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Mode

Les fringues du grenier de mes parents

La vie n'est pas toujours rose, hein. Pour ma part, j’ai souvent l’impression que le monde entier essaie de m’enculer.

LUNETTES CAZAL VINTAGE, CHEMISE ZEBRÉE ALEXANDRE HERCHCOVITCH, VESTE EN CUIR DE MON PÈRE

La vie n'est pas toujours rose, hein. Pour ma part, j’ai souvent l’impression que le monde entier essaie de m’enculer. Je ne déconne pas : j’ai des factures infernales et une fiche de paie minuscule. Ce problème financier est assez emmerdant dans la mesure où je ne peux plus me payer ces putains de

chaussettes Junya Watanabe

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que je vénère, ou ces vinyles de punk inconnus avec

des pochettes de Basquiat

. Enfin, je

pourrais

m’acheter ces trucs, mais je n’aurais nulle part où les mettre parce que je vis dans une sorte de commode aménagée pour des nains. À quoi ça sert d’avoir des chaussettes ultra-confortables si je n'ai même pas la place de m’essuyer le cul ?

J’ai des potes qui seraient capables de bouffer des pâtes pendant des mois juste pour pouvoir se toper un paire de groles

Rick Owens

. J’ai d’autres potes, un peu moins portés sur les fringues, qui sont des gros nerds heureux de vivre chez leurs parents parce que ça leur permet de se payer des centaines de vinyles chaque année. Ce genre de comportement n’est pas sérieux. S’il vous plait, ne vous comportez pas comme eux. Ayez un comportement rationnel. Quand le solde de votre compte est plus petit que le vagin d’une blanche de 17 ans, on n'a pas le droit de claquer son blé. Il est bien plus raisonnable de taxer des fringues chez vos parents.

Pour tout vous dire, plus de la moitié de ma garde-robe et de mes vinyles vient de chez mes vieux – ou de trucs que j’ai récupérés à droite à gauche. Si vos parents ont des goûts de chiotte, faites ami-ami avec les croulants du quartier, y’a moyen de récupérer plein de trucs. Leurs enfants ne viennent plus les voir depuis longtemps parce qu’ils ont l’impression de se voir eux-mêmes dans quarante ans. Et même quand votre voisin un peu taré finira par casser sa pipe, vous pourrez récupérer sa bonne vieille flight jacket avec des taches de sang qui datent de la guerre d’Indochine. Ou alors les boîtes de bouffe pour chiens que ses allocations de merde lui permettaient de se payer.

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En tous cas, voici mes fringues et disques récupérés préférés. La sélection est un peu automne / hiver parce que je commence à en avoir un peu marre d’avoir les couilles qui suent à cause du beau temps.

VESTE EN CUIR DE WILBERT COOPER SENIOR, « WILD IN THE STREETS » DE GARLAND JEFFREYS, « TUMBLIN’ DICE » DES ROLLING STONES

Voilà la veste que portait mon père. C’est un homme aux multiples facettes : d’un côté, c’est un militant très engagé dans la lutte pour les droits des noirs. De l’autre côté, c’est un officier de police à la retraite (même s’il se définirait plutôt comme un « ex-mercenaire au service de l’état »). Son style penche entre gay-cuir quand il est à la maison et Steve Buscemi dans

Broadwalk Empir

e quand il faut se saper. Si vous lui demandiez, il vous répondrait sûrement qu’il n’a pas le temps pour ces conneries. Mais je sais que ses icônes

fashion

sont des gens comme James Dean, Jimi Hendrix et 50 Cent (il adore les fringues G-Unit).

C’est le tout premier cuir de sa vie. Il l’a acheté au milieu des années 1970. Même s'il possède plus de 50 vestes en cuir, ce truc tout débraillé est celle à laquelle il tient le plus. Il me l’a transmise quand j’étais au lycée. On m’a dit que cette veste avait vu l’intérieur de chaque rade et strip-club qui ait jamais existé à Cleveland. Vu l’état de la veste, j'y crois – la doublure est défoncée, il y a un trou au niveau du coude droit et il manque une épaulette. Mais elle tue toujours autant, et me rappelle à quel point mon géniteur était un mec badass.

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Mon père, Wilbert Cooper Senior, tenant entre ses mains ma première habitation – ses burnes.

Mon dabe et moi sommes vraiment proches, et cette connexion vient en grande partie de la musique. Même s’il apprécie d’autres genres – le blues, le hip hop et n'importe quel genre violent et misogyne – ce mec était un vrai rocker. C’est le genre de mecs qui vire toutes les chansons de Paul quand il écoute les Beatles parce « Paul est une tapette » et que Lennon « va droit au but ». Évidemment, c'est un fan absolu des Rolling Stones, de très loin son groupe préféré. J’ai donc associé la veste en cuir avec « Tumblin’ Dice », tiré de

Exile on Main Street

. Je l’ai aussi associée avec « Wild in the Streets » de Garland Jeffreys, parce que l’ambiance qui se dégage de ce morceau résume parfaitement la vision que je me fais de mon père quand il avait mon âge – un mec qui conduit bourré, crache sur les flics (au sens figuré), et couche avec des stripteaseuses. Je suis plus rangé que lui au même âge, mais ce mec m’a vraiment transmis sa folie de renoi. Quand je mets sa veste de motard et que j’écoute un de ces disques – en même temps, hein – j'ai l'impression d'être bourré depuis trois semaines et d'avoir une deuxième paire de couilles.

PULLOVER POUR FLIC DE MA MÈRE, CASQUETTE DE LA BRIGADE ANTI-GANG, « MY FAVOURITE THINGS « DE JOHN COLTRANE

Je me sens bizarre quand je repense à mon enfance parce que, comme la plupart des petits garçons, j’étais en adoration devant mon père et n’ai réalisé que tard à quel point ma mère était une femme en avance sur son temps. On aurait pu adapter sa vie au cinéma, avec Angela Bassett en premier rôle. L'un des trucs les plus dingues qu’elle ait faits a été de s’engager dans l’unité féminine de la police de Cleveland. Avant le petit groupe de suffragettes dont ma mère faisait partie, les femmes n’étaient pas autoriser à patrouiller dans les rues en portant l’uniforme de la

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Cleveland Police

. Elle a brisé la barrière, tout en élevant trois enfants (mes frères) et en s’extirpant d’un mari violent (pas mon père, hein). Malgré la nature plutôt épuisante de son job, elle est restée avant tout une vraie dame – maquillage raffiné, habits chics, manteaux de fourrure, etc. Ma passion pour les fringues vient sûrement d’elle. Comme je ne suis pas travelo, je ne vous montrerai pas sa collection de robes incroyable. Mais comme j’aime ma maman, au lieu de me saper comme Vincent McDoom, je vous présente son uniforme de fliquette.

Le pull fait partie du paquetage que les flics reçoivent quand ils s’engagent dans la police de Cleveland. Tout comme les nazis en leur époque, les policiers de Cleveland sont lotis de pulls hyper bien coupés. Ces pulls pourraient sortir tout droit de chez

Ervell

. On pourrait rajouter une doublure et les vendre chez

Opening Ceremony

. La casquette aussi est trop stylée. Ma mère l’a eue quand elle faisait partie de l'unité d’élite de la brigade anti-gang, celle qui enquête sur les crimes commis par ces débiles profonds et dangereux que sont les membres du crime organisé de Cleveland.

C’est ma maman, Gayle Miller-Cooper, en train d'anticiper le look « nonne » que Chanel a voulu repomper en 2008.

Quand j’étais gosse, je ne supportais pas la musique que ma mère écoutait. C’était de la musique douce et lente ; de la musique de meufs. En grandissant, j’ai compris qu’elle était très éclectique et avait l’oreille pour écouter des trucs comme Coltrane ou Luther Vandross. Ce best-of de Coltrane lui appartient. Elle a une collection incroyable qui va de James Brown à Isaac Hayes, avec plein de Marvin Gaye dedans. Le seul problème, c’est que mes frangins ont dû utiliser ses vinyles comme des frisbees à l’époque ; la plupart sont rayés. J’ai associé ses fringues avec sa chanson préférée, « My Favorite Things ». Cette chanson m’a servi de porte d’entrée dans ce monde peuplé d'adultes chiants, le jazz. Merci maman !

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ADN DE WILBERT L. COOPER, « WHEN THE DOVES CRY » DE PRINCE

J’ai une tonne de fringues récupérées en plus, mais cet article commence à être suffisamment long, et je sens que certains d'entre vous se font déjà chier. Même si je n’ai pas un rond devant moi, je suis heureux de vous avoir raconté mes histoires de famille et avoir envisagé l'idée qu’un jour un petit têtard provenant de mes balls deviendra aussi un être humain, et me piquera mes fringues à son tour. C’est un chouette rituel, et j’espère que vous y pensez vous aussi.

Hé ouais, mes vieux sont toujours ensemble ! Ils gazouillent comme s’ils avaient 20 ans.

Et tant qu’on parle d’élever des enfants, matez un peu le clip de Prince en dessous. Il parle d’être le portrait de sa mère ou de son père. Personnellement, je les aime autant l’un que l’autre, donc ça va. Mais si vous devez choisir, prenez celui qui vous filera un peu de thune quand vous serez à sec, ça vous évitera de taper la bouffe pour chien du voisin quand il ne vous reste rien à claper.