Photo Toine devant son ordinateur myopathie
Tech

Comment la technologie m’ouvre au monde malgré ma myopathie

Atteint de myopathie, le quotidien de Toine (31 ans) est facilité par les progrès technologiques, mais c’est aussi à travers le gaming qu’il arrive à créer des liens.
Clara Montay
Brussels, BE

Parmi les 2,69 milliards de gamers du monde entier, il y a Toine (31 ans) atteint d’une maladie rare : la myopathie. Il y a plus de 600 types de myopathie dans le monde, et Toine est a malheureusement la plus grave. Ça se joue au niveau de l’ADN et des chromosomes et il ne produit plus de protéines qui permettent de régénérer les muscles, donc il les perd au fur et à mesure.

Publicité

Fan de jeux vidéo et de technologie en général depuis 20 ans, il est à l'affût des dernières nouveautés dans le domaine, notamment parce qu’il ne peut pas faire sans. Il est d’ailleurs la première personne en Belgique à avoir installé Google Home chez lui, et aussi à utiliser un bras électronique.

VICE a rencontré Toine pour comprendre comment la technologie l’occupe et l'ouvre au monde extérieur. 

VICE : T’es atteint de myopathie depuis tout petit. Tu peux nous en dire plus sur cette maladie et ce qu’elle implique pour toi ? 
Toine :
J’ai la myopathie de Duchenne. En gros, les muscles et les organes ne fonctionnent plus comme il faut. C’est une maladie évolutive. Au début, t’as un peu de force. Je savais d’ailleurs marcher jusqu’à mes 7 ans.

Ça implique beaucoup de difficultés dans la vie de tous les jours, mais j’essaye de positiver et de toujours avoir l’esprit occupé. Je me fixe des objectifs chaque jour, même de tout petits, comme jouer à un jeu vidéo. Ça me permet de penser à autre chose et de relativiser.

« Grâce à ce bras, je peux me gratter quand ça me chatouille, ouvrir des portes et prendre ma souris. C’est devenu une extension de moi. »

Publicité

Tu vis de manière indépendante ?
Je suis tout le temps chez moi, devant mon ordinateur. J’ai la chance de vivre encore avec mes parents et ma maman s’occupe beaucoup de moi. Des potes passent de temps en temps, mais c’est plus le cas pour l’instant. 

J’ai une machine respiratoire la nuit comme le jour. En journée, c’est un fil dans ma bouche, et la nuit c’est un masque sur mon nez. J’ai aussi une machine alimentaire pour me nourrir via une sonde parce que je ne peux plus avaler et j’en ai une autre pour aspirer ma salive.

T’es la première personne à être équipée d’un bras électronique en Belgique. Comment ça s’est mis en place ?
J’ai eu le bras en 2013. J’avais vu qu’il était fabriqué au Québec et j’ai envoyé un e-mail à la société Kinova pour demander de faire un essai. Ça a tout de suite été accepté et une société belge est ensuite venue faire un essai que j’ai filmé

Bon, après, quand j’ai appris qu’il coûtait 30 000 euros, je me suis dit que ça allait être compliqué donc j’ai tenté le crowdfunding. J’ai demandé à un Youtubeur que je connaissais d’en parler à sa communauté et il a publié une vidéo qui a eu 30 000 vues en deux minutes. Même les journaux et la télé m’ont contacté. Tous les jours, je recevais des dons – dont un de 4 000 euros. Finalement, j’ai eu l’argent en trois mois. J’ai eu beaucoup de chance parce que rien n’est remboursé ; ce genre de technologie, c’est considéré comme du luxe. 

Publicité

Grâce à ce bras, je peux me gratter quand ça me chatouille, ouvrir des portes et prendre ma souris. J’ai voulu m’en passer quand j’ai eu ma nouvelle chaise électronique, mais je n’ai pas pu. C’est devenu une extension de moi. 

« Le jeu me permet de m’évader et de passer à autre chose.  »

Tu t’es débrouillé pour avoir Google Home chez toi avant même que ce ne soit dispo en Belgique. Ça t’aide comment au quotidien ? 
Je suis avec beaucoup d’attention tout ce qui touche à la technologie donc je l’attendais avec impatience. C’est vraiment un super outil. Je peux allumer la lumière, mon petit chauffage et être connecté avec mes écrans.

T’es aussi passionné de jeux vidéo. Depuis quand ?
J’ai commencé les jeux vidéo quand j’avais 10 ans. À ce moment-là, je savais encore utiliser la manette et jouer normalement. En fait, le jeu me permet de m’évader et de passer à autre chose. J’aime le fait que chaque jeu soit unique ; il y a quelque chose d’artistique derrière. Quand je joue, j’oublie tout le reste. C’est vraiment comme si tu rentrais dans un monde avec d’autres gens. C’est génial et c’est ce que je voulais partager sur Internet avec mes vidéos.

T’es bien équipé ? 
Bien sûr. Pour les vidéos, j’ai une caméra, un micro, des lumières, et trois écrans devant moi. Si je fais une vidéo sur Internet, je vois les gens qui discutent sur mon écran de gauche, le jeu sur celui du milieu, et l’interface avec la qualité de la vidéo et les notifications sur celui du dessus. Je mets tous mes programmes qui me permettent de jouer et j’ai un retour visuel sur les touches sur lesquelles j'appuie. 

Publicité

T’as pas peur de t’enfermer dans ce monde virtuel ?
Au contraire, grâce aux technologies, j’ai pas l’impression d’être enfermé chez moi car je parle tous les jours avec des gens. Par exemple, je regarde beaucoup de vidéos d’Ici Japon – c’est un mec qui voyage et t’emmène avec lui. La technologie m’aide et j’ai beaucoup appris grâce à mes ordinateurs. En fait, elle m’est indispensable. Sans elle, je resterais devant ma fenêtre sans rien faire. Je suis sur mon ordinateur du matin au soir. J’ai que ça comme activité mais ça me permet tellement de choses.

Par contre, c’est vrai que les algorithmes de YouTube, Twitter ou Facebook font en sorte que tu t’enfermes dans des trucs que t’aimes et tu ne découvres jamais rien. Il faut apprendre à sortir de cette bulle même si c’est difficile. 

« La technologie m’est indispensable. Sans elle, je resterais devant ma fenêtre sans rien faire. »

Tu peux nous parler des vidéos que tu partages sur Youtube et sur Twitch ? 
Avant le Covid, j’avais un copain qui venait tous les dimanches et on testait les nouveautés des jeux vidéo qui nous intéressaient. Perso, je joue surtout aux jeux de gestion de stratégie et mon ami jouait à des jeux auxquels je ne savais pas jouer.

Publicité

Je suis sur Twitch depuis deux ans et c’est super. Les gens viennent, parlent, et même si je sais que certain·es ne restent pas parce que le handicap peut les déranger ou être pénible, je leur dis que je suis heureux. Certain·es franchissent cette barrière du handicap et discutent avec moi normalement. Avant, je faisais des vidéos sans mettre ma caméra et les gens m’insultaient et me disaient qu’on ne comprenait rien quand je parlais car ils n’étaient pas au courant de mon handicap. J’avais beaucoup de messages négatifs. Depuis que j’ai mis la caméra, les gens me voient et savent à qui iels ont affaire.

« Avant, je faisais des vidéos sans ma caméra et les gens m’insultaient et me disaient qu’on ne comprenait rien quand je parlais car ils n’étaient pas au courant de mon handicap. »

Y’a tout de même des jeux auxquels tu ne peux pas jouer ? 
La plupart des jeux auxquels je ne sais pas jouer sont des jeux de combat et d’aventure. En fait, j’ai du mal à faire des combinaisons de touches. Moins y’a de touches, mieux je m’en sors. Jouer à Call Of Duty par exemple, c’est très difficile parce qu’il faut être extrêmement réactif. 

Mais vu que je n’arrive  plus à utiliser de manettes, j’ai trouvé des systèmes. J’ai un contacteur accroché à droite de ma tête qui me permet d’assigner des touches. Je bouge une fois, c’est une touche, deux fois, c’est deux touches. Je dépends de la technologie, mais je me débrouille aussi tout seul.

Vous pouvez suivre Toine sur son compte Twitch et sur sa chaîne Youtube

VICE Belgique est sur Instagram et Facebook. VICE France est aussi sur Twitter, Instagram, Facebook et sur Flipboard.