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Culture

Dix ans après sa mort, les New-Yorkais aiment toujours Ol' Dirty Bastard

ODB demeure dans le cœur de tous les hommes, mais surtout des New-Yorkais.

En matière de musique, la folie fait vendre. De fait, les rock stars doivent être dingues. Aujourd'hui, une multitude de rappeurs – Gucci Mane, Young Thug, Lil Wayne, et beaucoup d'autres – ont suivi cette tradition et intégré, volontairement ou non, leur « démence » dans leur art. Mais je vais faire le rabat-joie et affirmer que toute cette prétendue « folie » des rappeurs d'aujourd'hui paraît bien dérisoire en comparaison à celle de leur maître, Ol' Dirty Bastard.

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Né en 1968 à Brooklyn, ODB était l'un des membres fondateurs du Wu-Tang Clan, aux côtés de ses cousins RZA et GZA. Il était connu pour débiter des paroles infernales avec un flow parlé-chanté-cracké du meilleur effet. Method Man disait de lui qu'il était « ce sale vieux bâtard » parce que « dans son style, il n' [avait] jamais eu de père ».

Les morceaux d'ODB étaient si durs et étranges qu'il est difficile d'envisager qu'il ait pu devenir une star. Les sujets de ses morceaux abordaient des thèmes tels que le sexe non protégé, la drogue, la violence, et profiter des aides publiques. C'étaient même les seuls thèmes que le rappeur abordait, en fait.

Dans la carrière d'ODB, on compte une bonne dizaine de grands moments. Notamment cette fois où il est venu choper son chèque de l'assistance publique à bord d'une limousine. Et cette autre fois où il a interrompu la cérémonie des Grammys pour faire chier Puff Daddy et proclamer que « le Wu-Tang [était] un groupe pour les enfants ». Cette assertion était absurde. Son rap relatait plutôt des agressions, des vols, des prises de drogue dure, des tentatives de meurtre, des menaces terroristes et des balles tirées sur la police new-yorkaise. À l'opposé de ça, il y a eu ce moment où il a sorti « Fantasy » avec Mariah Carey, morceau qui lui a permis de toucher le grand public et par là même plein de pognon.

Ce personnage public complètement fou a évidemment pris le pas sur sa vie privée. Ravagé par la paranoïa et les problèmes de drogue, il succomba finalement à une overdose le 13 novembre 2004.

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Aujourd'hui, il semblerait que les gens aient oublié l'influence qu'il a pu avoir sur le rap game à une époque. Comme son fils Young D​irty Bastard – rappeur de no​toriété moyenne – m'a rappelé au téléphone : « Tout le monde essaie d'avoir son style aujourd'hui… Ce n'est pas une mauvaise chose. Lil Wayne veut être ODB, Lil Jon veut crier comme ODB. Sa folie était une preuve de son originalité. »

La semaine dernière, pour le dixième anniversaire de sa mort, je me suis baladé dans la ville natale de Dirt McGirt, New York, espérant en savoir plus sur la façon dont les gens le considèrent aujourd'hui.

Je suis d'abord allé au Stapleton Projects de Staten Island pour discuter d'ODB avec les gens du coin. Il est de notoriété publique que la plupart des mecs du Wu-Tang sont originaires de Staten ; RZA parlait du quartier comme d'un « camp de concentration » ; Ghostface Killah disait pour sa part qu'ici, « les ambulances n'osent plus venir ».

​Jamel, producteur

Jamel : [hurlant sur une femme qui lui disait de ne surtout pas m'approcher] Écoute salope, la police je m'en tape.

VICE : OK – qu'est-ce qu'ODB représente pour vous ?
​Oh mec, ODB ? Je peux te parler d'ODB. Il venait se détendre par ici.

Vous le connaissiez ?
J'étais jeune à l'époque, mais il était cool. Je foutais le bordel avec Ghost et les autres. C'était un mec bien, mais tout le monde a ses propres épreuves à surmonter. RIP, ODB.

Et donc, il venait se « détendre » dans cette rue ?
​Ouais, juste là. Je voulais aller à un concert avec lui une fois, et il se mettait bien dans sa caisse. Il m'a dit : « Va demander à Ghost si tu peux venir. » Ghostface traînait dans un shop sur Broad Street. Je lui ai demandé : « Je peux venir ? » et il m'a répondu « Il n'y a pas assez de places dans la voiture », donc je n'y suis pas allé. Mais j'ai fini par aller à un show avec lui plus tard, quand j'avais 15 ans.

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ODB avait la réputation d'être un mec taré. Quand vous traîniez avec lui, il était aussi comme ça ?
​Ouais, il était comme ça quand il montrait ses mauvais côtés. Ce n'était pas un mauvais bougre mais vous savez, tout le monde a ses humeurs.

James, entrepreneur

Qu'est-ce qu'ODB représente pour vous ?
James : La réussite, je crois. Quelqu'un d'aussi fou que lui, capable de montrer la voie pour le ghetto et de poursuivre ses objectifs, il ne peut représenter que l'espoir. C'est un truc incroyable parce qu'en effet, c'était un putain de taré.

Quel est votre meilleur souvenir d'ODB en tant que « putain de taré » ?
​La vidéo où on le voit avec Mariah Carey ; c'était une superstar à l'époque, aucun rappeur ne pouvait l'approcher. Dedans, on aurait dit un fou [il se met à chanter] « Me and Mariaaah ». Il a tout tué. Il a prouvé que même avec cette attitude, il pouvait être aimé et respecté.

Qu'est-ce qu'ODB représente pour New York ?
​Il représente les quartiers pauvres. Il venait de rien et a réussi à atteindre le sommet. Sur la pochette de son premier album, Return to the 36 th Chamber, on voit sa carte d'assistance publique. La plupart d'entre nous en ont une, nos parents en ont une. C'est pour ça qu'il représente la lutte, et tout ce qu'elle implique. Il représente l'essence de New York – faire quelque chose en partant de rien.

Pas mal de gens avec qui j'ai discuté m'ont dit d'aller faire un tour à Brooklyn, parce qu'avant Staten, c'était le quartier où traînait tout le temps ODB – et d'où il était originaire. C'est pourquoi le jour suivant, je me suis rendu dans le quartier de Bedford-Stuvyesant, où j'ai parlé d'ODB avec plusieurs inconnus. À chaque fois, leur visage s'illuminait lorsque je mentionnais son nom.

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Kamia, photographe

Qu'est-ce qu'ODB représente pour vous ?
Kamia : La folie. Il en avait rien à foutre. Il ne savait pas chanter, mais il chantait tout le temps. Il s'en foutait de ce que les gens pensaient de lui, et c'est pour ça qu'il avait du succès.

Vous avez un morceau préféré ?
Oui. [Elle se met à chanter Shimmy Shimmy Ya] : « Ooooh Baby, I like it raaaaaw. »

Mark, barbier

Qu'est-ce qu'ODB représente pour vous ?
Mark : ODB est quelqu'un qui a eu l'opportunité d'exprimer ce qu'il ressentait, qu'il s'agisse de la pauvreté, de la drogue, ou que sais-je. Il a dévoilé notre quotidien. Peu importe l'argent que tu te fais, il a montré que les gens luttaient toujours. Il a su rester vrai.

Pensez-vous que les rappeurs d'aujourd'hui ont une dette envers lui ?
​Oui, la plupart d'entre eux – mais c'est différent. Tout se perd, tout est édulcoré. Ils ne savent pas d'où ils viennent. Tout a un rapport avec l'argent à présent. Ce n'est pas authentique. Ol' Dirty Bastard lui, était sincère.

Willy, « bon garçon » et BMW, musicien

VICE : Alors comme ça vous connaissez ODB ?
*​Willy :* Oui, j'ai été enfermé avec lui à Queens House.

Queens House ?
C'est le nom de la taule où l'on était. Il n'était pas du même côté que moi. C'était un bon garçon.

Vous lui avez déjà parlé ?
Eh bien, nous n'avons pas eu la chance de pouvoir vraiment discuter, mais oui j'ai déjà parlé avec lui. Il m'a serré la main et m'a fait un autographe. C'était un bon garçon. Il parlait toujours de la fois où il avait fait cette chanson avec Mariah [il se met à chanter] : « Me and Mariah ».

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*BMW :* Mais avant qu'il traîne avec Mariah, il était dans le Wu-Tang. Vous auriez dû voir les fêtes de quartier qu'il organisait ici. On jouait des morceaux, on faisait les DJ. Parfois, les mecs du Wu se ramenaient pour traîner avec nous. ODB était super cool. Il me manque, il était unique.

À ce moment-là, je suis tombé sur un vieux monsieur qui traversait la rue à pas feutrés. Autour de moi, les gens se sont tus. L'un d'eux s'est écrié : « C'est son… oncle ! » Un autre a renchéri : « Ce jeune homme est en train de faire un article sur ODB. » Le vieux monsieur s'est avancé, m'a serré la main et s'est présenté. « Je m'appelle Cuffy », a-t-il dit.

Cuffy, l'oncle d'ODB

Qui êtes-vous par rapport à ODB ?
*Cuffy : J*e suis son oncle.

Quel genre de personne était-il ?
​Un clown. Tout comme moi ! Je dansais, je n'ai jamais rappé – mais il m'a piqué tous mes pas de danse et tous ses trucs de clown. J'avais l'habitude de chanter dans tous les endroits de la ville.

Vous écoutiez sa musique ?
​Oui. Je ne savais même pas que certains morceaux connus étaient de lui. Celui avec Mariah Carey, par exemple.

Qu'en pensez-vous ?
​Oh, c'est super. J'aime beaucoup.

Quelle a été votre réaction la première fois que vous l'avez entendu ?
​J'étais là à me demander : « Mais zut, qui c'est ? » Quelqu'un m'a dit : « C'est ODB » et je me suis dit : « Oh non, impossible ! » Ce morceau était vraiment trop bon !

Comment était-il enfant ?
​Il était grossier ! Je me souviens que lorsqu'il courtisait une fille, il s'engueulait avec elle d'abord. J'interrompais la dispute et je lui disais : « Laisse cette jeune fille tranquille et attends d'être marié pour faire ça… » Mais après il est tombé dans la drogue et tous ces trucs, c'est comme ça… Il se droguait beaucoup trop. J'ai essayé de l'aider.

De quelle façon ?
​Tout le monde a essayé de l'aider. Il ne voulait pas rester en cure de désintoxication. C'est pour ça qu'il a fait de la prison pendant deux ans. Une fois dehors, il est retombé.

J'ai discuté avec plusieurs types qui ont été enfermés avec lui.
Ah oui ? Il a grandi dans cette maison [il pointe le bas de la rue] ! C'était la maison de sa mère. Il a grandi ici. Mais il allait à Staten Island aussi, il avait l'habitude de traîner avec ces cousins là-bas. J'ai été loin d'ici pendant sept ans, un truc comme ça, et quand je suis revenu, tout le monde l'aimait.

Vous êtes fier de lui ?
​Oui, je suis vraiment fier de lui. Quand je suis sorti de prison, je me suis assis à ses côtés et je lui ai dit, sors de tout ça, arrête la drogue, etc. Il m'a répondu : « Je le ferai c'est sûr, bientôt. » Et un jour, tu allumes la radio et tu apprends qu'ODB est mort. C'est comme ça.

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