Vivre comme une vache virtuelle et devenir vegan

Le chercheur Jeremy Bailenson et ses collègues du Laboratoire d'interaction humaine virtuelle (VHIL) de l’université de Stanford transforment les gens en vaches. Les participants à leurs programmes de réalité virtuelle immersive sont censés vivre la vie d’un bovin avant d’être assommés et finalement traînés à l’abattoir virtuel.

À première vue, cela peut sembler un peu bizarre, mais ce programme a un objectif : Bailenson espère qu’en passant quelque temps dans les sabots d'une vache, ses sujets pourront acquérir un sentiment d'empathie pour ce que vivent les animaux. Les répercussions, de son point de vue, sont énormes : cette empathie peut se traduire par une moindre consommation de viande, ce qui entraîne une réduction de la consommation d’énergie.

Des expériences antérieures dans la même veine ont montré des résultats positifs. Les sujets de recherche qui ont virtuellement abattu des arbres ont ensuite reporté leurs souvenirs de l’expérience, réduisant leur consommation de papier.

Le VHIL espère exploiter la puissance de l'empathie, mais le concept n’a en fait rien de nouveau : c'est ce que les défenseurs des animaux d'élevage font déjà depuis des années.

Les associations de défense des animaux ont adopté différentes tactiques pour instaurer une compréhension émotionnelle entre les humains et les animaux qu’ils mangent. La technique la plus élémentaire reste la distribution de tracts regorgeant de faits et de photos à vous rendre malade – je n'arrive toujours pas à oublier l'image d'une vache à moitié décapitée que j'ai vue il y a quatre ans dans une brochure à Chicago. Certains sont destinés à choquer, d’autres à éduquer. Mais il est difficile d'établir un lien durable entre l'homme et l'animal en utilisant des photos et des statistiques.

Les refuges pour animaux de la ferme sont un concept relativement récent né il y a une trentaine d'années environ ; c’est probablement le meilleur outil actuel à disposition des associations de défense des animaux. Outre le sauvetage d'animaux dans le besoin, l'une des principales motivations de ces refuges est d'offrir aux gens un lieu où interagir avec les animaux habituellement cachés à la vue du public par les murs des usines de l'agriculture industrielle et les lois ag-gag qui la protègent.

Ce principe de base de la connexion empathique transparaît dans le vocabulaire des refuges. Les animaux sont des « ambassadeurs ». Ils sont « quelqu'un, pas quelque chose. » En interagissant avec les animaux vivants de la ferme, l'idée c'est que les gens reconnaissent les animaux comme des individus et non de simples produits consommables.

Devenir un animal grâce à la réalité virtuelle immersive est tout simplement le prolongement high-tech de cette démarche. Bien que les objectifs ultimes de VHIL puissent davantage se concentrer sur des questions environnementales globales plutôt que sur les animaux eux-mêmes, la philosophie sous-jacente est toujours la même. Si vous êtes conduit à l'abattoir, même dans une réalité virtuelle, vous vous en souviendrez peut-être la prochaine fois que vous serez à l'épicerie ou au restaurant. Et c'est bon pour notre monde et pour les animaux.

Les résultats de « l'expérience de la vache » menée par le VHIL n'ont pas encore été analysés. Mais en tant qu'ancien stagiaire pour un grand refuge d'animaux fermiers, j'ai vu des gens se tenir devant une vache et je me suis rendu compte de la façon dont, ce faisant, leur attitude envers les animaux pouvait changer. Bien que je n'aie pas participé à l’expérience et que je ne puisse pas commenter la façon dont elle se ressent réellement, je serais choqué si elle ne conduisait pas au moins les participants à se poser des questions sur leurs habitudes alimentaires. Peut-être que la réalité virtuelle peut même vous faire devenir vegan. Sur ce, je vais aller bouffer un steak de soja en pleurant.

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