La magie noire des devantures de Barbès et Château Rouge

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La magie noire des devantures de Barbès et Château Rouge

Les boutiques africaines du 18e arrondissement parisien, vues de la rue.

Toutes les photos sont de l'auteur

J'ai pris ces photos de devantures de magasins dans les quartiers de Clignancourt et la Goutte d'Or, dans le 18e arrondissement parisien. Ça m'a pris trois après-midi, au cours desquels je me suis principalement promené aux alentours des rues Marcadet et Myrha, les grands axes si l'on veut. C'est un quartier dans lequel j'aime bien traîner ou voir des potes, mais ce serait mentir de dire que c'est « mon quartier » et que j'y passe tout mon temps libre. En revanche, c'est l'endroit rêvé pour prendre des photos.

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De toutes les devantures que j'ai prises, ma favorite demeure celle de « Viande À Gogo ». Les peintures sur les vitres sont toutes très réussies, et c'est assez intéressant d'avoir inséré un logo Chicago Bulls sur une devanture de boucherie. Et, quoique végétarien, je trouve que le nom résume assez bien ce que l'on pourra trouver à l'intérieur. Aussi, la culture et l'art populaire sont des choses qui me parlent beaucoup, et que l'on retrouve dans une grande majorité de ces devantures. Dans ce délire, j'ai été marqué par la vitrine de l'épicerie « Terroirs du Congo ». On y retrouvait une affiche faite avec Microsoft Word. C'est une esthétique très « ignorante » si l'on veut, mais justement ce côté modeste qui est beau.

Généralement, j'ai beaucoup d'affection pour les devantures de magasins peintes à la main, que ce soit à Barbes ou ailleurs, et c'est pour cette raison que je me suis attelé à cette série. Quoique certaines de ces devantures soient moyennement exécutées, ce truc « fait main » confère un truc en plus au magasin – ça te donne envie d'y rentrer. Parfois, tu sens que certaines sont carrément peintes par le gérant. Ça change des façades chiantes et uniformes que tu peux voir partout ailleurs dans Paris. Cette partie du 18 e est, malgré le temps, resté un quartier de locaux, où l'on rencontre encore une vraie vie de quartier.

Clignancourt est l'un des plus illustres quartiers africains de la ville de Paris. Parmi les shops que j'ai pris en photo, il y a pas mal de restaurants où tu peux bien manger pour pas trop cher des plats de type mafé, poulet yassa, tieb, etc. Il y a aussi plein d'épiceries labellisées « exotiques », des salons de beauté qui font aussi coiffeurs, des magasins de tissus, des bijouteries ou des boutiques de fret. Tu trouves un peu de tout en fait. J'ai remarqué que l'on comptait également moins de junkies qu'avant, ce qui peut s'expliquer par le fait que le quartier grouille aujourd'hui de policiers. Quand t'as de la chance, tu peux tomber sur cette figure du quartier, la femme-araignée ; elle a les articulations des genoux inversées et est obligée de marcher à quatre pattes. Elle surprend toujours la première fois.

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On retrouve une mixité de populations étonnante dans le segment Barbès-Clignancourt. Il serait difficile de parler de « zones » abritant exclusivement telle ou telle communauté, mais de ce que j'en ai vu, on compte une majorité de magasins congolais et ivoiriens. Tu tombes sur le drapeau de ces pays plus souvent que celui des autres, devant les magasins ou aux fenêtres. Mais encore une fois, c'est très mixte. Il y a en réalité des boutiques tenues par des personnes originaires de tous les pays d'Afrique de l'ouest : Togo, Ghana, Nigeria, Sénégal, etc. La seule enclave non-africaine se situe rue Labat, où s'étend une micro-communauté sri-lankaise sur une centaine de mètres.

Au début du reportage, j'étais un peu en mode « je m'en bas les couilles » – je prenais les photos l'une après l'autre, sans demander à personne. J'ai vite dû arrêter, parce qu'évidemment, les gens n'aiment pas trop ça. Mais à partir du moment où tu discutes un peu avec les gérants des magasins ou les mecs du quartier, que tu leur montres leur magasin en photo, les mecs se calment. Après bon, il y a aussi des gens suspicieux qui te répondront « non » quoiqu'il arrive, mais c'est jamais très grave. J'ai d'ailleurs fait des tirages de photos pour certains gérants qui me l'ont demandé – j'espère qu'ils l'accrocheront derrière leur comptoir.

Une gérante de salon de beauté m'a aussi demandé un euro pour que j'aie le droit de prendre une photo. Elle a dit qu'elle me taxait parce que j'étais Blanc. Selon ses dires, « un euro ne représente rien pour un Blanc ». Je crois que je l'ai bien pris. Il faut bien que chacun fasse son beurre, hein.

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