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LE NUMÉRO HOLLYWOOD

Music Reviews

Meilleur album : Inner Tube - Pire album : Nicki Minaj

INNER TUBE

NICKI MINAJ

DIGITAL LEATHER

ADDISON GROOVE

Cette p’tite meuf qui s’intéresse à rien est tellement irritante que j’ai l’impression de redevenir moi deux ans en arrière quand je
détestais les gens pour de bonnes raisons. Je peux pas la blairer. Tentative d’explication : 1. Elle me fait penser à ces teacher’s pets horribles du lycée qui sortaient avec des gros jocks fans de Fat Joe et de ce morceau des Beatnuts ridicule avec la flûte de pan. 2. Elle fait chier avec son Girl Power, on n’est plus sous Jospin. 3. Elle est même pas bonne. Puis bon, y’a d’autres arguments plus contestables comme le fait qu’elle ressemble à un hippocampe ou qu’elle est probablement atteinte d’une MST numérique, mais enfin, on s’en fout, on l’emmerde. Dommage parce que son morceau avec 2 Chainz est vraiment pas mal, pour peu qu’on aime les clips HD avec 6 milliards de couleurs et pas une bonne idée. KELLY SLAUGHTER

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KING LOUIE

The Motion Picture Mixtape

Lawless Inc.

Bon trap rap de la cuisine, antirévolutionnaire, anti-progrès, réactionnaire jusqu’à la moindre référence, binaire, contre le fun, contre les filles, contre vous et qui n’a d’autre ambition que de tourner très fort dans une caisse volée immatriculée Chicago, Illinois. C’est le disque qui parle pour toutes les tapes de rap pétées qui sortent chaque jour et que personne n’aura jamais le courage d’écouter. Une ode au travail bien fait/mal fait, au travail tout court, au hustle de proximité qui rapporte 7 dollars l’heure TTC et qui distrait les charbonneurs entre deux canettes de Snapple cassis. Merci à King Louie pour cette ontologie du vrai rap de prolo, pour ceux qui font des fautes sur les murs et qui téléchargent sur Dat Piff. JIMMY MORE HELL

THEESATISFACTION

Awe Naturale

Sub Pop

Qui aurait cru qu’un jour j’accepterais dans ma vie l’intrusion d’un duo de femmes fortes en provenance d’un magasin Benetton ou d’une franchise Starbucks ou même des pages du pire Télérama Mademoiselle de l’année 1997 ? Pas moi, mais qui je suis, « moi », à part un bloc de déni chronique rempli de ressentiment et de dédain et de plein d’autres trucs qui poussent certains types à acheter beaucoup de vin ? Puis c’est pas si mal, en fait, une musique qui sert à rejouer dans votre tête ce moment où vous vous apprêtez à rentrer dans un bain ou dans une secte afrocentriste. THEE INSATISFACTION

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C’est presque toujours désagréable d’écouter des albums de producteurs de dance londonienne puisque l’épreuve du long format nous rappelle négativement que ces types ne sortent des bons tracks que deux ou trois fois par an maximum et par hasard, et que le reste du temps ils s’arc-boutent sur leur petit formalisme pro-technologique complètement insupportable, instaurant un dialogue minable entre machines et ingénieurs, encore plus relou qu’une discussion entre adeptes de « Final » et « After ». Et contrairement à leurs homologues de l’IDM, ils n’assument pas vraiment leur identité de nerds frigides et pensent noyer le poisson en invitant Spank Rock à dire « fuck bitch » sur deux morceaux. Bref : ciao bambino. SKUNK À NANCY

BLONDES
Blondes (Remixes)
RVNG Intl.

Leur album sorti l’an dernier était trop poseur, mais heureusement les mecs de Blondes sont meilleurs pour se faire remixer – en l’occurrence ici par JD Twitch d’Optimo, Traxx, Laurel Halo ou John Roberts – que pour faire des bons morceaux et, sans blaguer, j’aurais limite pu écrire gratuitement la press release en employant des expressions comme « the finest in solipsistic dance music », « eerie non-descript grooves », ou « an introduction to Fifth World kinetics ». J’ai même cru à un moment que Teenage Bad Girl avait réalisé le premier bon track de leur vie mais en fait non, c’était Teengirl Fantasy ! Bref, disque de l’été, mais de l’été dernier à Paris, avec pluie, humidité, pas de lumière, et ciel blanc de 7 à 22 heures. HAROUN TAZÉ

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CLARK
Iradelphic
Warp

Trop mignon le nouveau Clark, toujours aussi branché par l’horizontalité, le fétichisme analogique et parfois la confusion stylistique pétée, du genre à « partir en dubstep » au milieu d’une banale méditation sous-Aphex, ou à ramener une chanteuse de pub pour le café au milieu d’un disque par ailleurs pas du tout canapé cuir, ou encore à bien insister sur des mélodies emo en la majeur à potentiel Skins mais vrillées de l’intérieur par un vilain petit sorcier. Bon après, ne nous énervons pas, le gars sample des trucs super bien, et ça donne par exemple envie d’aller trier les centaines de giga d’acid folk anglaise chopés sur Mutant Sounds sans jamais les avoir écoutés. KHMER TERESA

LAZER SWORD

Memory

MonkeyTown

J’aime moyen cette branche de la nouvelle dance music qui cherche à faire des trucs avec trois bouts d’idée et des restes de bass. Ça commence OK – OK dans un rayonnement d’acceptation assez large, genre le OK universel – mais après je sais pas, quand on a compris le petit jeu, les signifiants, et qu’on vient de s’enfiler trois Suchard goût noix de pécan, on trouve ça un peu fade, un peu yaourt brassé goût nature, le genre de vibration qu’on ressent devant une chatte rasée ou en matant les infos. Y’a un morceau pas mal avec Jimmy Edgar qui souffle dans un tuba digital, mais le reste ça ressemble trop à un week-end dans le cerveau de SoundCloud pour que j’en aie quelque chose à foutre. JIMMY MORE HELL

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CHROMATICS

Kill For Love

Italians Do It Better

Bravo à vous les rates, vous vous bonifiez avec le temps ! C’est votre quatrième album, le premier que j’écoute pour de vrai, et j’ai l’impression qu’il s’est passé des trucs pour vous depuis l’époque où tout allait bien. Vous avez sans doute perdu quelques bulles de sérotonine, chopé un job nul, votre copain est parti pour toujours (au Bottle Shop), vous avez écouté The Jesus and Mary Chain et peut-être même que vous avez ouvert un bouquin. Chapeau. C’est dommage que ça arrive trop tard, pile à ce moment où j’ai juste envie d’écouter Rohff et de porter du Reebok Classic mais pour une fois on était à deux doigts de se parler pour de vrai. BROMANTICS

DYLAN ETTINGER

Lifetime of Romance

Not Not Fun

OK, Dylan, maintenant tu t’intéresses à la minimal wave spéciale « règles douloureuses à Berlin Est », c’est cool, je comprends, t’as déjà donné entre autres dans le Jan Hammer et dans la kosmiche et tout le monde t’encourage à poursuivre ton exploration de la fabuleuse histoire de la musique bis, on est avec toi à 100 %. Suggestions pour tes futures cassettes : la salsa prog genre Ray Barretto et Eddie Palmieri, le son Madchester à la fin, le jazz fusion France Info la nuit, voire en poussant un peu la proto-lounge franco-belge. ÉTIENNE MINOU

THE MEN

Open Your Heart

Sacred Bones

DIGITAL LEATHER

Modern Problems

FDH

J’en ai ma claque de l’éclectisme rigoureux du label Sacred Bones, les des Esseintes austères de l’underground new-yorkais qui se piquent de sélectionner le meilleur de toutes les marges dans une entreprise de perpétuel décentrement aussi vaine que des Américains qui aiment le vin et des Français qui aiment le hardcore, une démarche dont font les frais ces types bien moins « The Men » que « The Bros » qui voulaient juste jouer des covers de leurs groupes préférés. Alors qu’on ne s’y trompe pas : ce smiley va au pub rock, au rock FM et au rock de stade, aux guitares, au steak de bœuf et à la classe moyenne. Tenez bon.

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LORÀNT DEUTSCHBAG

Les mecs du garage sont lourds quand ils sont pris dans une dynamique sociale qui culmine dans des dessins de bites et des plaies ouvertes mais, à l’instar du film

L’Amour extra large

où une obèse découvre la beauté intérieure de Jack Black, ils peuvent aussi se révéler des têtes de viande au cœur de sucre qui composent seuls avec leurs gros doigts les petites chansons les plus touchantes que l’expression « electro punk » autorise à imaginer.

AUTISTE REDDING

KETAMINES

Spaced Out LP

Southpaw

Ces types sont sur le radar depuis qu’ils ont reçu un 7 de Pitchfork dans un article qui note que leur nom évoque la drogue mais qu’ils font pourtant des chansons organisées, avec un refrain ET des couplets. Je me vois donc forcé de suspendre exceptionnellement ma promotion aveugle du garage attardé pour retirer l’épée de la raison de son enclume de marbre, et invoquer la grande voix qui tombe du ciel en tonnant : « DESOLE, MAIS FAVT PAS POVSSER. » EMMANUEL RANT

PRINCIPLES OF GEOMETRY
Burn the Land & Boil the Oceans
Tigersushi

Je chronique ce disque pour des raisons essentiellement liées au trouble que j’éprouve depuis quelques mois en pensant à l’orageuse brune qui s’occupe de la promo chez Tigersushi mais il se trouve que justement, cet album semble lui-même produire sur moi un trouble comparable, quoique pas tout le temps non plus, j’avoue. La plupart des morceaux vocaux, majoritaires et un peu trop terrestres, offrent par défaut une lumière éclatante aux quelques plages instrumentales, qui concentrent effets miraculeux de surgissement mélancolique et sensualité mortifère, solennelle, presque noyée sous les glaces. Ces instrus font partie de cette catégorie de musique anonyme cool, de muzak d’auteur qui fait semblant d’avoir de la consistance pour mieux venir s’incruster dans la mémoire, et je pense que je n’écouterai plus que ce genre de choses d’ici deux ou trois ans, donc tant mieux. MICHEL FUGACE

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YOUNG PRISMS

In Between

Kanine

C’est facile de se foutre des filles de votre village qui ont arrêté l’école pour suivre un type de dix ans leur aîné qui faisait l’armée et de la moto, mais vous vous croyez plus malins à arrêter l’école d’art pour prendre un job « temporaire » de vendeur en attendant de devenir My Bloody Valentine parce qu’Internet vous a dit qu’il aimait votre premier album ? C’est votre problème si vous l’avez cru. LINKEDIN PARK

BOY FRIEND

Egyptian Wrinkle

Hell, Yes!

En découvrant ce groupe, j’étais déjà en train de débuter une tirade contre les duos qui chantent leur carence en fer quand je me trouvai soudain en chute libre dans une forêt de pins que traversait le son d’un tambour étouffé par les nuages de coton qui ralentissaient ma descente au gré d’un mantra hypnotique exécuté avec le mode « chants d’oiseaux » d’un synthé Roland, sans égard pour les notions de structure et de tonus chères à la jeunesse de droite. De ce moment qui dura peut-être des mois, mes souvenirs et mon regard sont restés flous ; mais depuis, je recherche inlassablement la clé d’un monde caché où Audrey Horne danse à l’infini sous l’orage d’été d’une vidéo YouTube de relaxation. UN AMOUR DE SWAG

LOTUS PLAZA

Spooky Action at a Distance

Dead Oceans

Je suis quelqu’un d’hyper influençable, du coup je suis toujours absolument d’accord avec l’auteur que je suis en train de lire. C’est pour ça que l’an dernier, quand je devais travailler sur Montaigne, je trouvais qu’il avait raison de dire qu’il faudrait apprendre aux enfants à faire le mal pour qu’ensuite ce soit par choix, et non par défaut, qu’ils se décident à faire le bien. Mais en écoutant ce disque, je me suis rendu compte qu’il y a des gens à l’esprit desquels n’est jamais venue l’idée qu’on vit dans un monde dans lequel il est possible de tromper sa copine, et j’ai réalisé que c’était avec ces gens-là que j’avais envie de boire des bières à la Maroquinerie, et j’ai compris qu’en fait j’en avais rien à branler des conseils pédagogiques impertinents d’un juriste chauve au relativisme autoritaire et à la barbichette pourrie.

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QUINOA REEVES

SÉBASTIEN TELLIER

My God Is Blue

Records Makers

Au-delà du fait de n’avoir sorti que des disques bien et d’être le seul truc pertinent à s’être extirpé du pays France ces dix dernières années, la vraie réussite de Tellier tient surtout au fait d’avoir – plus que Air, plus que Phoenix, plus que Versailles même – continué inexorablement son destin français aussi bien ici qu’ailleurs, quitte à s’autoparodier, quitte à ce qu’on le traite de con, quitte à tout rater – et quitte à s’en foutre. Le chemin est toujours plus ou moins le même pour un tempérament français ; une longue allée peuplée de surréalisme un peu pourri, de références appuyées à Polnareff et Christophe, de trucs hyper loupés (cette affaire de Pépito bleu, là) et de moments parfaitement géniaux où l’on embrasse sans gêne notre longue hérédité de pineurs sublimes. Regarder la France réussir un truc, c’est la meilleure montée de coke de votre vie plus la plus belle déclaration de guerre à la modestie jamais signée. JULIEN MOREL

LAKE RADIO

Drean House

Endless Field Studio

Quand j’étais petit j’étais un peu imbuvable, du coup je voulais tout le temps que ma mère me lise un livre pour enfants sur la mythologie, ce qui fait qu’un jour, quand j’avais 4 ans, j’ai employé le mot métamorphose en public. Comme ça a fait rire tout le monde, et que j’étais déjà hyper capricieux, je suis monté sur mes grands chevaux vexés et j’ai décidé que j’allais préférer les mots aux gens. Ce qui montre bien la façon dont le hasard et l’arbitraire régissent nos réactions et décident de nos vies, parce que si à cette époque j’avais déjà eu l’occasion de voir la chillwave se métamorphoser en trip-hop, moi aussi je me serais sûrement marré – et vous vous seriez sans doute un peu moins fait chier au lycée. JEAN-PAUL SARTRE

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TOPS

Tender Opposites

Arbutus/Atelier Ciseaux

C’est dommage, les premières chansons me promettaient une immersion silky smooth dans un univers lush et groovy peuplé de cheesecakes, de cours d’aérobic animés par Ariel Pink et de documentaires sur les dauphins jusqu’à ce qu’un rideau de velours sonique plus fin que les autres ne révèle le visage de cette rate de Montréal et que je m’aperçoive avec horreur qu’elle était, en réalité, Of Montreal. LAURENT DE LA HOUSE

GRAHAM COXON

I Love You, It's Cool

Dead Oceans

OK cet album est un peu désordonné, et on n’est jamais vraiment à l’abri d’y voir surgir des saxophones, mais bon, dans la mesure où je suis déjà dans la seconde moitié de ma vingtaine, et que j’ai toujours rien accompli de comparable à « avoir monté le groupe Blur », je crois que pour cette fois je vais passer mon tour, vu que visiblement, il n’y a qu’à ça que je suis bon.

HUBERT MENSCH

INNER TUBE

S/T

Experimedia

Inner Tube c’est le projet drone-surf de Mark McGuire d’Emeralds et Spencer Clarke des Skaters, et comme ces mecs ont pour projet de coloniser le mot projet afin d’en faire une voiture-bélier et de la lancer sur l’ambassade de la Communication à la vitesse incendiaire d’un retour d’expérience rédempteur, leur projet consiste essentiellement à mettre en regard des boucles de guitare répétitives qui ressemblent à des vagues avec des mélodies mélancoliques qui ressemblent à des rêves : c’est incroyablement bien, comme si la Nouvelle-Zélande était enfin passée sous le contrôle d’Internet, ou comme si les Feelies ressuscitaient pour monter un groupe avec Rangers et qu’ils décidaient de rajouter Michael Jordan aux synthés pour que plus personne ne puisse douter que c’est bien de la Dream Team qu’il s’agit. SLAVOJ ZIZOU

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JULIA HOLTER

Ektasis

RVNG Intl.

Je sais plus trop où on en est des travaux de groupe censés préparer les lycéens à leur entrée dans le monde sans pitié et sans perspective des études supérieures mais, face à cette déferlante d’harmoniques pompeuses et d’orchestrations grandiloquentes ponctuées d’hyperboles chorales du baroque le plus outré, je crois quand même avoir compris que pour les bacheliers des années Luc Chatel, la modernité, c’est souvent faire un scandale de ce qui aurait dû rester un secret, et parfois même faire un disque de ce qui aurait dû rester un TPE. HUBERT MENSCH

PANABRITE

Soft Terminal

Digitalis Recordings

J’allais écrire que je pensais au vieillissement en regardant les eaux de ces marais synth-prog stagner, et que j’avais l’impression d’y être prisonnier comme dans les dimensions restreintes d’un jeu vidéo qui ne commencerait jamais, et c’est à ce moment-là que j’ai compris qu’en fait j’avais toujours voulu jouer à ce jeu : je crois qu’en y épuisant des heures gratuites à attendre un événement que je saurais ne jamais devoir advenir, et en y soupesant des minutes désertes auxquelles l’absence d’échéance ôterait toute pesanteur, je trouverais enfin une compensation au régime de tourments inutiles qui me semble n’avoir été instauré que pour m’interdire de mettre la main sur l’ocarina du Temps. DJIBRIL CIRCÉ

RYUICHI SAKAMOTO
CM/TV
Warner

Nos amis les pubards ont beau parler de leur art comme d’un équivalent visuel de la pop song, ils oublient systématiquement qu’il y a déjà de la musique dans la pub, et que cette musique est parfois composée par des génies de la pop, notamment l’ex-Yellow Magic Orchestra Ryuichi Sakamoto. Warner Japan a poussé la fantaisie jusqu’à sortir une anthologie de tout ce qu’il avait fait depuis 1977, et entre le son du logo Dreamcast, les jingles de la chaîne NHK et des spots Toyota, Budweiser, Olympus ou pour le whisky Suntory, ça donne un putain de concentré d’émotions épiphaniques qu’on a envie d’écouter jusqu’à la fin des temps. Mention spéciale à l’accordéon pseudo-français illustrant une mystérieuse marque intitulée VIVRE. FERNAND SAVANT