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Vice Blog

ON A PARLÉ À UNE FILLE QUI VEND DES VULVES SUR INTERNET

L'artiste Vulva Love Lovely vend sur etsy.com des pendentifs lippus qu'elle réalise à partir de sexes féminins. Pour obtenir le sien, il suffit d'envoyer des photos de son sexe et de les accompagner d'un descriptif détaillé qui servira de modèle à la création de l'accessoire. « Aime ta chatte, aime toutes les chattes que tu rencontres », dit-elle. C'est sûr, vous allez les aimer – à moins que vous n'en soyez carrément, définitivement dégoûté – en consultant sur son site le catalogue de ses colliers. Mais ce n'est pas tout, puisque Vulva Love Lovely a des cargaisons d'autres jolies choses à proposer comme de multiples accessoires pour portables, des oreillers, et autres peluches en forme d'utérus. On lui en a touché quelques mots.

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Parle-nous un peu de toi. Dis nous comment tu es devenue l'artiste que tu es aujourd'hui.
Quand j'étais gosse, j'ai été scolarisée dans un lycée privé très cher. Mes copines de classes portaient toutes du Vuitton. Elles me considéraient comme de la merde. Elles se vantaient d'avoir des mecs plus âgés, et elles racontaient qu'elles couchaient déjà avec eux. Pour faire comme elles, j'ai commencé à sortir avec des types trop vieux pour moi, mais qui savaient exactement ce qu'ils pouvaient tirer d'une gamine de 14 ans qui ne se supportait pas. Je suis tombée enceinte et comme n'importe quelle gamine de cet âge, j'ai pensé que le problème s'en irait tout seul si je cessais seulement d'y penser.

C'est plutôt intense, comme histoire.
Oui et évidemment, ça n'a pas marché. J'ai dû avorter après six mois de grossesse. On m'a fait prendre des cachets qui ont arrêté le cœur du bébé. Les médecins ont percé la poche des eaux et après quelques heures, j'ai expulsé un enfant mort-né dans les toilettes de l'hôpital. Je n'avais que 14 ans. Ça a été l'expérience la plus horrible -la plus terrifiante- de ma vie et j'ai eu du mal à m'en remettre. Je considérais que mon vagin était devenu un cimetière. Je n'y pensais jamais. Je n'aimais même pas le toucher sous la douche.

J'ai lu que c'est en assistant à une représentation des Monologues du Vagin que tu as pris conscience de ton corps et que tu as cessé de te dénigrer.
Je suis sortie très en colère du théâtre, ce soir-là. Livide. Après avoir passé des semaines à essayer de comprendre ce qui m'avait autant posé problème, j'ai compris que je n'avais absolument rien de positif à dire à propos de moi et encore moins à propos de mon corps. Ça m'a rendue malade, et il fallait à tout prix que je remédie à ça. J'ai toujours conçu l'art dans cet esprit-là : transformer quelque chose d'immonde en un truc magnifique.

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C'est là que tu as imaginé ta première pièce, donc ?
Voilà. Un ami m'a suggéré d'ouvrir une boutique sur Etsy.com. Je l'ai fait, et j'ai reçu ma première lettre de remerciements au bout de quelques jours seulement. Ensuite, on m'en a envoyé tellement que je me suis quasiment sentie obligée de continuer sur ma lancée. Tout mon business est parti de là.

Décris-nous comment fonctionne ton atelier.
Après avoir commandé un pendentif sur mon site, tu peux m'envoyer un mail accompagné de photos de ta chatte. Les pendentifs déjà faits – sans que tu poses pour eux - demandent 2 semaines de travail et pour ceux qui sont réalisés sur mesure, il me faut entre trois et quatre semaines. Les pendentifs sur-mesure coûtent entre 48 et 53 dollars. Les autres, entre 40 et 68 dollars.

Qui achète tes pendentifs « charnus » ? Qui te demande de faire de son sexe un collier ?
J'ai commencé à modeler mes pendentifs vaginaux pour les femmes qui auraient subi un traumatisme sexuel, mais n'importe qui peut avoir envie d'un pendentif ! Je vends aussi des sculptures et la majorité des pièces est achetée par des femmes qui ont entre 25 et 40 ans. Ce sont souvent des féministes ou des victimes de traumatismes sexuels, viol ou autres. Trois de mes colliers ont été achetés par des femmes qui ont été forcées à subir une mutilation génitale.

Il paraît que tu peux ajouter un effet mouillé sur les accessoires-vulve, c'est vrai?
Non, mes pendentifs sont faits d'argile polymère. Je ne peux pas les faire paraître humides.

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Sur ton site, tu dis que les modèles qui ont servi à réaliser tes pendentifs n'ont pas été maltraités. On a beaucoup ri en lisant ça.
Un des avantages de mes pièces, c'est qu'elles servent de référence aux femmes. La plupart d'entre elles pensent que leurs chattes sont immondes parce qu'elles se réfèrent à l'image de la femme qui est véhiculée par la porno. Le problème, c'et que les actrices sont justement choisies pour l'aspect anormalement parfait de leurs chattes. Tous ceux qui apparaissent sur mon site appartiennent à de vraies femmes qui, à cause de ça, sont souvent hyper complexées par leur sexe.

Je ne comprends pas : comment une femme peut-elle avoir un problème avec son sexe au point de t'en commander un portait pour le porter autour du cou ?
Un problème, pourquoi n'en aurait-elle pas? Aucun de nos vagins ne ressemble à quelque chose de socialement acceptable. Tampax, Always, peu importe comment tu appelles ces marques, toutes véhiculent l'image que les règles sont le truc le plus dégueulasse du monde.

Et ce n'est pas le cas ?
Je ne dis pas qu'avoir ses règles est un moment agréable, mais c'est mille fois moins douloureux ou gênant que ce que ces marques cherchent à te faire avaler. Le sang des règles constitue une substance inoffensive, naturelle. Elle ne te tuera pas et si tu t'en mets plein les mains, tu ne tomberas pas malade. Il y a même des boîtes qui proposent des petites menthes pour le vagin, tu sais, comme ces rafraîchisseurs d'haleine…

C'est la première fois que j'entends ça.
Oui, parce qu'il paraît qu'une chatte devrait toujours avoir l'haleine fraîche ! Donc, pour résumer : une vulve c'est moche ; un vagin, c'est dégueu ; et avoir ses règles, c'est pire que d'avoir la peste. Ces jours-ci, la seule façon pour une femme de rendre son immonde sexe plus acceptable aux yeux du monde, c'est de le teindre, de le décolorer, de le pailleter joliment et d'y insuffler une bonne bouffée d'air frais… Franchement, c'est une hérésie! Aucune femme au monde n'a besoin de se faire charcuter la chatte par un chirurgien ni de la teindre ou de la parfumer. Mon boulot, c'est de montrer qu'il n'existe pas de meilleure taille, ni meilleure forme, ni de plus belle couleur pour les lèvres intérieures et extérieures. Les vulves sont des vulves et elles sont censées ressembler à des vulves.

Raconte-nous quel genre de réactions suscite ton travail.
Ça me surprend énormément, mais j'ai principalement des retours positifs. J'ai chez moi un énorme classeur qui est rempli de témoignages. Même quand je participe à des salons, tout se passe toujours bien. Bien sûr, il y a toujours un vieux dans le coin qui se tient à distance et qui me lance un regard hyper glauque.

Tu te définis comme une féministe, non ?
Je nous décrirais, moi et la forme de d'art à laquelle je me consacre, comme répondant en effet à de puissants idéaux féminins.

CLARISSE ET PAULINE MERIGEOT-MAGNENAT