Pourquoi tout le monde achète FIFA tous les ans, inexorablement ?

Aujourd'hui est un jour particulier. Ce jeudi marque la sortie de FIFA 17 , le dernier-né des jeux de foot par EA Sports. Et comme un idiot, je vais l'acheter, sans même y réfléchir une seule seconde. Je sais que je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour l'obtenir. Peu importe qu'il pleuve, que mon compte bancaire demeure excessivement vide ou qu'un ami me propose une quelconque interaction sociale : choper FIFA passera avant tout. C'est assez sinistre, je vous l'accorde, mais nous sommes nombreux à marcher tels de vulgaires zombies vers un jeu que nous savons pourtant très proche de sa précédente version. L'année dernière déjà, FIFA 16 – qui était pourtant une copie de FIFA 15 – s'est vendue à environ 520 000 exemplaires en seulement sept jours.

J'ai acheté tous les FIFA depuis FIFA 98, ou presque. Oui, comme beaucoup d'autres joueurs, j'ai eu une période Pro Evolution Soccer, qui n'a pas duré très longtemps. C'est un peu comme sortir avec une fille à l'opposé de votre ex, parce que ça fait du bien et que vous ne saviez pas ce que vous vouliez à l'époque, avant de retourner à ce que vous connaissez déjà. Mais pourquoi tous les ans, avons-nous besoin d'acheter un jeu qui fondamentalement n'offre que très peu de nouveautés ? C'est aussi absurde que changer de frigo tous les ans, en raquant à chaque fois.

Cette année, FIFA 17 propose pourtant un tout nouveau moteur graphique – Frosbite, qui est à la base le moteur graphique de Battlefield – et un nouveau mode de jeu The Journey où vous incarnez un jeune cadet d'un centre de formation d'un club anglais. Nous aurons aussi l'honneur d'entendre Pierre Ménès s'extasier devant les buts d'Arsenal. Même si ces deux premières raisons suffisent amplement à vous faire débourser 69 euros sans hésitation, les FIFA précédents n'ont pas toujours apporté de modifications majeures d'une année sur l'autre, frustrant très souvent le joueur.

Soyons honnête un instant. Quelles étaient les différences entre FIFA 14, FIFA 15 et FIFA 16 ? OK, les tacles font des traces sur la pelouse. Ensuite ? Les menus sont un peu moins froids. Enfin, la caméra « tremble » lorsque vous marquez un but à domicile, comme si les tribunes bougeaient sous le poids des fans. Il y a aussi eu l'apparition des jeux techniques pendant les chargements – mais merde, on est au XXIème siècle. C'est tout ce que vous avez à offrir, EA ? Ce sont les seules innovations en l'espace de trois ans, et nous avons tous acheté les trois jeux. Au moment de FIFA 13, le système de défense a été complètement modifié, en instaurant un pressing différent pour « contenir le défenseur ». C'était déjà un changement majeur puisqu'il fallait repenser entièrement sa manière de défendre. Mais bon, ce n'est pas non plus une révolution. Ensuite, il n'y a rien eu.

Je me suis toujours foutu de la gueule des abrutis tout excités à l'idée de débourser 800 euros pour le nouvel iPhone dès sa sortie, quitte à planter une tente devant le magasin. Je me suis toujours dit que ces gens ne méritaient pas de vivre. Même si l'ordre de prix n'est pas le même, on peut tout de même dire qu'on est exactement comme eux. La même race d'abrutis qui achète tout dès qu'une vidéo relativement bien montée nous explique « que c'est génial ».

Si votre mois de septembre n'a de raison d'exister que pour l'attente du nouveau FIFA, c'est parce que – comme moi – vous pensez tous les ans que le jeu sera « nettement différent ». Et finalement, il ne l'est pas. Ce n'est pas vraiment de votre faute, des gens plus intelligents que vous travaillent dur pour ça. Nous regardons tous les mêmes vidéos de présentation des nouvelles améliorations du jeu orchestré comme un teaser du film Transformers. Cette fameuse vidéo où un joueur connu fait un coup du foulard sur du Kasabian, et inévitablement on se dit « bordel, ça tue ». La vidéo montre aussi de nouveaux mouvements de gardiens qu'on juge immédiatement géniaux – quand bien même ces derniers correspondent à des mouvements totalement normaux pour un être humain – et l'image d'un José Mourinho modélisé suffisent à vous faire fondre. Enfin, vient la fameuse vidéo où un développeur du jeu montre « les nouvelles manières de défendre » sur une phase de gameplay. Là encore, impossible de ne pas se dire « Tu as vu ! On peut conserver le ballon dos au but ! ». Avec le recul, on se dit que ce genre de fonctionnalité aurait pu arriver avant 2016, non ? C'est comme si un nouveau de jeu de NBA misait tout son plan de communication sur l'argument « Vous pouvez même dunker ! ».

Mais il est certain qu'acheter le nouveau FIFA tous les ans va au-delà de la question des quelques améliorations présentes ou non. Il s'agit plus de l'avoir, tout simplement. C'est une manière de sonner le début d'une nouvelle saison de football. Ensuite, faire manuellement tous les transferts est une corvée particulièrement fastidieuse qui peut réellement vous plonger dans une dépression. De plus, cela ne servira à rien en multi-joueurs puisque les équipes personnalisées ne sont pas prises en compte. C'est un peu comme si Apple désactivait à distance tous les anciens iPhone. Enfin, le online ne sera utilisé que par quelques joueurs médiocres – dont l'unique stratégie est de prendre le Real Madrid et de faire de longues passes dans la profondeur pour Ronaldo – et ne vous permettra pas de vous frotter aux meilleurs joueurs de la planète. C'est comme être dans l'équipe des nuls en EPS.

Acheter FIFA tous les ans de manière mécanique est aussi la conséquence d'une volonté commerciale de l'éditeur qui consiste à sortir une nouvelle version du même jeu tous les ans, à la même période, comme le font toutes les autres grosses licences telles que Battlefield ou son concurrent Call of Duty. C'est ce que me confirme Panthaa de Jeuxvideo.com : « Ce genre de licence annualisée utilise un modèle qui ne laisse pas vraiment de place à l'erreur ou à des innovations de rupture. En utilisant des bases de gameplay connues et assimilées, les joueurs n'ont pas vraiment besoin d'apprendre à jouer à chaque nouvel épisode et peuvent s'amuser directement, et se sentir puissant. » Évidemment, lorsque le rendez-vous est créé au moins un an à l'avance et que vous savez pertinemment que vous ne prenez aucun risque en l'achetant, vous vous posez moins de question que pour acheter No Man's Sky. Vous aurez sans doute aussi moins de regrets après quelques heures de jeu.

Le nouveau FIFA 17 apporte son lot de nouveautés que certains trouveront insuffisantes, comme souvent. Néanmoins, cet opus suffira amplement à remplir mes dimanches pluvieux et surtout à déterminer en vacance qui de mes potes devra se taper la vaisselle et sortir les poubelles. Car oui, tout peut se régler à FIFA.