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À quoi ressemblera la France en 2050 ?

Premier indice : il est possible qu'il fasse plus chaud, qu'il y ait plus de monde et que le CDI disparaisse. Second indice : il est possible que ce soit tendu pour vous.
Photo via Flickr Commons

Longtemps, le XXIe siècle a été dans l'imaginaire collectif un synonyme d'âge d'or technologique. On le voyait alors comme l'avènement d'une société hypertechnique et ultra-connectée qui ressemblerait comme deux gouttes d'eau à ce que décrivaient dans leurs ouvrages les écrivains de science-fiction les plus pétés du siècle précédent. Dans les années 1980, on imaginait encore, dans Blade Runner que des voitures volantes circuleraient au-dessus des villes ou dans Total Recall que l'espèce humaine se serait définitivement implantée sur Mars. Toujours dans Total Recall, l'homme aurait pu reprogrammer à volonté la mémoire des gens. Ou encore, on pensait dans Terminator que des robots hyper sophistiqués tenteraient de prendre l'ascendant sur l'humanité jusqu'à vouloir nous anéantir purement et simplement.

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Cette utopie d'un monde radicalement nouveau, fortement alimentée par le cinéma et la littérature de genre, a été le creuset de beaucoup de fantasmes. Mais force est de reconnaître qu'en 2015, de fait, c'est un peu vrai. On assiste en effet à une accélération exponentielle des innovations technologiques.

Les smartphones sont devenus des ordinateurs à part entière, les drones envahissent le ciel, et les imprimantes 3-D révolutionnent déjà notre quotidien. Selon Hiroshi Ishiguro, chercheur japonais à la tête du projet Geminold, certains scientifiques prévoient que les premiers robots domestiques seront disponibles à l'achat d'ici quelques années et que les nanotechnologies s'apprêtent à démultiplier la puissance de nos ordinateurs. Alors, qu'est-ce qui nous attend réellement et comment vivrons-nous dans un avenir proche ?

Pour faire la part des choses entre le rêve et la réalité, j'ai demandé à trois futurologues, autrement dit des scientifiques dont le travail est d'imaginer le monde de demain, de nous dire à quoi ressemblera la France dans 35 ans, en 2050. On a parlé de technologie, de travail, de climat et de démographie. En gros, tout ce qui nous fait envisager le pire aujourd'hui. Et de pinard, aussi.

Photo via Flickr

Joël de Rosnay, président de Biotics International et ancien Directeur du bureau de prospective de la Cité des Sciences
« En 2050, la société française sera hyperconnectée. Nous ferons l'expérience de la symbiose entre le biologique, le numérique et l'électronique. C'est ce qu'on appelle la symbiotique. Les outils que nous possédons aujourd'hui pour communiquer et pour travailler s'adapteront en permanence à nous pour nous rendre la vie plus pratique, sans que nous ayons à nous adapter à eux comme c'est le cas aujourd'hui. Ils seront proactifs et agiront par eux-mêmes. Tout sera interconnecté : bus, maisons, voitures, tablettes, smartphones, villes. Si vous voulez vous rendre dans un point précis de Paris, un bus pourra venir vous chercher en bas de chez vous. Tout sera entièrement interactif.

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Le nomadisme va profondément modifier l'organisation des entreprises ; le modèle pyramidal de structuration hiérarchique vertical du travail, auquel les patrons français sont tellement attachés, sera mis à mal. On sera avantage dans un modèle horizontal inspiré du web, plus libre et plus ouvert. Le contrat de travail à durée indéterminée, qui fait partie intégrante de notre modèle, tendra à disparaître au profit de nouvelles façons de travailler plus flexibles et personnalisées. Ce sera l'ère des freelancers. Il y aura beaucoup plus de travailleurs indépendants en 2050 que de travailleurs en postes fixes. Le travail à distance, via écrans d'ordinateurs interposés, sera également beaucoup plus répandu.

La gastronomie française devra s'adapter à un changement majeur. Notre alimentation va connaître une révolution. Elle va se personnaliser. De façon généralisée, nous aurons des outils pour radiographier nos aliments, savoir ce qu'ils contiennent exactement, quels sont les types de colorants, le niveau de calories, etc. Nous pourrons choisir en connaissance de cause les aliments que nous pensons être bons pour nous. Cela va avoir un impact énorme sur ce que nous mangeons.

L'augmentation des vagues de chaleur et la répétition des sécheresses rendront peut-être la viticulture difficile dans le sud de la France. De fait, pourquoi pas de grands vignobles en Bretagne ?

Les Français, actuels premiers consommateurs de médicaments au monde, se soigneront également de façon tout à fait différente. Nous aurons la possibilité de télécharger nos médicaments et de les imprimer en 3-D pour pouvoir les consommer dans l'instant. Ce qui veut dire que les traitements, de la même façon que les aliments, vont se personnaliser. Si vous avez une bonne grippe, vous pourrez télécharger le nombre exact de pilules dont vous avez besoin, sans acheter une boîte de 20 et n'en prendre que la moitié au final. Donc moins de gaspillage.

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Les Français vivront également beaucoup plus longtemps. L'espérance de vie sera d'environ 96 ans – contre 84 ans aujourd'hui. Donc une société française qui s'adaptera de gré ou de force à ce que l'on appelle déjà aujourd'hui la silver economy et qui devra faire travailler les plus âgés d'entre nous. Ce qui implique une profonde mutation dans notre vision sociologique du travail et de la société. Une espérance de vie nettement plus importante combinée à une montée en puissance des seniors nous obligera à repenser la retraite et à trouver des solutions alternatives. »

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Gilles Pison, démographe et directeur de recherche à l'Ined
« La population sera plus nombreuse qu'aujourd'hui. Selon les projections de l'Insee publiées en 2010, la France métropolitaine devrait compter quelque 72 millions d'habitants en 2050 contre 64 millions en 2015 – soit 8 millions de plus. Cette projection prolonge les tendances démographiques récentes. Elle indique que les hypothèses sur la fécondité se stabilisent à 1,95 enfant en moyenne par femme, soit un niveau proche de celui d'aujourd'hui, et que la mortalité continue de baisser au même rythme qu'au cours des deux dernières décennies. Elle suppose aussi que le solde migratoire (les entrées moins les sorties du territoire) se stabilise à 100 000 personnes par an. Cette projection date de 2010 et les évolutions réelles ont été légèrement différentes depuis : la fécondité a été un peu supérieure à la prévision au cours de ces quatre dernières années, et le solde migratoire, en revanche, moitié moindre. Les deux effets allant en sens contraire et se neutralisant en partie, l'évolution de l'effectif total a été proche de la projection.

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L'Insee a publié d'autres projections correspondant à des hypothèses différentes de celles-ci, qui constituent le scénario dit "central". Selon les hypothèses de fécondité haute (2,10 enfants au lieu de 1,95), ou basse (1,80), la population en 2050 varie de plus ou moins 2,8 millions autour des 72 millions d'habitants du scénario central. De même, selon qu'on fixe le solde migratoire à 50 000 personnes par an (hypothèse basse) ou 150 000 personnes (hypothèse haute), elle varie de plus ou moins 2,7 millions.

Mais la population sera aussi plus âgée. Entre 2015 et 2050, dans le scénario central, le nombre de personnes de moins de 60 ans ne change guère, se maintenant autour de 49 millions. En revanche, celui des personnes de 60 ans ou plus augmente de 44 %, passant de 16 à 23 millions. Cette augmentation est annoncée dans tous les scénarios. C'est la silver economy. Elle vient de la combinaison de deux phénomènes : l'allongement de la durée de vie, et surtout, l'arrivée aux âges élevés des générations nombreuses nées pendant le baby-boom, entre 1946 et 1974, qui remplacent les générations creuses qui les ont précédées.

La part des 60 ans ou plus dans l'ensemble de la population passe de 25 % à 32 % dans le scénario central. Et l'âge médian, qui divise la population en deux parties numériquement égales, l'une plus jeune et l'autre plus âgée, augmente de 41 à 44 ans.

L'arrivée des baby-boomers aux âges élevés ou très élevés va aussi se traduire par une hausse importante du nombre de décès. Le solde naturel, différence entre les naissances et les décès, devrait en conséquence diminuer progressivement, passant de 239 000 en 2014 à 32 000 en 2050 dans le scénario central. Si la population continue alors d'augmenter, ce sera sans doute à un rythme moindre qu'aujourd'hui, la croissance reposant principalement sur le solde migratoire, alors qu'aujourd'hui (en 2014), elle tient surtout au solde naturel qui explique 84 % de la hausse – le solde migratoire n'en représentant que 16 %. »

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Hervé Quénol, climatologue et Directeur de recherche au CNRS
« Dans le contexte du changement climatique, on évoque souvent un réchauffement global de plusieurs degrés à l'horizon 2050-2100, mais très peu les impacts aux échelles locales. C'est-à-dire, à l'échelle de l'individu, que cela soit pour ses activités ou sa qualité de vie. Mes recherches consistent à étudier la variabilité spatiale du climat à l'échelle locale par l'intermédiaire de la mesure sur le terrain et de la modélisation, puis de confronter mes résultats avec les scénarios du changement climatique dans une démarche d'adaptation. Mes domaines d'applications sont très divers : agroclimatologie, climatologie urbaine ou encore l'impact du climat sur la biodiversité.

À quoi ressemblera la France viticole en 2050 ? En se basant uniquement sur les scénarios issus des modèles du changement climatique, il y aurait un déplacement vers le Nord de la géographie viticole française. L'augmentation des vagues de chaleur et la répétition des sécheresses rendraient la viticulture difficile dans le sud de la France alors que l'augmentation des températures permettrait d'avoir des conditions plus favorables pour la viticulture dans le nord de la France. De fait, pourquoi pas de grands vignobles en Bretagne ?

Or, ces prédictions ne sont basées que sur des résultats de simulation et comportent un grand nombre d'incertitudes : les modèles ne prennent pas en compte les capacités d'adaptation de la vigne, des vins et des viticulteurs ! Avant un possible déplacement géographique des régions viticoles vers le Nord, plusieurs méthodes d'adaptation sont possibles : modifications des pratiques culturales comme le travail du sol ; modification des cépages, notamment en plantant des variétés moins sensibles à la sécheresse ; connaissances des microclimats ; adaptation en cave pour limiter les degrés en alcool, etc. Donc, avant d'arriver à des impacts brutaux comme la disparition ou l'apparition de régions viticoles en France, nous disposons de toute une batterie de méthodes d'adaptation pour la viticulture française. Une seule certitude : les caractéristiques des vins changeront – mais cela n'est pas nouveau. Les vins d'il y a 50 ans n'avaient pas le même goût que les vins d'aujourd'hui. Les consommateurs se sont adaptés et il n'y a aucune raison qu'ils ne s'y adaptent pas dans le futur. »