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LE NUMÉRO SORTEZ-MOI DE LÀ

Les chasseurs d'araignées prépubères du Cambodge

Sous le joug des Khmers rouges, la population affamée devait trouver de la bouffe par tous les moyens – notamment en chassant d’énormes tarentules trouvées çà et là dans la brousse.

Photo : George Nickels

On estime qu’entre 1975 et 1979, les Khmers rouges ont assassiné environ 1,7 million de Cambodgiens, soit 21 % de leurs concitoyens. Au-delà des exécutions, l’oppression communiste dans le pays a pris des formes variées – torture, déportation, travaux forcés – et a engendré plusieurs crises de famine, perpétrées et organisées par le gouvernement lui-même. Le pays est, bien entendu, encore marqué par ces temps infâmes. En juin dernier, sur l’ordre du Premier ministre Hun Sen, une loi est passée, stipulant que tout individu niant ou minimisant les crimes khmers serait désormais susceptible de passer deux ans derrière les barreaux. Aussi, les crimes commis il y a plus de trente ans ont façonné des manières de vivre inédites, qui se sont étendues à tous les domaines de la vie courante. Sous le joug des Khmers rouges, la population affamée devait trouver de la bouffe par tous les moyens – notamment en chassant d’énormes tarentules trouvées çà et là dans la brousse. Aujourd’hui, pour l’équivalent de 8 centimes d’euro, vous pouvez en acquérir, frites dans l’eau bouillante puis salées. Celles-ci sont tuées par des chasseurs de tarentules préadolescents. Le photographe George Nickels a passé du temps avec ces enfants chasseurs de la jungle cambodgienne ; on lui a demandé ce qu’il avait vu. VICE : Comment avez-vous rencontré ces enfants ?
George Nickels : J’étais dans un café, dans un village à 75 kilomètres de Phnom Penh, lorsque j’ai entendu un homme qui parlait d’aller voir ses proches dans la jungle. Deux heures plus tard, nous étions potes, et il m’invitait à l’accompagner dans sa famille, des gens très pauvres. Pour eux, tout ce qui bouge est source de nourriture – surtout les tarentules, qui pullulent. Comment ils s’y prennent ?
Je me souviens de cinq enfants, chassant de 10 heures à 17 heures sans s’arrêter. Ils n’avaient aucune protection, pas même des chaussures. Pour eux, chasser des tarentules, c’est comme cueillir des fruits – la devise des parents, c’est : « Dès que tu as l’âge de marcher, tu as l’âge de nourrir ta famille. » Comment font-ils pour cuisiner les araignées ?
Une fois capturée, ils placent l’araignée encore vivante dans une vieille bouteille d’eau en plastique, qu’ils ramènent dans leur hutte. Ensuite, ils noient et lavent la tarentule dans un bol d’eau, en l’embrochant avec un bâtonnet. Enfin, ils la salent et font frire l’animal dans de l’huile brûlante. Quel goût ça a, la viande d’araignée ?
Mes hôtes ont tenu à me proposer des araignées enceintes, pleines d’œufs ; les manger a été une épreuve. Quand vous mordez dedans, l’abdomen éclate dans votre bouche. C’est une expérience étrange.