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Le Guide VICE de la France

Ah au fait, tout le monde a oublié de parler du moment ultra-raciste survenu chez Cauet

Une belle histoire de xénophobie involontaire impliquant un chroniqueur, affublé d'une « black-face ».

L'audiovisuel français vient d'être une nouvelle fois victime de son génie. Ça s'est passé en fin de semaine dernière. Il y a plusieurs éléments à l'intérieur de cette affaire, tous interconnectés, et tous embarrassants et je vais essayer de les reprendre un à un, dans l'ordre de leur apparition.

En 2012, l'artiste Keen'V sort un single clippé intitulé Elle t'a maté (Fatoumata). Les paroles sont une adaptation assez libre de l'affaire de DSK au Sofitel, ce qui prouve qu'à défaut d'être inspiré, Keen'V sait être réactif. Niveau interprétation, on note que l'absence de voix est compensée par ce qui semble être une imitation afro-caribéenne d'un niveau relativement exécrable. Moitié Pitbull moitié Michel Leeb, l'artiste-imitateur a apparemment sévi dans de nombreux domaines tels que l'électro, le zouk, le rock, la pop, le pop rock, le reggae et le dancehall, sans jamais accoucher du moindre morceau potable.

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Seul regret : le clip ne va pas jusqu'à reproduire un pastiche d'agression sexuelle dans une chambre d'hôtel; à la place, il montre une fausse émission de télé-réalité dans laquelle un archétype caricatural d'Africaine subit effectivement les assauts maladroits d'un gros lourdaud caucasien. On pourrait s'interroger sur la pertinence d'un thème comme le viol pour un tube grand public, se demander si c'est « Fatoumata » ou DSK qui est le plus ridiculisé dans cette histoire, mais le plus simple est de s'en tenir au postulat de base : c'est juste une énième chanson de merde, dans la plus pure tradition du « Chaud Cacao» d'Annie Cordy.

Quatre ans plus tard, la semaine dernière donc, le chansonnier-humoriste est l'invité de l'émission de l'inénarrable Cauet sur NRJ. C'est Elle t'a maté qui est interprété en direct – malgré la relative ancienneté du morceau –, ce qui laisse à penser qu'il s'agit sans doute d'un des meilleurs titres de Keen'V. Et ça, c'est assez triste pour lui, la chanson française et la race humaine en général. Pour ajouter un peu de piment et d'exotisme à un live qui démarrait déjà très fort, le coordinateur et assistant de production Loris Giuliano a, à ce moment-là, pris l'initiative de préparer un happening. Un happening comique. Celui-ci débarque donc déguisé en « Fatoumata », c'est-à-dire avec le visage grimé en noir, des vêtements type « l'Afrique pour les nuls », des fausses grosses fesses, une fausse grosse poitrine et surtout: une fausse bonne idée.

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Il faut avouer que ledit Loris donne de sa personne. Il danse, il danse, et à mesure qu'il danse, il pousse des petits cris stridents devant un Keen'V déconcentré, hilare mais toujours pro : il continue de chanter. Il arrive même à rester très juste sur son imitation d'accent et, protecteur, puisqu'il s'assure auprès d'un enfant du public qu'il n'a « pas peur » de cet être étrange et monstrueux – une imitation de femme noire, donc – qui s'agite autour de lui. Le tout est filmé par Cauet avec son téléphone, parce qu'il serait en effet dommage de perdre ce genre de moment.

À ce moment-là de l'histoire, toutes les personnes en train d'assister à ce spectacle, sauf les gens sur le plateau, sont consternées.

Sur les réseaux sociaux, un mini-shitstorm démarre. Plutôt que de voir une séquence potache où un animateur s'amuse avec son invité, certains spectateurs retiennent plutôt l'image de plusieurs Blancs se moquant délibérément d'un autre déguisé en cliché de Noire. D'autant plus que ledit cliché arbore une black-face, dans la plus pure tradition du racisme à l'américaine. D'après les réactions auxquelles j'ai assisté, les plus indignés sont les malchanceux qui découvraient à la fois : l'émission de Cauet, l'existence de Keen'V, sa chanson et la blague du chroniqueur, sans que rien ne les y ait préparé. Pour certains, le choc laisse donc des séquelles.

De plus en plus pris à parti par les internautes, l'as du déguisement se fend d'une excuse écrite où il explique, en gros, qu'il n'était absolument pas au courant que singer une femme noire était raciste – il est à noter que l'affront sexiste n'intéresse apparemment plus personne à ce stade.

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Cette mise au point, sincère, est manifestement un soulagement pour beaucoup.

Les associations antiracistes n'ont pour l'instant pas réagi mais sachant qu'on est à la fois en période de vacances estivales et en plein Euro, c'est logique. De son côté le CSA a été saisi, et on imagine qu'il agira avec la même fermeté que lorsque Jean-Paul Guerlain avait lâché sa légendaire punchline à propos des « Nègres qui n'avaient peut-être pas travaillé tant que ça » ou quand Laurence Rossignol avait fait une comparaison inspirée en invoquant les « Nègres qui étaient pour l'esclavage ».

Il est difficile d'analyser plus profondément ce qui s'est passé dans la tête de tout le monde ce soir-là sur le plateau, mais il n'est pas exagéré de penser que ça doit être un mélange de beauferie assumée et de racisme primaire absolument décomplexé. On peut également se demander si ces gens n'ont juste pas trouvé la blague simplement hilarante, parce qu'après tout, globalement, c'est super drôle de rire grassement des femmes africaines.

Pour l'heure, ni NRJ, ni Keen'V, ni Cauet n'ont présenté d'excuse, fait qui semble chagriner certains internautes. Néanmoins, on peut considérer que l'animateur possède une excuse valable : il est occupé à faire la promo de « Zougoulou», une parodie de singles de l'été « façon Magic System».

Yérim est sur Twitter.