La vente de sperme est un secteur très compétitif

Presque tous les mecs ont déjà songé à faire don de leur sperme contre un peu de blé. Après tout, les gars lâchent leur foutre à tout-va. Si vous appartenez à la gent masculine, il y a de grandes chances que vous soyez en train de vous branler en ce moment même. Alors pourquoi ne pas être rémunéré pour ça ?

Après quelques recherches sur Google, j'ai vu qu'il fallait correspondre à certains critères pour devenir donneur de sperme. Par exemple, il est nécessaire d’avoir fait des études supérieures, de faire plus d’1m53, de ne pas avoir d’antécédents familiaux et de posséder un nombre conséquent de spermatozoïdes. Je suis diplômé en art, je ne suis pas cinglé ni accro à la drogue, je suis grand, assez beau et charmant, et je pense correspondre plus ou moins à l’archétype du mec viril. J’ai entamé quelques recherches, en pensant naïvement que donner mon sperme serait aussi simple que me palucher dans mon lit.

J'ai cherché la banque de sperme qui lâcherait le plus de thunes pour mes petits têtards féconds. Le groupe qui paye le plus s’appelle Cryos New York, et ils offrent 370 € pour une simple éjaculation et jusqu'à 450 € pour une « donation ouverte » – qui permet notamment à vos futurs enfants de vous retrouver quand ils seront en âge de vouloir rencontrer leur père biologique.

Quitte à être un mauvais père, je préférais ne pas en avoir conscience. J’ai donc précisé que je voulais faire un don anonyme. Après avoir rempli les 10 pages du dossier, je l’ai envoyé à Cryos Bank, tout excité à l’idée de commencer ma carrière de masturbateur freelance.

Le jour suivant, j'ai été invité à me rendre à Cryos Bank. J'y ai rencontré Jennifer, une infirmière aux attributs généreux. Elle m'a dit que la plupart des donneurs étaient bêtes et moches, et qu'elle était ravie que quelqu'un comme moi vienne apporter sa contribution. Je me suis rendu dans une pièce isolée pour procéder au don. Au moment où je baissais mon pantalon pour m’exécuter, Jennifer est entrée avec un corset en dentelle, en me demandant gentiment si j’avais besoin d’aide.

Merde, non, ça c'est ce que j’avais imaginé. En réalité, j’ai reçu un e-mail de refus le jour de ma candidature. C’était affreusement déprimant. La semaine suivante, j'ai postulé à d'autres banques de sperme et j'ai été rejeté systématiquement. Apparemment, la crise économoqie a fait du don de sperme un secteur très concurrentiel. Les candidatures de donneurs ont doublé, contrairement aux femmes en quête d'insémination qui se font de plus en plus rares. Du haut de ses 1 % d’acceptation, Cryos Bank se vante d’être un établissement « encore plus difficile à intégrer que Harvard ».

Après quelques semaines de chômage, j'ai fait des recherches pour voir s'il était toujours possible de se faire emprisonner pour cause d'endettement. Désireux d'exploiter ma laitance malgré tout, j'ai opté pour une approche différente. Au lieu de me rendre dans la meilleure boîte du secteur, je suis allé voir la pire de toutes.

Celle qui avait l'air la plus nulle s'appelait Idant Labs, et son site officiel m'a rappelé l'âge d'or de Geocities. La rémunération s'élevait à 55 € par don. Comme ma situation pouvait difficilement être plus avilissante, j’ai fini par leur envoyer ma candidature. Bien sûr, j'ai été tout de suite accepté, et ils m'ont invité à me rendre dans leurs bureaux. Dès mon arrivée, on m'a remis des formulaires remplis de questions hilarantes :

Quel est votre but dans la vie ? Où vous imaginez-vous dans 20 ans ? / Pourquoi voulez-vous être donneur ? / Si vous deviez adresser un message au destinataire de votre sperme, quel serait-il ?

Si je savais ce que j'allais faire dans vingt ans, je ne serais certainement pas en train de vendre mon sperme. Combien de futurs Prix Nobel de physique ont arrondi leurs fins de mois en se masturbant dans des contenants en plastique ? Et sérieux, qu'est-ce que je pourrais bien vouloir dire aux destinataires de mon foutre ? J'avais envie de leur écrire « voilà ce qui arrive quand on se rend dans un endroit pareil », mais par décence, je me suis retenu.

5. Avez-vous déjà eu des contacts sexuels avec des personnes que vous connaissiez peu ou avec des inconnus ? Si oui, expliquez. / 7. Indiquez votre préférence sexuelle : éjaculation vaginale – éjaculation orale – éjaculation anale

Quand j’ai remis mon questionnaire au docteur, il m'a demandé si je m'étais « abstenu » pendant cinq jours – comme il l’avait préconisé dans son premier e-mail.  C'était tout à fait impossible pour moi. La masturbation était devenu ma seconde nature. Les oiseaux volent, les poissons nagent, les catcheurs américains battent leurs femmes et moi, je m'astique. C'est comme ça.

Le médecin m'a regardé, un peu sceptique. « La fertilité de l'homme est en déclin. Beaucoup d'hommes ne peuvent pas produire assez de semence pour en donner, m'a-t-il expliqué. Un donneur a trois chances pour nous donner un échantillon qui corresponde à nos attentes concernant le nombre de spermatozoïdes. La plupart des donneurs potentiels n'y arrivent pas. On a quand même reçu un homme qui a pu nous faire trois dons en une semaine, mais ce n'est vraiment pas commun. »

Ensuite, on m'a escorté dans une petite pièce où se trouvait une petite télé de 30cm avec un lecteur cassette. Malheureusement, il n'y avait que des DVD. J'ai essayé d'en mettre un dans le magnétoscope en espérant un miracle pornographique, mais ça n'a pas marché.

Puisque la télé n'était pas une option, je me suis rabattu sur la sélection de vieux magazines Playboy et Penthouse. Le numéro le plus récent que j'ai pu trouver datait de 2008. Étant un grand fan des interviews Playboy, j'ai pris le temps de lire les pensées d'Arianna Huffington sur l'accusation de George Bush.

La pièce était particulièrement sale, mais j'ai quand même réussi à m'y mettre. J'ai même trouvé ça très facile et en moins de deux minutes, mon don était fait. J'ai remis mon échantillon, et ils m'ont dit qu'ils me recontacteraient dans les trois jours suivants.

Bizarrement, c'est là que cette histoire se termine. On ne m'a jamais rappelé. Je plaisante pas. C'est tout ce qui s'est passé. J'ai fait beaucoup de choses dans ma vie pour me faire un peu de fric, mais rien de plus déprimant que d'essayer de trouver quelqu'un pour acheter mon sperme. Tant pis, je n'ai jamais voulu d'enfants de toute façon.

@Ryan_PMcCarthy