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Ne mangez pas ces putains de tacos

Gloria avait peur. Les médecins lui avaient dit que son cerveau était infesté de vers.

Illustration : Marco Klefisch

Gloria avait peur. Les médecins lui avaient dit que son cerveau était infesté de vers.

Après des maux de tête insoutenables et une période de paralysie suivie d'innombrables erreurs de diagnostics, un scanner a révélé que des vers grouillaient dans le tissu cérébral de Gloria. L’opération était nécessaire – une opération du cerveau.

Le Taenia Solium, plus connu sous le nom de ténia du porc, est une espèce d’épouvantables parasites. Ses larves possèdent des sortes de tentacules qu’elles manient allègrement pour se frayer un chemin jusqu’au cerveau humain. Une fois celui-ci atteint, elles forment des kystes dans la matière grise, un peu de la même manière qu’un ver de terre creuserait son tunnel dans une pomme de jardin.

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La cysticercose – l’infection du système nerveux central engendrée par le ténia du porc – est la cause majeure des crises d’épilepsie dans le monde. Dans les pays du tiers-monde tels que l’Asie, l’Afrique, ou l’Amérique latine, des villages entiers en sont victimes. La cysticercose ne touche aujourd’hui que les pays peu développés, ce qui explique que vous n’en avez probablement jamais entendu parler – jusqu’ici.

D’après une récente étude du CDC, le Centre pour le contrôle des maladies américain, la cysticercose est un phénomène croissant aux USA. L’année dernière, 1 900 victimes ont été dénombrées. Le CDC constate une forte concentration de personnes ayant contracté l’infection parmi la population latino de Californie du sud.

Voici comment ça se passe : bourrés, vous vous rendez avec votre vieux pote chez le Mexicain du coin. Votre pote commande des carnitas, des tacos à la viande de porc. Dedans, grouillent des larves de ténia désireuses de s’installer dans ses intestins. Une de ces larves – au moins – se sentira si bien dans les entrailles de votre ami qu’elle s’y épanouira jusqu’à atteindre la taille de 6 mètres, et s’occupera à y pondre des œufs, qui passeront chaque jour par milliers la frontière de son anus.

Votre pote ne se lavera pas les mains après avoir déféqué et vous vous quitterez en vous serrant la main. Il vous fera offrande de milliers d’œufs que vous porterez à votre bouche en un rien de temps. Les œufs, infiniment plus petit que les larves, logés dans votre cavité buccale, écloront puis entameront leur joyeuse traversée jusqu’à votre cerveau.

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Bravo ! Vous avez contracté une infection parasitaire.

Ce sont souvent les gens qui passent les frontières, comme les travailleurs migrants qui, malgré eux, sont porteurs de ces vers. Il est difficile de déceler une telle infection, car la plupart des victimes ne sont pas conscientes que des vers grouillent dans leurs entrailles, nous a dit Patricia Wilkins, une scientifique du Centre pour le contrôle des maladies.

Les larves ont développé un mystérieux mécanisme chimique – encore inexplicable pour les scientifiques – leur permettant de faire l’impasse sur les attaques du système immunitaire humain. Et encore plus dingue, certaines personnes peuvent vivre des décennies habitées par des larves, sans ressentir le moindre symptôme. Malheureusement, c’est lorsque ces bestioles meurent que les choses se compliquent.

« Lorsque les vers sont en vie, c’est problématique, mais quand ils meurent, c’est TRÈS problématique », nous a raconté Dickson Despommier, un ancien professeur en microbiologie à l’université de Columbia. Une fois que la bête a rendu l’âme, elle calcine et le système immunitaire se met en marche. Non traitées, les larves enkystées peuvent engendrer de vives douleurs et des crises épileptiques – entre autres.

Les principaux symptômes de la cysticercose – maux de tête et crises d’épilepsie chroniques – sont souvent mal interprétés. Gloria nous a confié qu’elle s’était rendue chez son médecin à de nombreuses reprises dès la fin des années 1980. Elle se plaignait de douloureux maux de tête qui lui valaient parfois de vomir ou de perdre connaissance. On lui a prescrit du Tylenol. Elle a vécu 20 ans infestée de parasites sans le savoir.

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L’histoire de Gloria serait un cas typique, à en croire Darvin Scott Smith, chef de la section des maladies infectieuses à l’hôpital Kaiser de Redwood City.

Bon nombre de médecins ignorent tout de la cysticercose et de ses symptômes, ce qui explique les erreurs de diagnostic. Mais il faut toujours voir le bon côté des choses : si l’infection est détectée suffisamment tôt, il est possible de la traiter voir de la prévenir avec une courte cure d’albendazole ou des stéroïdes peu coûteux. En revanche, si vous laissez le temps aux vers de mourir et donc de pourrir en vous, une lourde et coûteuse opération chirurgicale sera alors nécessaire pour extraire leur dépouille de votre dépouille.

Le nombre de cas annuel de cysticercose est constant depuis 2001 – on dénombre environ 400 hospitalisations par an en Californie. Wilkins nous a affirmé que la maladie n’affectait plus seulement les pays du tiers-monde avant de déclarer que la Californie se montrait totalement irresponsable face au fléau, et n’affichait aucun effort pour saisir les aliments potentiellement infectés par le Taenia Solium. Seuls 5 États – celui de New York, la Californie, le Texas, l’Oregon et l’Illinois – répertorient la maladie, mais les données diffèrent selon les régions. La population américaine ignore jusqu’à l’existence de cette maladie. Les scientifiques méconnaissent ces vers et leur cycle de vie relève encore, majoritairement, du mystère. Sur les 2 000 maladies répertoriées par l’Organisation mondiale de la santé, des médecins ont milité afin que l’OMS se focalise sur la cysticercose. Leurs arguments étant que ce phénomène pourrait être éradiqué et que des statistiques précises étaient nécessaires pour suivre l’évolution de sa propagation. La pétition n’a pas eu un gros succès.

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Début janvier, le docteur Smith a célébré son anniversaire dans une salle d’opération à l’hôpital Kaiser, à raser la tête de Gloria, lui ôter un bout de boîte crânienne et extraire en quelques heures les cadavres de vers, un par un.

Comme la plupart des patients ayant contracté la maladie, Gloria n’avait jamais entendu parler de ce phénomène auparavant. Elle ne sait pas comment ni qui l’a contaminée. Il peut s’agir d’un parfait inconnu ou d’un de ses proches, mais elle ne le saura jamais – sa famille ne voulant pas se soumettre à un dépistage. Il y a donc de fortes chances pour que le porteur soit dans la nature, répandant des milliers d’œufs à chaque instant autour de lui.

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