Il y a à peine trois ans de ça, les yeux d’Avissey étaient rivés sur une autre balle, orange et ronde. Pensionnaire du centre de formation de l’Orléans Loiret Basket, il vise alors la Jeep Elite et pourquoi pas la NBA, mais un triste jour, son genou explose avec ses rêves. « On m’a alors parlé du foot US. Je n’y connaissais rien, à part ce que j’en avais vu dans un manga, Eyeshield 21 », rembobine Avissey en cette fin juillet avant d’aller récupérer dans un jacuzzi de UB suite à un entraînement matinal. « Alors, je me suis dit que j’allais faire un test chez les Chevaliers d’Orléans pour voir. C’était vraiment du bas niveau, de la division III, mais je suis tombé amoureux du sport – à 19 ans. »« Les joueurs français, on nous a comme conditionnés à ne pas voir grand, à ne pas rêver » – Jordan Avissey
Brandon Collier téléphone en main lors du camp de Villepinte.
Sur la pelouse de Villepinte, il y en a un que Collier ne lâche pas des yeux, et ce n’est pas à cause de son bonnet jaune fluo. 1 mètre 98, quelque 145 kilos et des pieds rapides comme ceux d’un danseur : Jeffrey M’Ba, sans doute le plus grand talent brut du foot US à la française. Celui qui pensait il n’y a pas trois ans que le foot était un sport de bourrins, a désormais une palanquée d’écuries prestigieuses qui lui courent après. M’Ba est l’illustration même de ce que Collier théorisait plus tôt : « Le foot US est un sport que tu peux apprendre sur le tard. Si tu as la taille, la vitesse et les qualités athlétiques développées dans d’autres sports, tu peux devenir un bon joueur de foot rapidement. »« Michigan m’a offert une bourse, alors qu’un an plus tôt je n’avais pas encore fait un match » – Jeffrey M'Ba
Jeffrey M'Ba (à gauche) et Jason Bofunda, running back du Flash de La Courneuve et participant du camp de PPI.
Karl Mongosso (gauche) se marre avec Jeffrey M'Ba.
Rayan Khefif à l'entraînement sur le terrain du Flash de La Courneuve avant de s'envoler pour Roswell.
Aho est lui aussi un peu têtu. Originaire de Nice, il commence le foot à 15 ans avec les Dauphins, le club du coin, part à Montpellier, puis Marseille, doit arrêter l’école à cause de soucis de famille et se met à travailler à ses 16 ans. « Je taffais à McDo, je faisais des ménages, j’ai tout fait », sans jamais arrêter le foot et l’équipe de France, avec qui il remporte le Championnat d’Europe (aux côtés d’Avissey) en 2018. « Cette compétition m’a permis de me faire repérer par un ancien joueur de NFL allemand, Bjorn Werner, qui a fait tourner ma vidéo pour que j’aille en JuCo. » Direction donc Roswell et NMMI en janvier 2019, alors que la saison est déjà finie. « Je n’étais pas censé recevoir d’offres, mais j’ai fait de bonnes vidéos pendant la présaison, » explique Aho, qui a déjà sur son bureau huit offres de bourses – sans avoir joué un seul match sur le sol américain. Huit offres c’est bien, mais ce n’est pas assez. Du coup, avant d’aller rejoindre la chaleur et la discipline écrasantes de leur JuCo militaire ce début août, Aho et Khefif ont passé une partie du mois de juin à sillonner en voiture de location le sud des États-Unis. Le but : multiplier les camps dans les programmes les plus respectés du pays comme Alabama ou LSU (Louisiana State University), histoire que les coaches surveillent leur saison à NMMI. « On a eu de très bons retours des camps, les coaches respectent notre parcours, le hustle. Ils s’en foutent un peu que tu sois Français du moment que tu défonces leurs recrues américaines », pose calmement Aho, dont le nom commence à se retrouver sur la liste de courses de nombre de facs.« Les coaches s’en foutent un peu que tu sois Français du moment que tu défonces leurs recrues américaines » – Junior Aho
Junior Aho lors de sa visite à Oregon.
Éviter les allers-retours superflus au-dessus de l’Atlantique et rentrer au plus vite dans le moule américain. C’est le plan choisi par Terence Fall, le petit dernier de la nouvelle génération. « Un an après avoir commencé le foot, je suis allé passer l’été chez mon oncle dans le Bronx pour voir un peu le niveau des Américains », retrace le jeune wide-receiver. « Je fais quelques petits matchs, mon oncle envoie quelques vidéos de moi à des lycées et je reçois deux offres de bourses de high schools de New York. » Obtenant ainsi la preuve qu’il a le niveau nécessaire, Fall et son père passent les vacances de Noël 2017 devant l’ordinateur familial à la recherche d’une bourse dans un lycée des trois grands États du foot US : Texas, Floride et Californie. Une centaine de mails plus tard, Fall a de quoi faire un choix. L’Aquinas High School de San Bernardino propose l’offre la plus alléchante.« Une fois que tu as ta première offre, il y a comme un poids qui te quitte » – Terence Fall
Terence Fall la veille de son retour vers la Californie.