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J’ai un syndrome de Tourette volontaire (et je suis fou)

Une liste non exhaustive de mes tics les plus embarrassants.

Un autoportrait de l’auteur

J’ai toujours été une créature attachée à ses petites habitudes. Plus mes journées se ressemblent, mieux je me porte, et plus je suis productif. En réalité, je déteste tout planifier à l’avance. Je ne sais jamais ce que je veux faire avant de le faire. Planifier quelque chose – même lorsqu’il s’agit d’un truc cool, comme préparer un repas ou regarder un film avec quelqu’un – ne fait qu’affecter mes capacités de concentration. Je vais vous paraître un peu coincé, mais j’arrive généralement à maintenir une apparence décontractée, même lorsque mon corps tout entier a envie de hurler.

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À force de masquer ma gêne au quotidien, j’ai développé une nouvelle habitude pour apaiser mes montées d’angoisse – j’appelle ça « le syndrome de Tourette volontaire ». En d’autres mots, j’ai tendance à répéter quelques sons, mais d’une manière plus contrôlée qu’une personne réellement atteinte de cette maladie. Le problème, c’est que je le fais tellement régulièrement qu’il semble que je n’arrive plus à m’arrêter. En tout cas, ça fait environ dix ans que je fais ça. La plupart du temps, je parviens à me retenir de le faire devant d’autres gens, bien qu’il m’arrive de déverser mon flot de paroles insensées publiquement lorsque je me trouve trop longtemps en compagnie d’une autre personne.

Peut-être que c’est une manière de me rassurer et de me prouver que j’existe toujours, que je me rappelle du son que j’ai émis la veille et que mon cerveau est toujours fonctionnel. Ces tics verbaux sont aussi importants dans ma vie que les autres activités auxquelles je m’adonne, comme le simple fait d’écrire – chose que je n’ai jamais pu arrêter de faire. Parfois, je me rappelle soudainement que je partage un mur avec une voisine qui m’entend très probablement me parler à moi-même, et parfois hurler tout seul. Je me demande souvent comment elle me représenterait si on lui demandait de me dessiner. Pour avoir partagé un mur avec une personne atteinte de Tourette (et qui aimait visiblement se coucher après 4 heures du matin pour prendre de la coke et s’entretenir avec son chien), je sais que les bruits aléatoires et les boucles gutturales peuvent vite paraître aussi monstrueux qu’idiots.

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Mais au final, ces petits sons embarassants m’appartiennent. Ils évoluent en même temps que moi, comme une phrase constamment éditée.

UNE LISTE DE MES PLUS VIEUX TICS VOLONTAIRES

Le jingle de Meow Mix

C’est le premier tic récurrent dont je me rappelle, ce qui est assez logique si on tient compte du fait que je me le répète toutes les semaines depuis près de quinze ans et qu’il provient d’une pub de nourriture pour chats. Je n’ai jamais possédé de chat ou acheté la moindre boîte de Meow Mix, et pourtant son nom me vient souvent à l’esprit. Si je me souviens bien, j’ai commencé à le chanter exactement comme les chats dans la publicité, avant de me contenter de citer le nom de la marque. J’aime bien dire « Meow Mix » lorsque j’ouvre mon frigo ou quand j’attends un ascenseur après avoir appuyé sur le bouton. J’imagine que la personne à l’origine de ce jingle a dû l’oublier deux secondes après en avoir vendu les droits – et il est même fort probable qu’elle soit morte aujourd’hui.

Un mot incompréhensible de quatre syllabes qui commence par Bet finit par O

La première fois que j’ai prononcé ce mot qui n’existe pas, c’était pendant que je faisais la queue à une épicerie pour acheter une pizza congelée. Le son est sorti tout seul de ma bouche. Je ne me souviens pas de ce que j’ai ressenti sur le coup, ni de ce qui me plaisait particulièrement dans cet assemblage de syllabes. Mais ça fait maintenant plus de dix ans que je répète ce son au moins douze fois par jour. Avec le temps, j’ai trouvé plusieurs emplois à ce mot, comme par exemple: « hé, [mot chelou] » (comme si je m’adressais à quelqu’un qui porte ce nom) ou encore : « [mot chelou], je t’emmerde » (prononcé d’une voix chantante). Je ne sais pas ce que veut dire ce mot, ni pourquoi je m’évertue à le répéter.

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La Quados Maneos

Je me retrouve souvent en train de balbutier en faux espagnol, principalement parce que je ne parle pas un mot d’espagnol. Mais tenir de longs discours dans cette langue me permet de ne penser à rien d’autre, un peu à l’image d’un gamin qui fermerait les yeux pour éviter de voir quelque chose qui lui fait peur ; comme si le fait de ne pas le voir annulerait son existence. J’ai même inventé toute une chanson, qui tourne autour d’une phrase en particulier : « la quados maneos ». Elle a fini par m’énerver, même si je ne peux pas m’empêcher de la terminer dès que je commence à la prononcer et que je me sente obligé de la chanter plusieurs fois. Cette phrase me donne l’impression de me trouver dans une pièce que je n’aime pas particulièrement, mais qui me manquerait énormément si je la quittais.

L’Air Drum

Parfois mes tics vocaux s’accompagnent de gestes physiques, comme lorsque je fais semblant de taper sur une caisse claire en poussant un cri suraigu – sauf que le plus souvent, aucun son ne sort de ma bouche. Ça m’arrive de le faire quand j’ai vraiment l’impression d’être fou ou que je me retrouve coincé dans une situation sociale gênante. En général, je demande à aller aux toilettes ou je m’isole dans un coin pour le faire. Je le fais aussi quand quelque chose de bien m’arrive, genre gagner un pari sportif.

Désolé pou’ toi, c’est pas cool pou’ toi

Un de mes potes de primaire n’arrêtait pas de répéter ça à tout le monde, avec un faux accent irlandais, sans jamais expliquer pourquoi il était désolé. Il est mort dans son sommeil quand on était au lycée. Je me surprends souvent à reprendre sa fameuse réplique. Et je pense avoir finalement compris pourquoi il était désolé. Parce que c’est peut-être bizarre d’être une personne qui se doit de répéter des trucs chelou en permanence pour penser clairement, mais nous sommes quand même des êtres humains, et le temps qu’il nous reste pour prononcer ces mots s’amenuise de jour en jour.