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Culture

Murakami : « je fais beaucoup de Dobs qui vomissent »

« Quand je vois mes peintures et mes sculptures antérieures, je suis jaloux. J'étais jeune, j'avais des idées. » Oui, Takashi Murakami est en pleine forme.

Cet article a été initialement publié sur VICE Canada.

Peu d'artistes contemporains possèdent une patte artistique aussi distinctive que Takashi Murakami. Célèbre pour ses œuvres pop art comme la pochette d’album qu’il a réalisée pour l'album Graduation de Kanye West en 2004 ou les sacs qu’il a créés en collaboration avec Louis Vuitton, le travail de Murakami trouve sa place tant au bras de Paris Hilton que sur les murs d'une galerie d’art.

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Au début des années 2000, Murakami a acquis une certaine notoriété grâce à son exposition mondiale, Superflat, une exposition conçue de sorte à placer la théorie de l'art, la culture pop et l'imagerie contemporaine sur un seul et même plan visuel. Le résultat final est une sorte de cacophonie visuelle, saturée de références – aussi banales que pertinentes.

Takashi Murakami : Le poulpe mange ses tentacules a fait une nouvelle itération (après avoir fait une apparition au musée d'art contemporain de Chicago) à la galerie d'art de Vancouver. L’exposition est une rétrospective des premières œuvres de l'artiste, de son iconique personnage M. Dob, jusqu’aux derniers travaux réalisés tout spécialement pour l'installation de Vancouver.

À l'occasion de son 56e anniversaire, l’artiste nous a fait quelques confidences au sujet de l'art, du vieillissement et de la mort imminente et inévitable qui nous attend tous.

727, 1996, publié avec l'aimable autorisation du Musée d'Art Moderne.

VICE : Nous nous trouvons dans cette pièce, entourés par Mr. Dob. Pouvez-vous m’en dire un peu plus sur les origines du personnage ?
Takashi Murakami : Mr. Dob vient de l’expression dobojite, en argot japonais. Mais je pense qu’au tout début, c’était vraiment sérieux – Barbara Kruger, Jenny Holzer avaient des messages très sérieux – et les artistes japonais s’intéressaient surtout à la forme, alors j’ai fait une parodie. C’est beaucoup de n’importe quoi, il n’y a pas vraiment de signification. C'est mon genre de message – mon travail n'est pas sérieux, c'est mon autoportrait.

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Il existe beaucoup de versions du personnage, laquelle vous parle le plus en ce moment ?
Peut-être le Dob qui vomit. Je fais beaucoup de Dobs qui vomissent, parce que je vieillis et chaque jour est un combat, vous comprenez. Je suis très fatigué [rires].

Tan Tan Bo Puking, 2002, avec l'aimable autorisation de Galerie Perrotin.

Qu'est-ce qu’un anniversaire signifie pour vous, à ce stade de votre vie ?
Oh, mon anniversaire ne signifie rien, ça n’a aucun sens. Dans Alice au pays des merveilles, le Chapelier Fou fête son « non-anniversaire » : ça me parle davantage… Vous ne pouvez plus bouger votre corps, votre santé est mauvaise. Vous mourrez. Tout est décevant.

Que pensez-vous des œuvres séminales que vous avez faites quand vous étiez plus jeune ? Je pense notamment à My Lonesome Cowboy.
Quand je vois mes peintures et mes sculptures antérieures, je suis jaloux. J'étais jeune, j'avais des idées. J'avais cette puissance qu’ont les jeunes. Maintenant, j'ai des idées et de la technique – mais je n’arrive pas toujours à faire naitre certaines de ces idées étranges.

Release Chakra’s gate at this instant, 2008, collection privée.

Vous avez évoqué le fait de vieillir, de ne plus vous sentir aussi bien. Que pensez-vous de votre héritage maintenant ?
J'ai été très touché par la mort de Mike Kelley. Quand j'ai commencé ma carrière, j'ai imité les peintures de Kelley, car son message était que la vie est sérieuse, qu’elle à un côté sombre, mais ses peintures sont très aériennes. Cela m'a vraiment touché quand j'étais jeune. Puis il a fait une dépression, et il est mort. Mais son travail vit encore, et il en émane un message très puissant – surtout pour moi. Je veux pouvoir rester dans mon monde, dans ma bulle de paix – c'est mon objectif.

Pouvez-vous me dire en quoi une rétrospective comme celle-ci est « cannibale », comme vous le mentionnez dans son intitulé ?
Je ne vois pas vraiment ça comme une rétrospective. J'ai fait de nouvelles œuvres pour cette occasion, donc pour moi, c'est très actuel. Mes dernières peintures ne marchent pas aussi bien qu’avant. C’est une situation ironique, c’est pour ça que j'ai ajouté le titre, « Le poulpe mange ses tentacules ». Vous savez, je fais un show, je veux être ambitieux, mais je ne peux pas. Le thème est un peu le même à chaque fois : Mr. Dob, qui vomit, pouah.

Est-ce votre tenue d'anniversaire que vous portez ?
Ce sont les couleurs de « Nemo », vous savez, dans la mer.

Et le chapeau que vous portez, c’est vous qui l’avez fait ?
[Rires] Absolument. Vous savez, je n'ai pas confiance en moi, c'est pour ça que je porte ce costume. Comme ça, les gens comprennent que je ne suis pas seulement négatif, je veux aussi renvoyer quelque chose de positif. Mais chaque fois que je commence à faire un commentaire, il est vraiment négatif. C'est pour ça que j'ai besoin d'une tenue très positive.