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Le Paris Cosplay 2011 est la seule fête déguisée qui vaille le déplacement

Des mecs qui imitent des japonais qui imitent des gens qui n'existent pas

Fin décembre, on a passé l’après-midi au salon Paris Cosplay 2011 à l'Espace Champerret dans le 17ème. Le cosplay est l’art de se déguiser en personnages de jeux vidéo, films et mangas asiatiques. La pratique est née aux États-Unis mais est très populaire en Europe, au Brésil et, bien sûr, au Japon, pays fétichiste en train de sombrer dans les pires travers de l'Occident.

L’Espace Champerret est sans doute l’un des endroits les plus tristes de la région parisienne. Cette grande salle d’exposition souterraine, éclairée par des néons bleutés fait autant ramasser que n’importe quelle salle des fêtes, à ceci près qu'on y rencontre plus de jeunes gens venus pour « se révéler » – c'était le thème de cette seconde édition. Pour ces ados animés par les hormones et la 3-D, la révélation consiste à se déguiser en personnage fictif et à se créer un monde édulcoré à des années-lumière en RER de leur pavillon périurbain. Et, à notre grande surprise, ils nous ont chaleureusement invités à y faire un petit tour, le temps d’un après-midi.

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À peine entrés, on a croisé une Lara Croft et des mères Noël plutôt sexy. Il faut savoir que les filles du monde entier ne ratent jamais une occasion de s’habiller comme des catins, surtout les nerdettes. Si les cosplayeuses n’échappent pas à cette vérité universelle, elles n’ont pas le comportement putassier qui va généralement de pair une mini jupe rouge. Elles préfèrent incarner leurs princesses, mères Noël, elfes et super héroïnes préférées. D’ailleurs, là-bas, les garçons ne reluquaient pas les filles. L’univers du cosplay n’est pas régi par les lois du sexe. L’objectif n’est pas de pécho, mais simplement de partager une passion commune : l'univers des gens qui restent chez soi avec leur imagination.

Des stands bien alignés formaient les allées du salon. Chacun vendait des accessoires de la panoplie complète du parfait cosplayer : lentilles de contact de toutes les couleurs et de toutes les formes (de l’œil de chat rouge mystérieux au motif zébré), perruques à cornes, maquillage, trucs kawaï pour les filles, costumes d’écolière.

On s’est arrêté devant ce stand de magazines un peu à l’écart des autres, pour feuilleter les différentes bibles du Cosplay étalées devant nous. La vendeuse nous a expliqué que le magazine Asian Pop traitait plus de cinéma japonais et de groupes de rock asiatiques que Made in Japan qui se concentrait exclusivement sur l’univers du manga. Selon notre hôte, on trouve ces trucs dans plus de 8 000 points de vente partout en France ; c'est l'underground à l'échelle des gens normaux, et ça génère plus de thunes que n'importe quel groupe classé « best new music » chez Pitchfork.

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Un peu plus loin, au milieu de la pièce, un stand de bonbons offrait l’unique source de nourriture du salon. Les confiseries sont les aliments préférés des enfants et, en conséquence, des amateurs de cosplay. L'ambiance était à l'amusement. D’ailleurs, à l’image des enfants dans les cours de récré, les cosplayers ont un sens de la sociabilité hyper développé. Ils arrivent à se faire des amis en à peu près trois minutes. De l'autre côté de la porte de Champerret, dans le territoire de la vraie vie, nos ptits loups du multimédia ont sans doute plus de mal à communiquer.

Les membres de la Team One Berry viennent à peine de fêter leurs 18 ans. Ils se sont rencontrés à la Japan Expo (un salon qui célèbre la culture japonaise, autre havre de paix pour nerds monomaniques), en juillet dernier, et ne se lâchent plus depuis. À chaque salon, ils s’organisent pour que chacun puisse venir des quatre coins de la France. Forcément, ils ont développé un grand sens de la solidarité et de l’hospitalité : pour le Paris Cosplay 2011, l’une des filles du groupe a accueilli 12 de ses comparses dans son studio de 23m2.

Ensuite, on a assisté à la séance photo de cet homme en rose. On a demandé autour de nous et on a appris qu’il était déguisé en Dan Hibiki, personnage de Street Fighter. Je me souviens que c'était un type tout pourri sapé en kimono, incapable de placer un combo et ses Haddoken n’atteignaient jamais leur cible. En attendant, son costume avait tellement de succès qu’on n’a même pas pu l’approcher pour lui poser des questions.

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Heureusement, à ce moment là, on a rencontré Gilles, un cosplayer senior qui arborait ce que l’on a cru être un costume de cowboy – on a déduit ça des franges qui débordaient de sa veste. À 62 ans, il économisait ses sous de flic retraité pour se payer des accessoires de collection. Il nous a avoué qu’il avait dépensé plus de 3 000 € pour son costume, dont 1 000 € rien que pour la veste, avant d’en profiter pour préciser : « Je ne suis pas déguisé en cowboy mais en trappeur, coureur des bois. C’était des blancs qui vivaient comme les Indiens, à cheval sur les deux civilisations ; ils vendaient des peaux de bêtes. J’aime les personnages un peu sauvages. » Au départ, on a cru qu’il s’était trompé de salon. Mais il nous a expliqué qu’on pouvait venir habillé comme on voulait ici. « L'an dernier, j'étais en hussard napoléonien. » Notre ethos républicain aurait préféré voir ça.

Quand on a voulu prendre Richard en photo, il nous a fait un grand « Non » de la main. On a trouvé ça bizarre, parce que jusqu’ici, personne n’avait refusé. En fait, il voulait simplement qu’on lui laisse le temps de prendre la pause. Alors, on l’a laissé se préparer. Ce type pointilleux est un chaudronnier de 21 ans qui a entièrement confectionné son costume à la main à l’aide de morceaux de tapis de sol, de peinture acrylique argentée et de bois qu’il avait lui même taillé. Il ne plaisante pas du tout niveau fringues. Il était fier de son armure et tenait à préciser que c’était « celle de la version débloquée du jeu et pas de la version classique ». Il s’était dévoué corps et âme à la fabrication de son costume et y avait passé 150 heures. Ce qui revient à 6 jour un quart, soit une putain de semaine.

On a terminé la journée en assistant à ce concours de chorégraphie. N’importe où, ce genre d’activité aurait été insupportable, surtout sur le morceau « Dragostea Din Tei » d’O-zone, tube de l’été 2004 et blague d'ironiste averti. Mais ici, les participants avaient l’air de vraiment bien se marrer, sincèrement et sans une once de « recul », du coup on s’est laissé prendre au jeu. Finalement, ce salon avait des airs de boum de collégiens, mais en mieux : sans l’humiliation de la première cuite à la manzana, ni le quart d’heure américain de la honte. En fait, on s’est même dit qu’on reviendrait l’an prochain. Peut-être même qu’on aura confectionné nos propres costumes d’ici là.