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reportage

Pendant une semaine, j’ai bu un produit qui vous interdit d’avoir la gueule de bois

Mal de bide, fatigue, tristesse : comment j'ai ramassé par-delà le mal de crâne.

L'auteure, avec deux fioles de Security Feel Better.

L'alcool est le meilleur truc au monde – et la gueule de bois constitue ce qu'il y a de pire. Avec l'âge et l'expérience, je sais que les lendemains de fêtes sont loin d'être chantants. Pire encore, le fait de savoir que je vais douiller le matin suivant me gâcherait presque le plaisir d'une bouteille de blanc entre copines. Alors, vous vous imaginez ma joie quand je suis tombée sur le site de Security Feel Better, autoproclamée « boisson bienfaitrice des lendemains festifs ».

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Comme toutes les idées lumineuses, celle-ci vient de France, et le produit est déjà disponible dans plus de 25 pays. Grâce à cette petite mignonnette prise en fin de soirée, le corps assimilerait mieux les boissons et les aliments et éliminerait mieux les toxines, prévenant ainsi toute possibilité de gueule de bois. Bof. Pour être honnête, j'ai du mal à croire que des générations entières se soient tapé des migraines et des nausées, et que personne n'ait créé un digestif tel que SFB avant.

Si l'on s'intéresse à la composition de SFB, on trouve un mélange d'extraits de plantes – dont de l'angélique –, du thé Yunnan, de l'artichaut et du citron. Chacun de ces composants a une utilité bien spécifique dans l'élimination des graisses, la protection du foie ou la stimulation gastrique. Pris juste après s'être mis une race, avant le coucher, SFB préviendrait donc la gueule de bois.

J'ai décidé de tester le produit moi-même pour en vérifier l'efficacité en me bourrant la gueule plein pot durant une semaine. Lorsque je contacte Security Feel Better, ils sont moyen chauds pour que je mène cette expérience à bien. S'ils sont « certains que [leur] boisson va prévenir mes gueules de bois futures », ils me mettent quand même en garde sur les effets de l'alcool sur mon foie, mon estomac et globalement, ma santé.

JOUR 1

Les beaux jours sont de retour et hier soir, j'étais invitée à un barbecue. J'avais décidé de boire plutôt modérément car j'étais fatiguée mais il fallait bien patienter pendant que les côtelettes cuisaient. Avant même d'avoir entamé le dîner, on a fini une bouteille de vin blanc à trois avec des olives vertes pour l'apéro. Vers 20 heures, un quatrième pote nous appelle pour nous rejoindre et il est arrivé avec trois bouteilles de vin supplémentaires.

Une heure plus tard, après avoir critiqué tout notre entourage et descendu une deuxième bouteille de vin, je m'attaque aux ailes de poulet comme si c'était mon dernier repas sur Terre. Je vois les os en double et pour cause : je suis complètement bourrée. Quand j'entends le bruit du bouchon qui saute de la troisième bouteille, mon cœur se soulève un peu. Je préviens mes potes de mon départ imminent mais l'argument « un dernier verre » a raison de moi. Le goût du vin commence à me piquer la langue – on ne va pas se mentir, on a choisi le premier prix.

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Dans un dernier élan de conscience, j'arrive à me commander un taxi et rentre chez moi. Avant de m'échouer sur le canapé, j'attrape une mignonnette de Security Feel Better que j'avale à la manière d'un shot de vodka. Le truc a un goût de poire et je dois avouer que ce n'est pas dégueu du tout. À ma grande surprise, le lendemain, je me lève, fraîche comme un gardon. Il est 6 h 30, je suis prête à conquérir le monde.

JOUR 2

Ce soir, on fête les 28 ans d'un pote dans un nouveau bar. Il a fait une chaleur à crever toute la journée et on décide de se poser en terrasse. Tous mes potes commandent des cocktails colorés bourrés de sucre – dont j'ai horreur – et je me décide pour un verre de Chardonnay dont la fraîcheur aurait dû me désaltérer. Il se trouve que le vin blanc servi était une horreur imbuvable. Que j'ai quand même bu.

À la deuxième tournée, je change de tactique et opte pour un Pastis. La serveuse a eu la main un peu lourde et m'apporte ce que les puristes qualifient de « yaourt », c'est-à-dire un Pastis très peu dilué dans l'eau. Le problème du Pastis, c'est que ça se boit vite. Trois verres plus tard, je me demande si j'ai dîné mais mon esprit embrumé est incapable de répondre à cette question. Lorsque mes potes se chauffent pour aller en boîte, je me défile et disparais comme un ninja. Je décide de marcher pour dessoûler un peu, sans succès.

À la maison, je m'enfile une mignonnette de SFB en priant vraiment fort pour que ça fonctionne une deuxième fois. Parce que la gueule de bois au Pastis, ça ne pardonne pas. De nouveau, je me réveille à 6 h 30, sans gueule de bois, mais un peu fatiguée. Je me dis que j'ai trouvé ma parade pour pouvoir me mettre minable tous les soirs de ma vie.

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JOUR 3

J'ai rendez-vous à 21 h 30 dans le bar où je dois mixer ce week-end pour rencontrer les organisateurs. Manque de bol, la nana que je dois voir a oublié notre rencard et elle m'invite à boire des coups à ses frais le temps qu'elle arrive. Ça tombe plutôt bien : j'ai soif.

Trois verres de Gewurztraminer plus tard, la meuf débarque avec une fraîcheur inversement proportionnelle à mon état d'ébriété. Je conclus cet entretien rapidos et file à l'anglaise. En rentrant chez moi me vient l'idée stupide d'appeler ma meilleure pote pour boire un verre dans le rade en bas de chez nous. En arrivant au bar, le barman me sert un Pastis sans que je ne lui aie rien demandé. Étant légèrement avinée, je ne saurais trop comment décrire le détail de ma soirée, mais je me souviens in extremis que j'ai un rendez-vous super important le lendemain matin. Sur le bord de mon lit, je m'enfile ma petite bouteille de SFB et m'effondre sur la couette. Miraculeusement, le lendemain matin, je ne ressens qu'une grande fatigue. Et une grande lassitude, aussi. Mais toujours pas l'ombre des symptômes de la gueule de bois. Le truc est manifestement magique.

J'ai super mal au ventre et je peux dorénavant localiser mon foie avec précision : celui-ci me fait un mal de chien.

JOUR 4

J'ai passé la journée à traîner de mon canapé au lit, du lit au frigo, du frigo à la douche. Je n'ai peut-être pas la gueule de bois, mais j'ai 34 ans.

Je suis crevée et j'ai mal au bide. J'ai aussi mal à la gorge car tous les fumeurs le savent : on fume deux fois plus de clopes quand on picole. Avant de me lancer dans cette expérience débile, j'avais accepté une invitation à dîner et je vois mal comment annuler sans créer un incident diplomatique. Quand j'arrive chez mes potes, on me hurle : « Tu bois quoi pour l'apéro ? » De l'eau, ça ira bien pour le moment. Pendant le dîner donc, j'ai du mal à imaginer comment je vais pouvoir reboire un jour. Mais je suis une journaliste sérieuse alors je rassemble mon courage et je me sers un verre de vin. L'odeur m'écœure et j'envisage sérieusement de laisser tomber.

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Dans un élan de courage, je me dis que le plus simple serait de le siffler d'un coup, comme on enlèverait un sparadrap. Encore une idée complètement conne car je manque de vomir entre la poire et le fromage. Ce verre de vin me fait l'effet d'un coup de massue et je dois m'excuser, me lever de table et aller me coucher immédiatement.

« No more hangovers ». Image publiée sur le Facebook de Security Feels Better.

JOUR 5

Je suis morte de fatigue. Je passe ma journée sur le canapé à mater des séries. Je me maudis de ne pas avoir proposé un sujet sur les smoothies plutôt que surl'alcool. Je maudis mon rédac chef d'avoir accepté mon sujet. J'essaie d'imaginer comment Morgan Spurlock a survécu à Super Size Me et à son régime McDonald's pendant un mois. Je me demande en combien de temps je vais me remettre. J'ai super mal au ventre et je peux dorénavant localiser mon foie avec précision, car celui-ci me fait un mal de chien.

JOUR 6

Ce soir, je passe de la musique dans une boîte assez populaire. Je n'ai pas vraiment eu le temps de manger avant de partir bosser mais je trouverais bien un truc à bouffer sur le chemin. Avant de prendre les platines, je me fais la promesse de ne boire qu'un verre avant mon set, histoire de garder la tête froide pendant le boulot.

Je sirote cet unique verre de vin blanc qui a la vertu de mettre dans l'ambiance de la soirée. À partir de là, je ne sais pas comment tout a dérapé mais j'ai passé les 5 heures suivantes avec un verre à la main. Comme quoi, il ne faut jamais croire les promesses d'une alcoolique. Si mes comptes sont exacts, j'ai approximativement descendu 8 ou 9 verres de vin, quoique j'aie eu le bon sens de décliner les shots de vodka que l'on m'a offerts. À la fin de mon set, j'ai appelé un taxi pour rentrer chez moi dans la mesure où je ne marchais plus vraiment droit. Et comme un malheur n'arrive jamais seul, je n'ai pas trouvé de taxi.

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Je suis rentrée chez moi en zigzaguant. Le reste est assez flou. Mais en me levant le matin, mon salon ressemblait à Tchernobyl. Dans la salle de bains, mes fringues gisaient par terre et des cotons pleins de maquillage dans le lavabo. C'est toujours un exploit personnel quand je me rends compte que j'ai eu le réflexe de me démaquiller. À un moment, j'ai dû me faire un gueuleton parce que la cuisine était sale. Et au milieu de ce bordel, une fiole de SFB.

Toujours pas de gueule de bois mais j'ai l'impression d'être passée sous un bus. Mon foie me brûle – vraiment, beaucoup – et l'idée même de devoir boire encore unsoir me fait monter les larmes aux yeux.

JOUR 7

Je ne sais pas par quelle sorcellerie je suis encore vivante. J'ai un dîner inratable ce soir et, évidemment, mes potes sont en retard et me voilà accoudée au bar à les attendre. Si vous avez suivi attentivement le début de mon récit, vous avez compris que je ne sais pas boire uniquement un verre. Je vous spoile donc la fin de la soirée : je suis rentrée bourrée chez moi.

Dans un ultime geste de survie, j'attrape ma petite bouteille de SFB. Lorsque je l'ouvre, l'odeur de l'arôme à la poire me file un haut-le-cœur. Je la bois comme un shot, gorge déployée, histoire de ne pas trop avoir le goût de la poire en plus de celui de la vinasse. J'arrive tout de même à parler à mon mec plus ou moins décemment. Je vais me coucher en priant le ciel que l'effet de SFB ne s'amenuise pas avec le temps. Je me réveille vers 8 heures du matin dans un état à peu près respectable, mais dans le coltard. Je n'ai aucune force et je tombe de fatigue. Mon corps semble s'habituer à la composition de SFB car je suis de moins en moins en forme le matin.

Durant la semaine passée, je n'ai à aucun moment eu la gueule de bois ; la potion magique marche, incontestablement. Mais, comme prévu, mon foie est en train de morfler et je pense pouvoir affirmer sans trop me tromper que j'ai grossi. En me regardant dans le miroir, je trouve que j'ai un faux air d'Annie Girardot.

JOUR 8

Je ne boirai plus jamais.

Sarah est sur Twitter.