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Culture

Une brève histoire du sexe non simulé au cinéma

Une gentille affaire de pénis, de masturbation, de fellations et de cinéma. Bref, de l'art.
« Love », de Gaspar Noé. Photo : Benoît Débie.

Vous l'avez entendu partout, dans Love, le dernier film de Gaspar Noé, il y a pas mal de vraies scènes de sexe. Genre, non simulées. Certaines âmes un peu prudes en ont profité pour comparer le film à un Marc Dorcel travesti en démarche cinématographique « pseudo-artistique ». Aux États-Unis, ce genre de cinéma, français ou non, n'enthousiasme pas ; de fait, la plupart des films incluant des scènes de sexe avec des vraies pénétrations dedans viennent d'Europe occidentale.

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Appelez ça un biais culturel si vous voulez, mais il semblerait qu'un nombre important de réalisateurs européens ait montré des scènes de sexe explicite ces dernières années : on en retrouve dans Nymphomaniac, Chroniques sexuelles d'une famille d'aujourd'hui ou L'inconnu du lac, pour n'en nommer que quelques-uns. Ces longs-métrages ont même basé leur stratégie marketing là-dessus, en proposant des affiches exagérément suggestives ou carrément explicites.

Le truc, c'est que Love n'est pas du tout le premier film à montrer un pénis et un vagin entrant l'un dans l'autre à l'écran. Ici, j'ai tenté compilé une histoire des scènes les plus transgressives de l'histoire du cinéma, avec des orifices, des verges et des poils autour.

Un chant d'amour, moyen-métrage de Jean Genet réalisé en 1950, est l'un des plus vieux exemples du genre. Le film du grand écrivain français met en scène un gardien de prison sexuellement excité par le fait de mater un détenu en train de se masturber. Après une prise de bec avec ce dernier, le valeureux maton lui intime de sucer son flingue. Il a été interdit non seulement à cause de ses scènes explicites, mais aussi en vertu de l'homosexualité latente qui règne tout au long du film – et qui a posé pas mal de problèmes à pas mal de monde à l'époque. Après ce malencontreux épisode, Genet n'a plus jamais touché une caméra.

Au cours des dix années qui suivirent, d'autres films européens ont pris le relais : Venom (1966) au Danemark, Das Stundenhotel von St. Pauli (1970) en Allemagne de l'Ouest ou On nous appelle les mods (1968) en Suède. Ce dernier a échappé de justesse à la censure grâce à l'intervention expresse du ministre de l'éducation suédois. À l'époque, il faut dire que la Scandinavie avait le monopole du marché du film vénère, notamment avec des films tels que Zodiac (en sept parties tout de même), lequel a reçu le traitement habituel : quelques critiques dans les journaux nationaux et une censure totale dans les autres pays. En 1970, Jens Jørgen Thorsen a adapté à l'écran le livre de Henry Miller Jours tranquilles à Clichy avec une telle fidélité que les scènes de sexe pour le moins graphiques lui ont valu les foudres du pape Paul VI.

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En Amérique, c'est John Waters qu'il faut remercier pour avoir importé les scènes de fellations non simulées à la télévision. Pink Flamingos , en plus de faire de Divine un héros pour toute une génération, a été interdit dans des pays d'ordinaire assez open-minded tels que l'Australie, la Norvège et le Canada. Lorsqu'il a été remastérisé en 1997 pour son 25e anniversaire, le MPAA ( Motion Picture Association of America ) l'a interdit aux moins de 17 ans. Plus que le passage où Divine mange une merde fraîchement sortie d'un anus canin, ils se sont surtout plu à condamner le gros plan où le personnage suce la bite d'un homme : va savoir pourquoi.

Le premier film pourvoyeur de scènes de sexe non simulées demeure encore aujourd'hui l' Empire des sens, long-métrage japonais backé par une production française. Tout au long de sa carrière, le réalisateur Nagasi Oshima fut autant acclamé que controversé juste pour ce film, et surtout aux États-Unis. Niveau censure, le film fut donc interdit en Amérique, au Royaume-Uni, au Canada, au Portugal ainsi que dans son pays d'origine, le Japon. Malgré cela, le film figure aujourd'hui dans la très convoitée Criterion Collection, mais tout de mêmeavec la mention « ATTENTION : CE FILM EST SEXUELLEMENT EXPLICITE. »

On pense un peu moins à Caligula, dont les excès sont souvent évoqués pour les mauvaises raisons. Il s'agit sûrement de la plus grosse production de la liste – un budget initial de 17,5 millions de dollars, ce qui était déjà beaucoup en 1979 –, et qui fournit à des spectateurs médusés une orgie, elle-même dissimulée entre de nombreuses autres scènes de sexe.

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Al Pacino et William Friedkin ont rejoint le panthéon orgastiquo-filmique l'année suivante avec La Chasse, probablement le meilleur film du monde. Dans celui-ci, Pacino joue le rôle d'un flic infiltré dans la scène gay new-yorkaise afin de résoudre une enquête au sujet d'un serial killer homosexuel. La plupart des scènes explicitement sexuelles se déroulent toujours au second plan, mais sont impossibles à rater. Après ce film et Sorcerer, Friedkin a réussi l'exploit notable de se faire fustiger par les critiques et censeurs du monde entier , alors même que ces derniers avaient unanimement salué ses précédents films L'Exorciste et French Connection – lequel lui avait valu l'Oscar du meilleur réalisateur.

Cependant, aucun cinéaste n'est allé aussi loin que Vincent Gallo dans Brown Bunny qui, comme vous le savez sans doute, se termine par une scène où dans lequel il se fait allègrement tailler une pipe par Chloë Sevigny (qui se trouve être l'ex de Gallo dans la vraie vie). Le film a été démonté lors de sa présentation au Festival de Cannes en 2003. Roger Ebert, le critique de cinéma le plus célèbre des États-Unis, a dit de manière très péremptoire que le film était « le pire à avoir jamais été projeté à Cannes ». S'ensuivit le clash le plus déséquilibré intellectuellement de l'histoire du cinéma : Gallo a répondu en traitant le critique de « gros lard » ; Ebert a rétorqué en paraphrasant Winston Churchill ; Gallo a jeté un sort à l'anus d'Ebert ; celui-ci a affirmé que regarder une vidéo de sa propre coloscopie était sûrement plus intéressant que le film de Gallo. Victoire : possiblement Ebert.

D'où cette question : est-ce qu'une vraie scène de sexe apporte quoi que ce soit au film dans lequel elle est insérée ? En réalité, tout dépend du film. Starlet est sans doute le long-métrage qui s'en tire le mieux parmi ceux sortis récemment ; le film de Sean Baker, qui parle d'une actrice porno habitant la vallée de San Fernando, multiplie les scènes intelligemment éditées de ladite actrice en pleine action. Comme Von Trier avec Nymphomaniac, Baker n'a utilisé que des doublures pour ces scènes. On a parfois l'impression qu'elles sont justes fortuites, pas essentielles, et pourtant toutes contribuent activement à l'atmosphère sinistre du film. Il n'est jamais question de simplement « choquer ». Autrement dit : le sexe est là pour soutenir la narration, pas les caprices du réalisateur. Ce n'est pas le cas de tous les films cités ci-dessus.

Michael est sur Twitter.