Dans le village français transformé en pampa mexicaine

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Dans le village français transformé en pampa mexicaine

Une fois par an Barcelonnette, une bourgade des Alpes, accueille mariachis et autres gauchos.

Toutes les photos sont de Johanna Himmelsbach

Pendant plus d'un siècle, la vallée de l'Ubaye, dans les Alpes de Haute-Provence, est devenue un foyer d'émigration vers le Mexique. Forts d'une tradition commerciale séculaire, plusieurs enfants de bonne famille sont partis développer des commerces outre-Atlantique. Et si les premières familles se sont d'abord fixées aux États-Unis, c'est avec le Mexique que la région a tissé les liens les plus forts. Sous la présidence de Porfirio Diaz, ceux qu'on appelait les « Barcelonnettes » ont fondé des usines, des banques, mais surtout des ateliers et des grands magasins – dont certains encore en activité – dans les plus grandes villes du pays.

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Les signes de cette histoire sont partout dans Barcelonnette – qui, avec près de 3 000 habitants, est la plus grande ville de la vallée et l'une des deux sous-préfectures du département. Un panneau à l'entrée de la ville indique qu'elle est jumelée avec Valle de Bravo. L'une des artères principales est l'avenue Porfirio Diaz. Il est possible de loger au camping Tampico ou à l'hôtel Azteca, déguster un mole chez Adelita, voir un spectacle au théâtre El Zocal, ou encore acheter de l'artisanat sud-américain à la Baïta, un magasin de la place principale.

Mais la marque la plus visible des succès mexicains des barcelonnettes, ce sont les grandes demeures bourgeoises (près de 80 dans toute la vallée) qu'on appelle les « villas mexicaines ». Inutile, ceci dit, d'y chercher une quelconque influence latino-américaine. Comme l'explique Hélène Homps, la conservatrice du musée de la vallée, qui se trouve justement dans l'une de ces maisons, ceux qui sont revenus se faire construire des maisons dans la vallée de leur enfance n'ont pas pris le temps de se laisser influencer par le Mexique. Partis construire des grands magasins sur le modèle de ceux qui se faisaient à Paris à l'époque, ils « font l'expérience de la modernité et découvrent le langage de l'architecture et son pouvoir de représentation ». Des influences qui rejaillissent dans ces grosses villas mal isolées, peu adaptées à leur environnement et qui n'étaient généralement que des résidences estivales.

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Malgré le temps et l'éloignement, Barcelonnette entretient encore des liens forts avec le Mexique – certains descendants des émigrés ubayens revendiquent encore leur identité française. La manifestation la plus visible de cet attachement, ce sont les grandes fêtes latino-mexicaines, qui ont lieu depuis plus de 30 ans, autour du 15 août. Les commerçants mettent des sombreros dans leurs vitrines, des fanions aux couleurs du Mexique flottent dans les rues et des mariachis assurent plusieurs concerts itinérants chaque jour, dans les rues de la ville. Les musiciens ont des fans dévouées, qui les arrêtent dans la rue pour se photographier à leurs côtés. Il s'agit essentiellement de femmes sexagénaire ou plus âgées et certaines reviennent chaque année, comme en pèlerinage, pour entonner en chœur La Cucaracha ou d'autres tubes du répertoire des mariachis.