Retour sur la New Rave, 10 ans après

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Musique

Retour sur la New Rave, 10 ans après

En mémoire des Fluokids, des Klaxons, et de toutes les personnes qui ont porté une fois un bracelet phosphorescent dans leur vie.

Certaines histoires n'en finissent pas d'être racontées. Si vous avez déjà pris un rail en compagnie de Brigitte Fontaine, craché sur un punk lors d'un concert des Sex Pistols ou croisé les mecs de Sonic Youth en train de savourer un frappuccino, les gens vous poseront un tas de questions tout au long de votre vie. Ils vous paieront des coups pour vous faire cracher le morceau : Thurston Moore est-il si grand en vrai ?

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En revanche, personne ne tient à savoir comment était la new rave. En effet, qui pourrait s'intéresser à des tourments adolescents ayant justifié l'achat massif de jeans slim de couleur rouge dans la section femme de H&M ? Personne. Qui pourrait s'intéresser à la descente aux enfers de Hadouken! ? Personne. Qui pourrait s'intéresser aux Bloody Beetroots ? Personne.

L'année 2016 correspond au dixième anniversaire de la new rave – malheureusement, personne ne songe à le célébrer. Il est toujours étrange de constater qu'un mouvement aussi important de son adolescence a été rayé de la carte du monde par quelques entrepreneurs de morale persuadés de détenir la Vérité Ultime, aussi connue sous le nom du « bon goût ».

Pour être tout à fait honnête, personne ne traitait la new rave avec considération à l'époque. John Harris, journaliste pour le Guardian, l'a décrite dès 2006 comme étant « un pauvre phénomène jeune, condamné à disparaître rapidement ». Même les Klaxons se sont défendus quelques années plus tard en disant qu'il s'agissait « d'une blague qui a fini par prendre trop d'ampleur ». En fait, la new rave a existé pendant à peine huit mois. Tout a commencé dans le quartier de New Cross à Londres pour se terminer le jour où des présentateurs télé se sont mis à porter des jeans de couleurs vives.

Je n'ai rien contre la mauvaise réputation qui entoure la new rave – il est très difficile d'en assumer tous les aspects, c'est une certitude. Je pense simplement que l'influence de ce courant a été sous-estimée, tant il a posé les fondations de ce qu'est la scène musicale d'aujourd'hui, plus polyvalente et plus consciente de ses capacités d'expérimentation.

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Pour réaliser à quel point la new rave est toujours influent, on doit commencer par se souvenir de ce qu'était Londres au milieu des années 2000 – à l'époque, les Libertines et les Rakes n'étaient pas seulement populaires, mais aussi sexy. La ville avait entièrement succombé au charme de l'indie rock. Des centaines de concerts avaient lieu chaque soir. C'en devenait presque absurde.

Le seul gros problème de cette période était la musique – une horreur sans nom. Très masculine, très blanche, obnubilée par sa volonté de paraître intelligente et déprimée. En gros, insupportable.

Les clubs commençaient d'ailleurs à le comprendre. Dans les boîtes grandioses du nord de Londres, les morceaux les plus populaires n'étaient jamais ceux dans lesquels on entendait des accords de guitare. En réalité, c'était plutôt des sons du style « We Are Your Friends », « Deceptacon » et la version de Soulwax de « Standing in The Way Of Control ».

Les Klaxons étaient l'incarnation du « malaise indie ». Après s'être rencontrés dans le sud de Londres, ces mecs ont voulu éviter de tomber dans l'écueil ressassé de la guitare saturée entendue ad nauseam. Pour ce faire, ils se sont mis à lire de la littérature futuriste et à écouter des vieux tubes entendus dans les raves au début des années 1990. Ils n'ont jamais eu l'ambition de changer l'histoire de la musique ; ils ont simplement refusé de n'être qu'une pâle copie des Ramones.

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C'est Joe Daniel, le fondateur d'Angular Records et producteur des premiers singles des Klaxons, qui a inventé le terme de new rave, afin de coller à l'évolution du Londres du milieu des années 2000. « Nous apportions quelque chose de nouveau à une scène qui manquait d'inventivité. À l'époque, les mecs de New Cross étaient à fond derrière les groupes de chez Rough Trade – très indie pop et post-punk. Les Klaxons ont soufflé un vent d'air frais sur le reste de Londres. L'idée, c'était de se défoncer et de passer du bon temps plutôt que de se battre pour savoir qui portait les jeans les plus serrés.

Daryoush Haj-Nafaji, aujourd'hui rédacteur en chef des pages mode chez Complex, était au cœur de la scène new rave de l'époque, en tant que reporter spécialisé dans la vie nocturne. Il considère cette évolution comme un rejet de la toute-puissance de l'influence américaine en Grande-Bretagne. « Les gens avaient soif de quelque chose de plus British. C'était une réaction à "l'indie indie". Seuls les idiots rejetaient en bloc le hip-hop, le grime, et la dance music. »

L'auteur pendant sa période new rave

Ma première rencontre avec la scène new rave a eu lieu grâce à un communiqué diffusé sur MySpace faisant la promotion d'une soirée dans un entrepôt abandonné. Lumières, lasers, fumée, pupilles dilatées : tout y était. Les DJs balançaient des vieux tubes, personne n'était là pour foutre la merde. La police nous a dégagés après 15 minutes, ce qui rendait la chose encore plus incroyable. Contrairement aux précédentes incarnations de la « culture jeune », il y avait l'idée implicite et partagée que tout était ridicule et destiné à tomber dans les oubliettes de l'histoire britannique.

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« Tout le monde savait pertinemment que c'était une blague, reconnaît Daryoush. Les Klaxons aimaient l'esprit rave mais l'idée de new rave était une blague. »

Malgré l'absurdité qui caractérisait ce mouvement, le terme de new rave a mis un certain temps à disparaître des écrans radar. Internet se souvient toujours de groupes comme Shitdisco et New Young Pony Club, et NME a organisé une tournée dans laquelle figuraient les Klaxons, CSS et The Sunshine Underground.

Des célébrités éphémères. Niyi et Namalee.

À mes yeux, cette scène était incarnée par des collectifs de jeunes DJs comme Teens of Thailand, Silvelink, Faggatronix, Cleft Palettes ou Str8 Necklin. Ces mecs ont cassé l'image du raver en maillot de corps blanc pour y insuffler un éclectisme anarchique – un mélange de grime, de chiptune, de house, de crunk et de casquettes à visière droite.

La new rave n'a jamais eu sa boîte de nuit emblématique. Elle battait son plein dans les clubs excentriques de l'est de Londres, avant de se déplacer dans des entrepôts désaffectés de Hackney, dans un style qui n'était pas sans rappeler Sodome et Gomorrhe – on y trouvait surtout des adolescents dévergondés versant des larmes emplies de paillettes et de kétamine.

À l'image des Nouveaux Romantiques, la new rave n'a jamais revendiqué un style musical spécifique – seul le look de ses adorateurs était reconnaissable entre mille. Les kids participaient de leur plein gré à une compétition amicale qui récompensait celui qui s'habillait de la manière la plus extravagante qui soit. Pendant un moment, je ne sortais plus sans un attirail vestimentaire très réfléchi : des Air Force 1 jaune-violet, un jean rouge acheté dans la section femme de H&M et une chemise de bûcheron.

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Il s'agissait de l'expérimentation adolescente à son extrémité la plus radicale, une manière de revendiquer son appartenance à une communauté. Pendant ses années new rave, l'un de mes amis portait une théière autour du cou. Aujourd'hui, il lui est difficile d'assumer cette décision.

Le look de l'époque

Le monde de la mode a fini par prendre conscience de l'ampleur du phénomène. Des couturiers comme Cassette Playa, Kim Jones, Nicola Formachetti et Gareth Pugh ont contribué à son internationalisation. « Ça peut paraître très étrange, mais les défilés parisiens de 2006 célébraient la new rave », se souvient Daryoush Haj-Nafaji.

Quelques mois plus tard, une version plus soft prenait le pas sur la radicalité des origines. H&M s'est mis à commercialiser des jeans colorés pour homme. Les looks extravagants des premiers mois avaient été adoptés par le plus grand nombre. Le sweat à capuche Cassette Playa avait remplacé l'uniforme à la sortie des collèges britanniques.

« Je me souviens des concerts des Klaxons à Liverpool et Coventry. Les gens copiaient leur look sur leur Myspace, se remémore Joe Daniel. Un autre moment clé a été le festival de Reading, en 2006. Les Klaxons jouaient sur une petite scène et la foule venue pour les acclamer était considérable. »

L'arrivée de la série Skins sur les écrans en 2007 a coïncidé avec le triomphe des clichés entourant la new rave. Les bracelets fluorescents et les fausses Wayfarers de couleur ont malheureusement pullulé.

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Malgré cela, il est évident que la new rave a ouvert la voie à pas mal de sons que l'on peut entendre un peu partout aujourd'hui. Il a permis à ma génération de se désintéresser des guitares et de se tourner vers les producteurs – prouvant à tout le monde que la house, la techno et la jungle ne sont pas réservées aux types qui portent des pantalons noirs et de l'after-shave Paco Rabanne.

Il a su s'inspirer de ce qui se passait dans la scène grime de l'époque. « Des soirées comme Troubled Minds promouvaient le grime alors que personne d'autre n'en voulait, précise Daryoush Haj-Nafaji. Il s'agissait d'un son futuriste – c'est pour cette raison que les gens l'appréciaient, d'autant plus qu'il n'existait pas de vraie musique "new rave". »

Le grime n'a pas été le seul genre assimilé par la new rave – la house, l'électro, le punk et la new wave ont trouvé leur place au sein du mouvement. À rebours des concerts d'indie rock des années précédentes, la scène new rave semblait plus ouverte. « Grâce à cela, la Grande-Bretagne a pu se défaire de son statut de vassal de New York », estime Haj-Nafaji.

Malgré l'absurdité inhérente au mouvement, malgré l'absence de considération pour le Beau, malgré sa vacuité, la new rave a permis à une génération de gamins de s'ouvrir à une nouvelle culture. Parce que personne ne savait vraiment de quoi il s'agissait, tout pouvait s'y rattacher.

Elle a ôté à la contre-culture ce sérieux qui la caractérisait depuis que les Strokes avaient décidé de faire la gueule et de jouer aux poètes maudits. C'est également grâce à elle que les gens se sont mis à ne plus utiliser des expressions comme « Albion ». D'une certaine manière, elle a posé les bases de la culture jeune que nous connaissons aujourd'hui – Skepta, les soirées illégales et, malheureusement, la kétamine. C'est comme si rien n'avait changé.

Clive est sur Twitter.