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Ras-le-bol de ces hipsters qui jouent du trombone

Selon le New York Times, les trombonistes sont tous des putains de hipsters ironiques. On a voulu tester cette hypothèse.

Ci-dessus : des hipsters

Que vous soyez étudiant, luddite ou l’un de ces futuristes amateurs qui achète toutes ses fringues chez Cos, vous devez tous savoir depuis longtemps que nous vivons dans l’ère de l’Ironie. Christy Wampole, journaliste au New York Times, nous l’a rappelé dans son dernier article, « Comment vivre sans l’ironie ». Cet article est plutôt clair et bien écrit, mais il ne nous apprend rien de plus que ce que nous savons déjà : nous ne sommes rien que des êtres capricieux, de vieux croûtons rétromaniaques ricaneurs pataugeant dans une soupe de postmodernisme aux dépens de la recherche de sens, bla bla bla…

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Cela dit, j’ai retenu une chose de cet article. Ça se trouve dans le deuxième paragraphe :

« Si l’ironie est l’ethos de notre époque – et ça l’est –, alors le hipster est l’archétype de  notre mode de vie ironique.

On retrouve le hipster dans toutes les villes du monde. Il manifeste une certaine nostalgie pour une époque qu’ils n’ont jamais connue ; c’est un arlequin urbain contemporain qui s’approprie un style (moustache, culotte courte), des technologies (vélo à pignon fixe, lecteur de cassettes) et des passions démodées (brasser sa propre bière, jouer du trombone). »

Pardon ? Jouer du trombone ? Depuis quand peut-on jouer du trombone de manière ironique ? Je n’ai jamais entendu un trombone dans un groupe qui fait le buzz ou dans un remix de moombahton. Je n’ai jamais entendu qui que ce soit dire : « Allez vous faire foutre, les hipsters trombonistes. » Je ne connais d’ailleurs aucun tromboniste connu, à part le type qui jouait Bunk dans The Wire, dans ce film sur la Nouvelle-Orléans, là. Et je ne suis même pas sûr que c’était un trombone.

Christy Wampole, docteur en philosophie, brillante de sincérité

En poursuivant ma lecture, un autre paragraphe m’a semblé condenser l’essentiel de l’article. C’était une liste de questions à se poser dans le but d’examiner notre propre vie et de devenir moins ironique – c’est-à-dire, moins hipster – et plus sincère :

« Par où commencer ? Regardez autour de vous. Vous entourez-vous de choses que vous aimez vraiment ou plutôt de choses que vous aimez simplement parce qu’elles sont absurdes ? Écoutez-vous parler. Posez-vous la question : Est-ce que je communique principalement avec des « inside jokes » et des références à la pop culture ? Quel pourcentage de ce que je dis a vraiment un sens ? Est-ce que j’utilise beaucoup d’hyperboles ? Est-ce que je feins l’indifférence ? Examinez vos vêtements : lesquels sont semblables à un déguisement ou dérivés d’un archétype spécifique (secrétaire, clochard, une bonne des années 1920, un enfant) ? En d’autres termes, est-ce que vos habits se réfèrent à autre chose qu’à eux-mêmes ? Essayez-vous volontairement d’avoir l’air d’un nerd, d’être moche ou mal sapé ? En d’autres termes, votre style est-il un anti-style ? Et enfin, la question la plus importante : Que diriez-vous de vous changer de l’intérieur, en privé, sans l’afficher publiquement ?

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En combinant ces deux passages, j’ai décrété qu’il était temps de mettre la théorie de Christy à l’épreuve. Sommes-nous simplement des « citations vivantes », coincées dans un cycle de « vie ironique attestant d’une défaite, d’une résignation et d’un engourdissement culturel » jonché d’un fatras « d’objets kitsch, une série interminable de blagues sarcastiques et de références populaires ? » Sommes-nous « en compétition pour savoir qui est le plus indifférent » ? J’ai décidé d’appeler les principaux suspects – ces putains de trombonistes ironiques qui pourrissent Londres de l’intérieur – pour leur poser les questions du Dr Wampole.

Richard Debonnaire, tromboniste @BromleyTrombone

VICE : Salut Richard. Vous entourez-vous de choses que vous aimez vraiment ou plutôt de choses que vous aimez simplement parce qu’elles sont absurdes ?
Richard Debonnaire : Il y a des choses que j’aime parce que je les aime, et non pas pour prouver quelque chose.

D’accord. Maintenant, écoutez-vous parler. Communiquez-vous principalement avec des « inside jokes » et des références à la pop culture ?
Je ne pense pas. Je ne suis pas contre, mais pour ce qui est des blagues entre trombonistes, tout ce qui est un peu lubrifié nous fera toujours rire.

Donc les trombones sont naturellement drôles ?
Pour être honnête, si à première vue cet instrument a l’air comique, il est très sérieux et difficile à maîtriser.

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D’accord, désolé. Retour au quiz. Quel pourcentage de vos paroles a vraiment un sens ?
On me dit bavard, mais je ne sais pas si ça a un rapport avec mon trombone. C’est plus un trait de caractère qu’une conséquence du trombone.

Utilisez-vous beaucoup d’hyperboles ?
Oh oui, j’exagère souvent. J’essaie de faire attention, d’ailleurs. Mais je le fais en m’assurant que tout le monde sache que c’est volontaire.

Faites-vous parfois semblant d’être indifférent ?
Oui, parfois, je peux feindre l’indifférence. Vous savez ce que c’est.

Vous m’accusez d’être un hipster ?
Non.

Alors ça va. Vos vêtements sont-ils semblables à un déguisement ou dérivés d’un archétype spécifique ?
Pas vraiment, tous ces habits ont été jetés à la poubelle le jour de mon mariage. J’avais une vieille veste en jean. Je la mettais pour mes concerts. Honnêtement, je ne me suis jamais vraiment soucié de mon style, mais je mettais cette veste quand j’étais ado. Ma femme l’a jetée sans me le dire. Mais je ne dois pas être le seul dans ce cas.

Essayez-vous volontairement d’avoir l’air d’un nerd, d’être maladroit ou moche ?
Non, j’essaie plutôt d’éviter ça.

En d’autres termes, votre style est-il un anti-style ?
Je ne dirais pas que j’ai un style. Je ne suis pas les modes. J’essaie d’être moi-même, de suivre mon instinct. Je ne fais pas ça pour prouver quoi que ce soit. Si on me laissait faire, je serais un vrai cauchemar vestimentaire, mais ma femme fait attention à moi.

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Et pour finir, la question la plus importante : que diriez-vous de vous changer de l’intérieur, en privé, sans l’afficher publiquement ?
Je ne sais pas quoi répondre à ça.

Andrew McCoy, tromboniste (SoundCloud)

VICE : Vous entourez-vous de choses que vous aimez vraiment ou plutôt de choses que vous aimez simplement parce qu’elles sont absurdes ?
Andrew : Je m’entoure des choses que j’aime. Je ne m’entoure pas de choses simplement parce qu’elles sont bizarres.

Maintenant, écoutez-vous parler. Communiquez-vous principalement avec des « inside jokes » et des références à la pop culture ?
Ouais, je fais pas mal d’« inside jokes ».

Quel pourcentage de vos paroles ont vraiment un sens ?
Je dirais 70 %.

Vraiment ?
Oui !

Vos habits se réfèrent-ils à autre chose qu’à eux-mêmes ?
Mes habits ? C’est juste des habits.

Essayez-vous volontairement d’avoir l’air d’un nerd, d’être maladroit ou moche ?
Non.

En d’autres termes, votre style est-il un anti style ?
Non, non, non, non, non !

Et la question la plus importante : Que diriez-vous de vous changer de l’intérieur, en privé, sans l’afficher publiquement ?
Je ne comprends pas cette question. Je ne sais pas.

Martyn Hunter, tromboniste (biographie)

VICE : Vous entourez-vous de choses que vous aimez vraiment ou plutôt de choses que vous aimez simplement parce qu’elles sont absurdes ?
Martyn : Parce qu’elles sont absurdes.

Je vois. Maintenant, écoutez-vous parler. Communiquez-vous principalement avec des « inside jokes » et des références à la pop culture ?
Ouais, l’humour du trombone est principalement composé d’inside jokes.

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Quel pourcentage de vos paroles a un sens ?
Je n’y ai jamais réfléchi. Je dirais à peu près 80 %.

Utilisez-vous beaucoup d’hyperboles ?
À peu près 60 % du temps.

80 % de paroles sensées et 60 % de paroles hyperboliques ? Ça vous fait donc 140 % de paroles.
Je ne sais pas. Laissez-moi tranquille.

Vos vêtements sont-ils semblables à un déguisement ou dérivés d’un archétype spécifique ?
Bonne question. Très bonne question. Je n’essaye pas d’imiter un style ou un concept en particulier. Ce sontjuste des habits.

En d’autres termes, votre style est-il un anti-style ?
Ouais exactement. Ouais, c’est ça.

Et pour finir, la question la plus importante : Que diriez-vous de vous changer de l’intérieur, en privé, sans l’afficher publiquement ?
Je ne sais pas. Je ne sais pas du tout quoi répondre à cette question.

Meredith Moore, tromboniste (Biographie)

VICE : Vous entourez-vous de choses que vous aimez vraiment ou plutôt de choses que vous aimez simplement parce qu’elles sont absurdes ?
Meredith : Euh, je collectionne des vieux cuivres. J’ai beaucoup de cors de chasse. Ils sont roses. Je les utilise en déco, je les trouve vraiment cool. Ils sont très spéciaux. Les gens qui viennent chez moi essaient de jouer avec mais c’est impossible.

Maintenant, écoutez-vous parler. Communiquez-vous principalement avec des « inside jokes » et des références à la culture pop ?
Probablement, ouais.

Quel pourcentage de vos paroles est hyperbolique ?
Qu’est-ce que ça veut dire ?

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Utilisez-vous beaucoup d’hyperboles ?
Je ne sais pas ce que ça veut dire.

Feignez-vous parfois l’indifférence ?
Oui.

Essayez-vous volontairement d’avoir l’air d’une nerdette, d’être maladroite ou moche ?
Non, certainement pas.

En d’autres mots, votre style est-il un anti-style ?
Non. Je pense que mon style est… très « classe ».

Que diriez-vous de vous changer de l’intérieur, en privé, sans l’afficher publiquement ?
Je fais très attention à ce que je fais sur Internet. La plupart des choses que je publie sur le web sont à l’image de qui je suis et ce que je fais. Je ne dirai jamais quelque chose que je ne pense pas. D’ailleurs j’essaie de ne pas trop en dire. Je veux protéger ma vie privée.

John Roskilly, tromboniste (Page pro)

VICE : Vous entourez-vous de choses que vous aimez vraiment ou plutôt de choses que vous aimez simplement parce qu’elles sont absurdes ?
John : Ah oui, je pense bien. J’ai un didgeridoo et un chapeau japonais. Mais la chose la plus intéressante que je possède, c’est une marionnette de nonne avec des gants de boxe qui fout des coups de poing aux gens.

Avez-vous ramené ce didgeridoo d’un voyage mémorable en Australie ?
Non, je l’ai juste comme ça.

Alors là, je suis désolé mais vous n’êtes pas sincère et vous allez donc devoir le brûler. Mais avant ça, écoutez-vous parler. Communiquez-vous principalement avec des « inside jokes » et des références à la pop culture ?
Je ne crois pas.

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Quel pourcentage de vos paroles a un sens ?
Oh… la moitié, je dirais.

Donc l’autre moitié est frivole ?
Ouais, un peu débile.

Utilisez-vous beaucoup d’hyperboles ?
Oui, beaucoup.

Pour une raison particulière ?
Ça rend les choses plus intéressantes.

Vos vêtements sont-ils semblables à un déguisement ou dérivés d’un archétype spécifique ?
J’ai quelques habits qui pourraient être pris pour des déguisements.

Et pour finir, la question la plus importante : Que diriez-vous de vous changer de l’intérieur, en privé, sans l’afficher publiquement ?
Ça ne me poserait pas de problème. Ça serait plutôt marrant !

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Et voilà, Wampole ; les trombonistes ne sont pas les monstres d’ironie que vous imaginiez. Alors la prochaine foisque vous vous attaquez à une branche de la société qui ne cherche qu’à s’amuser en jouant d’un instrument qui ressemble à une Ford T pliée, faites d’abord quelques recherches.

Les trombonistes ne jouent pas avec l’ironie et l’insincérité. Ils suivent leur petit bonhomme de chemin avec des tee-shirt à message sérieux et des jeans empathiques, parce qu’ils ne se laissent pas envahir par toutes ces merdes. Les trombonistes sont la preuve vivante qu’il y a encore des exemples de sincérité que l’on peut tirer des décombres de notre culture.

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