cinéma porno pigalle paris

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Sexe

Une soirée dans le cinéma porno le plus glauque de Pigalle

À la recherche de l'amour dans l'un des derniers lieux de cruising sales de Paris.

Invisible sur Google Maps et presque autant sur Internet, j'ai découvert le cinéma L'Atlas au hasard d'une balade dans le nord de Paris. Situé en face de la place Pigalle, au 20 boulevard de Clichy, coincé entre une brasserie et un McDonald's, l'Atlas est l'un des derniers cinémas pornos parisiens en activité, cousin oublié du Beverley des Grands Boulevards. Il est ouvert tous les jours de 10 heures à 2 heures du matin.

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En plein essor dans les années 1970, les cinémas pornographiques dits de « cinéma spécialisé » faisaient flores aux alentours des gares et des quartiers populaires. Ils ont pourtant décliné progressivement, mis à mal par les chaînes de télévision, le classement « X » de 1975, l'arrivée de la VHS, pour être achevé par Internet à la fin des années 1990.

L'Atlas est situé au cœur de Pigalle, dans le 18e. Les sex-shops et bars à hôtesses qui firent autrefois la réputation du quartier ont, ces dernières années, été remplacés par des endroits plus traditionnels, destinés à une clientèle différente. Le renouvellement a rangé ces lieux dans la catégorie des musées et de l'apparat nostalgique. De fait, qui va encore mater ou se masturber là-dedans, en 2016 ?

Devant l'entrée du cinéma, je mate un peu les affiches des films diffusés. Dessus, on voit des chattes et des bites poilues ; plutôt vintage, donc. En passant, un mec visiblement drogué me demande s'il y a du « monde à l'intérieur ». Je n'en sais rien. Homosexuel blanc de classe moyenne et pourtant assez au fait du Paris dit « alternatif », je lui réponds que je n'ai jamais entendu parler de L'Atlas. Je regarde sur mon téléphone si quelqu'un a déjà évoqué ce cinéma sur Internet. Les seules occurrences viennent du site lieuxdedrague.fr. J'y lis, par exemple :

« Cinéma porno surtout fréquenté par des travestis et quelques hommes africains, arabes, étrangers. il y a 2 salles de projection. Bons plans avec mecs qui se branlent ou baisent sans capote dans les chiottes du haut qui servent de backroom. Hétéros mariés, bi, et gays de tous âges… (pour info lieu très sale). Métro Pigalle. Attention aux pickpockets. »

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À part ça, rien.

Pour baiser avec des inconnus, je suis plutôt du genre à utiliser les applications smartphone de type Grindr ou Tinder. Avec le temps cependant, j'ai pris goût aux rencontres inattendues dans des lieux faits pour ça – ou non –, qui sont bien plus excitantes que la drague sur Internet typique d'aujourd'hui. Un peu partout dans Paris, il existe en effet un large choix de saunas et de bars dédiés à ça et où je me rends parfois. Mais dans tous les cas, rien qui ressemble à l'Atlas, tant au niveau de la clientèle que de l'atmosphère.

L'entrée est à 10 euros. On me donne un petit ticket bleu, à l'ancienne. Une fois entré, j'ai le choix entre deux salles : une à l'étage et une en sous-sol. Je commence par en haut et me cale dans un siège du fond. À travers la pénombre, je cherche du coin de l'œil quelques mouvements qui tromperaient un ébat discret, mais les gens ont l'air plutôt sages. Point question d'homosexualité à l'écran. On y voit des mecs et des meufs baiser en ordre naturel. Le film projeté est du style « interracial », avec une femme noire en train de se faire démonter par un mec blanc.

Comme évoqué dans le commentaire posté plus haut, ce que je vois de la population ici est en majorité de descendance africaine, subsaharienne et maghrébine. Comme prévu, les films ne sont qu'un prétexte. Les gens sont là pour baiser ou se branler. Certains arrivent avec un petit sac de sport, et se changent en arrivant dans la salle.

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Au contraire du commentaire, les mecs que j'observe sont plutôt hétéros et viennent ici baiser des meufs susceptibles de se lâcher davantage que leur partenaire féminin habituel. À moins que ce soit peut-être pour assouvir plus facilement leur attirance refoulée envers les hommes ? Car je vois également des relations homosexuelles assumées, sans que ça ne gêne les hétéros alentour. Avant que le film commence, je lis d'autres commentaires à propos de l'Atlas sur le site de rencontre. Ils sont directs.

« 20/10/2013 à 11 h 24
Ce dimanche 20 octobre j y serai dès 14h et jusqu'à 22h pour n être qu un trou à bites… uniquement servir de vide couilles à la chaîne et non stop. âge et physique peu important… alors blacks arabes blédards clochards venez nombreux… kelly.. »

Première surprise, il y règne une ambiance très agréable. Des hommes – j'apprendrai plus tard, par la personne qui m'abordera, qu'ils sont proxénètes – discutent tranquillement sur les banquettes à l'arrière. Des travestis plaisantent, font le bilan de leur journée. Je commence à me sentir bien. De l'écran jaillit un bain de lumière apaisant qui inonde la salle. Les jeux entre les gens se mettent vite en place.

Je vois des inconnus qui se baladent, matent, cherchent des trucs ; parfois avec une insistance et une proximité bizarre, vu qu'on ne voit rien. Ça me fait penser aux buissons du Bois de Boulogne, ou à certains bars à culs.

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À part un mec titubant, vraisemblablement soûl, les gens réunis ici semblent sobres. La population est plutôt trentenaire, mature, avec quelques jeunes ici et là. Il m'est difficile d'évaluer précisément l'âge des gens. Les femmes abordent les hommes seuls qui, assis, ont l'air de les attendre. Ensuite, libre à eux d'aller tirer leur coup dans les toilettes, qui servent de backrooms. C'est là que les gens s'ébattent.

Les w.-c. puent l'urine. Des papiers y traînent et les chaussures collent à la crasse du sol à chaque pas. Ça me fait penser aux clubs gays kinky où l'on ressent jusque dans le décor autour de soi l'acte moralement répréhensible auquel on est en train de se livrer. Parce que c'est ça qui est bon. C'est une forme de saleté qui transcende mon dégoût initial, me procure un sentiment d'excitation. À l'Atlas, les sièges et le sol des salles semblent propres, sans odeur ; le crade est dissimulé dans les couloirs et les chiottes.

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Dans la salle, je m'aperçois que les rétroprojecteurs qui diffusent les films ne sont pas du tout centrés. L'image parvient aux trois-quarts sur l'écran. Le reste échoue sur les murs ou sur le plafond. Comme si les appareils avaient simplement été posés là, sans plus de façons.

« 01/01/2016 à 13h24
Cette fin d'année je ne la voulais pas traditionnelle. Donc j ai décidé d etre dans le pire ciné X pour finir sex. Et cela a marché car a minuit on s occupait de moi. j'y ai même découvert un nouvelle sensation . Par contre je ne referai plus. vaut quand meme mieux un reveillons traditionnel. Bonne année sexe a tous »

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Dans les bars ou saunas gays que je fréquente, les mecs attendent au bar jusqu'à ce qu'ils trouvent quelqu'un. Les regards jouent beaucoup : il s'agit de faire comprendre à l'autre que celui-ci nous plaît. Puis on se rapproche pour aller continuer notre affaire plus loin. Souvent, il y a des mecs qui matent ou tentent de participer. J'aime beaucoup regarder aussi, et m'insérer dans un ébat en cours. Il faut juste savoir écouter et s'y prendre avec tact.

Dans un cinéma comme celui-ci, le jeu est différent grâce à la salle et aux sièges. Il est plus facile de se poser et d'attendre qu'on nous approche. Assis dans la salle depuis déjà une bonne vingtaine de minutes, c'est à mon tour de me faire aborder. C'est un homme. Il est travesti, noir, élancé et chic. Il a l'air adorable. On papote. Il me dit qu'il bosse dans les ressources humaines le jour ; « je m'amuse comme ça le soir », ajoute-t-il. Il me dit que son travestissement est venu des diverses demandes de la part de mecs hétéros qui le fantasment et le « désirent en femme ».

Il est là pour son plaisir et me dit qu'il ne « travaille pas », c'est-à-dire qu'il ne prend pas d'argent en échange d'une partie de jambes en l'air. Bien sûr, il n'y a pas que des prostitués. Beaucoup viennent ici simplement pour se détendre, à l'abri des regards.

Par la suite, je me fais aborder par un autre travesti. C'est une femme d'un certain âge, une Mama noire. Elle est postée dans le couloir à baise, en bas. Elle m'annonce : « je ne prends pas d'argent, mais tu peux m'offrir un cadeau ». En découvrant le lieu, je ne vois rien et lui demande ce que font les gens au fond. « Ils font l'amour », répond-elle.

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Les escaliers menant vers les toilettes et la salle du sous-sol

Ce qui me marque chez elle, c'est son absolue douceur. De toute ma vie, c'est la première fois que je suis en contact avec le milieu de la prostitution. D'entre les capes et les foulards parvient sa délicatesse, à travers sa voix, ses gestes. Un truc très maternel. Dans son coin, elle fredonne un air en attendant un homme.

Plus le temps passe, plus je me sens bien. J'ai l'impression d'être si loin des chichis princiers de certains établissements gays. Je descends au sous-sol.

Je ne vois pas de différence notable entre les deux salles. Plus de sièges pétés, peut-être. Ces derniers, avec la lumière spectrale de l'écran et les corps désincarnés qui déambulent alentour donnent un air fantomatique à la salle. Des gens baisent dans un petit couloir vers la sortie de secours, sous une alcôve jonchée de détritus et d'emballages de capotes. Il y a même un petit rideau, à tirer lorsqu'on souhaite être tranquille.

Dans la pénombre, je ne distingue pas grand-chose. Je peux à peine sentir que c'est assez calme dans la salle. Les gens regardent le film ou pianotent sur leur téléphone. On entend un peu les cruisers parler par-dessus le film, mais c'est à peu près tout. Le sexe est surtout localisé dans des lieux précis, où les gens baisent plutôt rapidement et dans une discrétion relative. Je n'arrive pas vraiment à être excité car c'est assez calme, et le travestissement n'est pas mon truc. Le nombre de personnes présentes joue aussi : je suis, il faut le reconnaître, assez timide.

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« 15/10/16 à 19h40
Bonne salope à démonter, cherche bites pour éteindre le feu de son cul dimanche de 13h jusqu'à l'extinction du feu. Elle pompe aussi. Chienne obéissante et soumise. »

Il est possible que je sois arrivé un peu après la fête. D'après les commentaires, il y a plus de monde les samedis et dimanches après-midi. Après environ deux heures d'étude à l'intérieur, je me décide à sortir. L'atmosphère du McDonalds d'à côté tranche net avec ce que je viens de vivre.

Je quitte l'endroit avec une pointe de regret : c'en est fini de ma petite parenthèse enchantée. Ce cinéma porno m'a rendu nostalgique d'une période que je n'ai jamais connue.

Je réalise que j'aime les gens que j'y ai croisés, parce qu'ils ont envie d'autre chose. Car il faut vraiment avoir envie d'autre chose pour s'obliger à quitter son fauteuil chaud, son ordinateur et son téléphone pour aller faire du cruising réel comme il y a 30 ans. Cela signifie prendre de vrais risques.

Assis dans le fast-food devant un menu composé d'un burger, d'une boisson gazeuse et d'une portion de frites, éclairé par toutes les lumières du boulevard, je remarque une chose : ici, il fait plus sombre et plus froid qu'au fond de l'Atlas.

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