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Vice Blog

Comment survivre à Paris avec un salaire de stagiaire

Bières de clochard, mutuelle des fraudeurs et foyers pour jeunes travailleurs : un guide pour bien dépenser votre paie dérisoire.

« Putain, j'ai plus une thune, et on n'est même pas au milieu du mois. »

« Non, merci les gars, je ne vais pas venir avec vous. De toute façon j'ai mon tupperware de pâtes au beurre au frigo. »

Ça doit être les phrases que j'ai le plus prononcées au cours de ces trois derniers mois – en regardant mon solde bancaire ou lorsqu'on me propose d'aller déjeuner dans un restaurant. Ça fait trois mois que je suis stagiaire à Paris et que je dois adapter mon style de vie en conséquence. En France, lorsqu'un organisme accueille un stagiaire pour une période de plus de deux mois (44 jours), elle est forcée par l'article L612-11 du Code de l'éducation, de le rémunérer. Pour les stagiaires dont les conventions ont été signées avant septembre 2015, la rémunération minimum s'élève à 3,60 € par heure. Pour les autres – comme moi – elle reste à 3,30 € par heure, une somme presque négligeable quand on doit se loger, se nourrir et se déplacer dans une métropole comme Paris.

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C'est vrai que toucher un « salaire » avoisinant les 500 € mensuels, dans la quatrième ville la plus chère au monde où les gens vivent en moyenne avec 3 072 € nets, ça laisse perplexe. Mais bon, si des vieux sextagénaires en costumes trois pièces qui vivent dans des appartements luxueux en bord de Seine estiment que n'importe qui peut subvenir à ses besoins avec une telle somme, je veux bien les croire. Certes, je survis plutôt bien, mais c'est uniquement parce que j'ai mis mon éthique de côté et que j'ai la chance d'avoir un pied à terre et des potes prêts à m'aider – ce qui n'est pas le cas de tous. J'ai sollicité du monde, à droite à gauche, pour savoir s'ils avaient des astuces de crevard pour survivre dans une ville comme Paris, et voici ce qu'ils m'ont dit. Certes, peu scrupuleuses, dîtes-vous bien qu'elles sont provisoires, le temps de décrocher un emploi stable, ou d'être éligible aux différents types d'aides offertes par l'État.

LOGEMENT

Il y a un dicton qui dit « entre boire et conduire, il faut choisir ». Mon dicton à moi, et à un tas d'autres stagiaires, c'est quelque chose du genre « entre manger et dormir, il faut choisir. » En naviguant à travers les annonces de sous-location sur leboncoin.fr, Appartager et Facebook, vous comprendrez rapidement que « sous-louer » rime aussi avec « ne pas manger ». Ça vous arrivera de voir l'annonce parfaite quelque part, mais en répondant, vous vous rendrez compte que le type que vous avez contacté à autre chose à foutre que de répondre « désolé mais j'ai déjà trouvé quelqu'un » à 50 autres gars comme vous.

Vos rêves sont destinés à se briser entre l'annonce d'un type proposant une chambre contre « services » et un 5m carré à 500 € par mois. Mieux vaut se rendre à l'évidence : vous n'aurez jamais assez d'argent pour vivre. À moins d'être prêt à vous faire troncher par des pervers pour pouvoir dormir, il n'y a pas d'autres solutions que de se renseigner sur les logements en foyer jeune travailleur, qui vous coûteront environ 400 € par mois.

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Sinon, vous pouvez faire comme moi ; si vous avez quelques potes et un peu de famille sur Paris prêts à vous héberger quelques semaines « le temps de trouver un truc », n'hésitez pas – même si, franchement, on sait tous que le jour où vous trouverez ce truc en question n'arrivera jamais. Il ne reste plus qu'à laisser entendre que vous continuez à chercher en espérant qu'ils ne s'en rendent pas compte et qu'ils s'habituent à vous à tel point qu'ils finissent par vous confondre avec le motif en damier de leur canapé.

Photo via Flickr

NOURRITURE

Il existe deux moyens d'obtenir de la bouffe gratos : le glanage alimentaire et le freeganisme. Un geste contre le gaspillage, un autre pour votre estomac : le glanage est une ancienne technique agricole qui a évolué au fil du temps. Aujourd'hui, elle englobe tout un tas de choses – cueillir des pommes à Brocéliande, faire la fin des marchés ou récupérer des saucisses dans les poubelles d'un Monoprix. Le freeganisme est plus politique – à éviter si vous n'y connaissez rien, donc.

Il fut un temps où Steve Jobs – la plus grande success story de crevarditude au monde – galérait en Inde et [comptait sur les repas offerts par les temples Hare Krishna](https://books.google.fr/books?id=swsZuHxsJDwC&pg=PT50&dq=steve+jobs+hare+krishna+repas+gratuit&hl=en&sa=X&ved=0CCAQ6AEwAGoVChMI15fZpIL3yAIVgzgaCh37kACz#v=onepage&q=steve jobs hare krishna repas gratuit&f=false) pour survivre. Ici, comme en Inde, la bonté existe : certains restaurants proposent des plats gratuits pour l'achat d'une simple bière, du mercredi au samedi. Une amie a misé sa survie en période de stage grâce à ça. Le reste de la semaine, si vous en avez marre de manger des pâtes, allez au McDo, attrapez un reçu qui traîne, allez à la caisse et dites au type boutonneux qui vous sert qu'il a oublié votre sandwich ou vos frites. Ça marche souvent, parce que les gens qui travaillent au McDo n'en ont rien à foutre de votre sandwich et qu'il n'y a rien qui les terrifie plus qu'une situation stressante à une heure de pointe.

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DROGUES

Les dealers sont des rats, ou bien des types normaux qui agissent comme des rats. La drogue, ce n'est pas n'importe quoi, c'est ce qui réveille nos plus grandes qualités humaines : on ne la partage pas avec n'importe qui, mais on la partage. La seule manière d'avoir des drogues gratos, c'est d'être soi-même dealer, ou d'avoir un pote drogué – mais pas trop, sinon il ne voudra pas partager. Si vous avez de la chance, votre dealer vous fera un prix en cette période où l'offre a dépassé la demande sur le marché de l'ecstasy ; ou vous connaissez peut-être un mec qui fait pousser dans son grenier, pour sa « conso perso », d'ailleurs, ce type n'est pas à trois têtes près.

Sinon, rendez-vous chez vos potes qui fument régulièrement. S'il y a bien un truc que les gens n'aiment pas fumer seuls – au risque d'avoir à faire face à leur addiction –, c'est bien la weed. Allez-y, foncez ! Prenez garde : si, dans un moment de lucidité et de mélancolie ils vous demandent si vous pensez qu'ils sont accros, c'est une question piège – un peu comme quand votre meuf vous demande si vous pensez qu'elle a grossi. Rassurez-les, et dites-leur qu'ils ne sont pas plus toxicomanes que vous – même si, à la différence d'eux, vous n'achetez jamais.

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BOISSON ET ALCOOL

On avait déjà testé pour vous les bières de clochard, lesquelles peuvent s'avérer une alternative cheap pour se bourrer la gueule. En bon crevard, vous apprendrez à développer l'instinct de se diriger vers les endroits où les boissons et la bouffe sont gratos : pensez vernissage pour une coupe de champagne ; réunion des AA pour votre dose quotidienne de café ; don du sang pour un petit jus de fruits ; course à pied pour une boisson énergisante. Certes, il faut donner un peu de sa personne – que ce soit en admirant des œuvres de merde auxquelles vous ne comprenez rienen écoutant des types parler de leurs problèmes d'alcool, en donnant un peu de votre sang ou de votre sueur – mais c'est toujours un échange plus humain que celui que la société vous impose avec ses pièces et billets.

Contrairement à l'idée que les films hollywoodiens véhiculent, les machines sont loin d'être intelligentes. À vrai dire, à part servir un dessein ultralibéral et nous déconnecter un peu plus les uns des autres en allant faire nos courses, je n'ai jamais compris à quoi elles servaient, si ce n'est à nous améliorer la vie en nous faisant profiter du système qui les a créées. Un type à casquette l'a compris et vous l'explique sur YouTube.

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Il existe aussi une technique pour boire gratuitement dans les bars, qui exige pas mal de furtivité. En gros, démerdez-vous pour trouver une bière – quitte à l'acheter – et buvez-en les deux tiers. Repérez un type à qui il reste une moitié, et échangez votre bière discrètement. Buvez jusqu'à ce qu'il reste un tiers et recommencez l'opération avec d'autres verres à l'infini.

S'HABILLER

On a quand même la chance de vivre à une époque où être cool, c'est n'en avoir rien à foutre. Par là, j'entends aussi n'en avoir rien à foutre des vêtements. Si vous aviez déjà fini votre croissance à la fin des années 1990, ressortez vos vieilles Reebook et survêtements Sergio Tacchini, les gens qui sont « cool » aujourd'hui penseront que vous êtes branchés au lieu de pauvre. Sinon, il y a toujours les magasins où tout est gratuit, les vide-greniers, les friperies et l'Armée du salut. Si vous êtes du genre patient, vous pouvez également repérer un vêtement dans la boutique de votre choix et attendre qu'une personne plus riche que vous le revende sur un site type eBay ou leboncoin.

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TRANSPORT

TRAIN : Il existe une légende urbaine qui veut que, si vous comptez voyager avec la SNCF, réservez le billet du train à la même heure le mois suivant que le train que vous souhaitez prendre – il aura le même numéro de trajet. Si vous ne vous faites pas contrôler, réimprimez le billet et allez-vous faire rembourser. Si un monsieur à casquette vient vous voir, il regardera, en règle générale, uniquement le numéro de train. S'il grille quelque chose, prétextez une erreur de la part du guichetier, votre état de fatigue ou tout ce qui peut fonctionner. MÉTRO : Savez-vous qu'il existe une mutuelle des fraudeurs ? En lisant cet article, vous comprendrez en quoi elle peut vous être utile. Sinon, un type a compilé plein de données pour que vous puissiez frauder en toute sûreté. Il existe aussi des comptes Twitter live qui vous signalent où se trouvent les contrôleurs. BUS : Où que vous soyez dans les transports en commun, n'oubliez pas la règle d'or du fraudeur : toujours avoir un ticket vierge sur soi, ça peut s'avérer utile pour donner de la chair à ce gros mensonge en train de germer en vous à la vue de cet uniforme vert foncé. VOYAGES : Avec le développement d'Internet est apparu le Travel Hacking, ou comment hacker des billets d'avion – des types se lancent même des compétitions pour savoir lequel d'entre eux voyage le plus gratuitement.

LES PARENTS

Vous n'avez plus 18 ans, vos parents ne sont plus votre source de revenu numéro une. Vous allez devoir vous bouger pour gagner votre propre thune – au moins le temps que vous soyez éligible aux allocations-chômage. Cependant, si vos parents vous aiment, faites-leur savoir qu'à la fin de chaque mois, vous n'avez plus assez de sous pour faire vos courses et ils vous aideront s'ils le peuvent. Attention, cette technique – qui n'en est pas vraiment une – n'est à utiliser qu'en dernier recours. Si votre conscience morale et votre relation parent enfant ne vous gênent absolument pas pour l'utiliser fréquemment, vous n'avez rien à faire ici.

CHERCHER UN BOULOT

Il existe énormément de boulots qui ne servent à rien, et qui portent tous le même nom – en général ce sont ceux dont le nom n'évoque pas une activité particulière, et dont les termes anglicisés les rendent encore plus ambigus : « digital », « office » ou « manager ». Le mien s'appelait « PR marketing assistant » et consistait à écrire sur mon université pendant 30 minutes et faire défiler mon fil d'actualité Twitter pendant 8 heures. Au final, ça a failli me rendre fou, mais au moins je me faisais 11€ de l'heure – soit le triple de ma paie de stagiaire. Ces métiers se développent à une vitesse phénoménale, un peu comme tout ce qui touche à Internet, alors profitez-en tant que cette vaste mascarade continue. Bon courage à tous !

Robin est sur Twitter.