Les joutes ultraviolentes du Black Label Bike Club

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Les joutes ultraviolentes du Black Label Bike Club

Une Française a photographié des types qui se bastonnent à vélo au nom de l'anticapitalisme.

Le Black Label Bike Club est un club de vélo qui a été monté dans les années 1990 à Minneapolis par Jacob Houle et Per Hanson. Pour intégrer ce club divisé en plusieurs factions – une à Brooklyn, une au Texas et une autre en Nouvelle-Orléans –, il faut participer à un certain nombre de combats à vélo et passer beaucoup de temps avec ses membres. Bien que le club soit relativement discret sur son origine et sur son histoire, la photographe française Julie Glassberg a réussi à les accompagner et à les photographier pendant leurs combats, leurs réunions annuelles et leurs moments du quotidien.

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Tous les ans, les membres du clubs se réunissent à divers événements – avec des noms aussi évocateurs que Bike Kill, à New York, Slaughterama en Virginie ou encore Riding Dirty, en Louisiane. Selon Mikey, un des membres du club, les personnes qui y assistent peuvent tous aussi bien être des adolescents que des universitaires sauvages ou des weirdos. Les photos de Julie seront exposées à la galerie 247 de Paris à partir du 13 juin – j'ai discuté avec elle pour qu'elle m'en dise un peu plus sur son travail et les origines du club.

Slaughterama, Richmond, VA. Pendant le tournoi, deux adversaires s'observent quelques secondes et commencent a pédaler a toute allure jusqu'à la collision. La chute est assez violente. La foule se rue sur eux pour les aider et acclame le vainqueur.

VICE : Qu'est ce qui t'a donné envie de suivre le Black Label Bike Club ?
Julie Glassberg : J'étais encore à l'école au moment où j'ai commencé mon projet. J'ai toujours été intéressée par les cultures underground. Quand j'étais à Paris, je photographiais pas mal de punks et de skinheads, et je voulais trouver un sujet un peu dans le même style à New York. Un soir, dans un bar, un type m'a parlé du Black Label Bike Club et du documentaire B.I.K.E., sorti en 2006. C'est l'histoire d'un type qui tente d'intégrer le club. À l'époque, il fallait faire un certain nombre de joutes et passer du temps avec eux pour être vraiment intégré. Mais les membres du club sont surtout là pour se faire plaisir et pour trouver des solutions alternatives.

Au départ, j'étais intéressée par l'aspect sensationnel de leurs joutes, mais j'ai découvert que leur communauté ne se résumait pas à ces tournois, il y avait quelque chose de plus profond à raconter. J'ai passé pas mal de mois à faire des recherches, et j'ai finalement réussi à trouver un des membres sur Internet, qui m'a proposé de passer le soir même. Je savais qu'ils avaient une très mauvaise expérience avec les médias, qui ne s'intéressaient qu'à leur côté sensationnel et ne se penchaient pas trop sur leur style de vie. Comme j'étais encore étudiante à l'époque, je pense que ça a aidé. Je suis venue à un de leurs anniversaires avec une bouteille de tequila. J'y ai rencontré Stinky, qui est devenu mon entrée dans le club. Il bossait dans un magasin de vélos – tous les soirs je le rejoignais là-bas et on partait voir les autres. Sa confiance m'a beaucoup aidé à gagner celles des autres.

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Bike Kill est la compétition de joute annuelle organisee par le Black Label Bike Club à Brooklyn. Elle se déroule dans le parking d'un supermarché derrière la « Chicken Hut », leur QG.

As-tu assisté à beaucoup de tournois ?
J'ai dû assister à trois réunions annuelles. À une époque, ils organisaient beaucoup de tournois de joute sous les ponts de Brooklyn, mais je ne les ai pas connues. Avant les joutes, il y a beaucoup de jeux, lesquels sont parfois alcoolisés. Il y a énormément de démonstrations de BMX. Mais le tournoi Brooklyn est assez familial, ce sont vraiment de grands enfants qui cherchent juste à s'amuser.

Ça t'a donné envie de faire partie du Black Label Bike Club et de t'adapter à leur philosophie ?
C'est possible, je n'ai jamais eu l'impression de faire partie des normes de la société. Mais finalement, leur groupe est aussi régi par des règles – s'intégrer dans un groupe pareil est un peu contradictoire par rapport à leur envie de liberté et leur volonté de s'affirmer contre le système. On sent qu'ils commencent un peu tous à vieillir. Au début, ils étaient un peu réticents à l'idée que je les prenne en photo, mais en fin de compte, je suis tombée au bon moment : je documente un aspect de leur vie qui ne va peut-être pas durer.

Quel genre de personnes intègrent le groupe ?
Ce sont souvent des gens intégrés dans la société, notamment par leur travail. Ce sont soit des anciens nerds, soit des excentriques, soit des gens bizarres à qui personne ne voulait parler, ou même des orphelins. Il y a la même tristesse et le même sentiment d'injustice chez chacun d'eux – avec le groupe, ils se sentent protégés.

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Slaughterama, Richmond, VA. Les clubs de vélo de tous les États-Unis se retrouvent lors des joutes. Comme les clubs de motards, ils portent les couleurs du club qu'ils représentent. Ils ne sont pas belliqueux les uns envers les autres. Ils partagent simplement une passion, des idées et un style de vie – et ne s'affrontent que lors des joutes.

Le style est plutôt agressif, est-ce que tu essaies aussi de faire ressortir leur sensibilité ?
Les événements ont l'air très agressif en effet, mais ce sont des gens très sensibles. Des jeunes qui ont des peurs, liées à la vie, de la haine par rapport à certaines choses. Lors de ces événements, ils se défoulent complètement. Mais quand on les observe entre eux, on constate qu'ils partagent beaucoup d'amour. Ils sont très soudés. Il n'y a pas de violence dans leurs rapports, pas de compétitivité. Ils se sentent tous rejetés par la société.

Tu as rencontré des difficultés particulières lors de ce reportage photo ?
Pas trop, sauf au début, quand des personnes portaient encore un regard suspicieux sur moi. Certains ne voulaient pas être photographiés, d'autres se demandaient ce que je faisais là. Alors j'ai montré mes photos pour qu'ils voient un peu mon travail. J'ai fait avant tout une approche humaine du club – il ne saurait être résumé à la drogue ou la violence.

Merci beaucoup Julie.

Les photos de Julie seront exposées du 13 juin au 25 juillet 2015 à la Galerie 247.

Plus de photos extraites de l'exposition ci-dessous