogue dans la majorité des cas. Si certaines affaires ont fait la une des médias français, d'autres sont restées relativement sous silence.

Michaël Blanc, dans sa prison indonésienne en 2003 ; Photo via son site de soutien

MICHAËL BLANC ET LES 3,8 KILOS DE HASCHICH CACHÉS DANS DES BOUTEILLES DE PLONGÉE
Devenu au fil du temps le Français le plus anciennement détenu en Indonésie, Michaël Blanc, aujourd'hui âgé de 41 ans, a finalement été libéré le 20 janvier 2014 après quinze ans de prison. Arrêté le 26 décembre 1999 à l'aéroport de Denpasar avec 3,8 kilos de haschich cachés dans des bouteilles de plongée, il clamera son innocence et expliquera que le matériel lui avait été confié par un ami. Initialement condamné à la prison à perpétuité, sa peine sera réduite à vingt ans de prison en 2008 par le président indonésien de l'époque, Susilo Bambang Yudhoyono. Depuis sa libération conditionnelle, Blanc, qui est assorti à une obligation de ne pas quitter le territoire indonésien jusqu'en 2017, date de fin de sa peine, doit se présenter une fois par mois à la justice indonésienne et a trouvé un travail de cuisinier.

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Article de la Charente Libre annonçant l'arrestation de Gérard Debetz

PERPÉTUITÉ POUR GÉRARD DEBETZ
Âgé de 57 ans et ancienne figure du milieu de la nuit limougeaude, Gérard Debetz a été arrêté le 11 janvier 2011 à l'aéroport de Jakarta en possession de 5,1 kilos de méthamphétamine – d'une valeur de 650 000 euros – cachés dans la doublure de ses valises. Joint par téléphone par la Charente Libre deux mois après son arrestation, il expliquait ne pas être le propriétaire des malles incriminées. « Je n'ai strictement rien à voir là-dedans. Moi, je suis blanc de blanc. Je ne risque rien, pas la peine de mort ni la prison à vie. C'est de la mascarade, du bidon complet. Je vais bien, très bien même », expliquait-il. L'homme assurait aussi « ne pas être en prison » mais seulement en compagnie de la police « pendant encore deux ou trois semaines ». Finalement, en septembre de la même année, il sera condamné à la prison à perpétuité.

Article du Jakarta Globe annonçant le verdict du procès de Vincent Roger Petrone

VINCENT ROGER PETRONE ET SES 69 GRAMMES DE HASCHICH
Interpellé à l'aéroport de Bali le 29 janvier 2013 avec quatre capsules contenant 69 grammes de haschich dans son estomac, Petrone, 46 ans, a été condamné à six ans de prison ferme et à une amende de 76 500 euros quelques mois plus tard – une peine supérieure aux réquisitions de l'accusation, qui avait demandé cinq ans de prison. Trahi par sa nervosité qui a alerté les douaniers indonésiens, le Dijonnais domicilié à Nouméa a reconnu les faits qui lui étaient reprochés et a plaidé l'addiction. « Il faut prendre en considération le fait qu'il a depuis longtemps un problème de dépendance à la drogue. Le plus vite il pourra rentrer dans son pays, le plus vite il pourra recevoir des soins », avait déclaré son avocat. Surpris par la sévérité de la peine, l'homme a expliqué regretter son geste. Il devrait être libéré en 2019.

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Article du Jakarta Globe annonçant l'arrestation de Thierry Verchere

THIERRY VERCHERE ET SES 100 GRAMMES DE COKE
Originaire de Haute-Garonne, Thierry Verchere, 48 ans, a été interpellé dans une maison de Denpasar, capitale provinciale de Bali, le 9 janvier 2014. Selon le chef de la police locale, l'homme était en possession de « 111,92 grammes de cocaïne, d'une valeur commerciale de 559,6 millions de roupies » (34 600 euros). Heureusement pour lui, il a seulement été accusé d'usage de stupéfiants et non de trafic. Ainsi, la sanction encourue était une peine de 20 ans ferme et non la mort. Il a finalement écopé de dix mois de prison.

Article du Jakarta Post annonçant l'arrestation de François Giuily

FRANÇOIS GIUILY, 15 ANS FERME POUR 3 KILOS DE MÉTHAMPHÉTAMINE
Le 19 janvier 2014, les autorités indonésiennes arrêtent de nouveau un Français à l'aéroport de Denbasar. François Giuily, 49 ans à l'époque, se trouvait en possession de 3 kilos de méthamphétamine, d'une valeur de 400 000 euros, cachés dans sa valise. L'homme, « retardé mentalement » et « victime d'une mafia internationale de trafiquants de drogue » selon son avocate, avait affirmé pendant son procès avoir accepté de transporter un paquet dont il ignorait le contenu que lui avait remis un intermédiaire rencontré au Sénégal. Il s'était vu promettre 2 900 euros pour le service. Le procureur n'a pas pris en compte sa version des faits et l'a condamné à 15 ans de prison.

Thomas Dandois et Valentine Bourrat à leur retour à Paris ; Photo : Virgile Dall'Armellina/VICE News

THOMAS DANDOIS ET VALENTINE BOURRAT, JOURNALISTES SANS VISA
L'arrestation de Thomas Dandois et Valentine Bourrat, tous les deux journalistes, est la seule concernant des citoyens français à n'avoir aucun rapport avec les stupéfiants. Le 6 août dernier, alors qu'ils réalisaient un documentaire sur les rebelles séparatistes de Papouasie pour Arte, ils ont été interpellés pour infraction à la législation sur l'immigration – un délit pouvant aller jusqu'à 5 ans de prison. Leur faute : ils étaient entrés en Indonésie avec un visa de tourisme et non un visa de journaliste. Condamnés à deux mois et demi de détention, ils sont finalement rentrés en France le 29 octobre. « Les conditions de détention étaient correctes. Ce qui était le plus dur, c'était de ne pas savoir comment tout cela allait tourner. Il y avait toujours la possibilité de passer cinq ans de sa vie en prison pour avoir abusé d'un visa de tourisme. C'était difficile à encaisser, de garder les idées claires », avaient-ils expliqué à VICE News.

Il y a un an, selon le Quai d'Orsay, environ 2 215 Français se trouvaient détenus à l'étranger – principalement en Europe et en Asie centrale –, dont 40 % pour des affaires de drogue. En plus de Serge Atlaoui, six autres ont été condamnés à mort, et notamment Phoumy Chan Thao, un Franco-Laotien emprisonné en Chine également dans une affaire de stupéfiants. « La plupart des Européens condamnés à mort à l'étranger le sont soit en Asie pour des affaires de drogue, soit aux Etats-Unis pour des affaires de meurtre », expliquait Raphaël Chenuil-Hazan, directeur de l'association Ensemble contre la peine de mort.

@GlennCloarec