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20 ans après, "Die Hard Trilogy" reste l'un des meilleurs jeux adaptés d'un film

En général, les adaptations de films en jeu vidéo sont assez merdiques. Mais le titre de Probe, sorti en 1996, constitue une merveilleuse exception.

Il y a douze terroristes dans Piège de cristal. A priori, il y a des chances que vous voyiez à quoi ils ressemblent à peu près tous - Hans, Karl, le gars en pull qui se fait briser la nuque - et le film nous tient régulièrement informés de qui est vivant et qui est mort. John McClane tient même les comptes au fur et à mesure grâce à un astucieux système d'écriture sur son bras. Et le sergent Al Powell, vers le milieu du film, affirme aux agents du FBI qu'ils ont désormais affaire à "sept terroristes, et non plus douze."

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C'est là que résident toute la tension du film, et ses enjeux. On sait que McClane est en infériorité numérique, à douze contre un ; on sait donc que, pour sauver tout le monde, il doit vaincre douze ennemis. C'est simple et efficace. La relation de John avec Holly, son amitié avec Powell, le plan des terroristes et leurs querelles internes vont tous dans le sens d'une histoire assez basique : on sait qu'avant la fin de Die Hard, John McClane doit passer de zéro terroriste mort à douze.

Le jeu Die Hard Trilogy, édité par Probe, est sorti il y a 20 ans sur PlayStation (suivi quelques mois plus tard d'une version Saturn). On y compte beaucoup plus de morts que dans n'importe lequel des films dont il s'inspire. Les méchants y sont anonymes (on peut toujours rêver d'un jeu de tir où chacun des ennemis serait un personnage reconnaissable), et ils meurent en masse. C'est un jeu d'arcade. Rapide, conçu pour mettre à l'épreuve les réflexes des joueurs et d'une durée objectivement courte, Die Hard Trilogy est, au moins en apparence, l'antithèse du rythme plutôt lent du premier film. Mais s'il ignore les subtilités du scénario et des mises en scène des films, il en saisit parfaitement l'esprit - à certains moments, jouer au jeu procure le même sentiment que regarder les films.

Dans le chapitre Piège de cristal, par exemple, un compteur situé en haut à droite de l'écran indique combien de terroristes il vous reste à tuer avant que la mission soit terminée. C'est un petit détail, et au lieu des douze terroristes du film, vous en tuez une bonne trentaine à chaque niveau. Mais c'est un clin d'oeil appréciable au sentiment de progression et de mouvement qui émane du film. Dans des conduits d'aération, à travers des vitres, dans des ascenseurs… John McClane est toujours en mouvement. Le décompte des terroristes et des points accumulés par le joueur sont des moyens simples de donner un sentiment de progression permanente.

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À l'instar de The Raid, qui se passe aussi dans une tour et qui consiste également pour l'essentiel en une série de fusillades étage par étage, Piège de cristal ressemble souvent à un jeu vidéo, au moins structurellement. McClane commence avec un flingue, avant d'améliorer progressivement son arsenal en obtenant d'abord un fusil mitrailleur puis des explosifs. Il ne fait que monter et descendre, mais McClane évolue néanmoins à travers différents "niveaux".

Trilogy s'inspire librement du film original, mais il en saisit mieux l'énergie et le brio qu'une émulation supposément plus fidèle.

C'est ce genre de concepts qui permettent à la première section de Die Hard Trilogy d'être l'une des adaptations les plus intelligentes et crédibles d'un film en jeu vidéo. Il faudrait aussi mentionner la présence d'otages à chaque niveau, que le joueur doit sauver, et d'un détonateur qui s'active une fois que tous les terroristes d'une mission ont été tués. Ce ne sont pas des éléments vraiment remarquables - contrairement aux personnages du film, comme Ellis et Holly, les otages de Die Hard Trilogy sont essentiellement des éléments à collectionner et des obstacles à éviter lors des fusillades - mais ils rappellent les enjeux du film.

Nakatomi Plaza, un autre jeu inspiré de Piège de cristal sorti en 2002, accorde davantage d'importance aux détails du film, recréant précisément ses dialogues, ses costumes, ses décors etc. Mais c'est un pur jeu de tir : pas d'otages, pas de bombes. Et sans ces artifices, le jeu paraît creux et plat. Trilogy s'inspire librement du film original, mais il en saisit mieux l'énergie et le brio qu'une émulation supposément plus fidèle.

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On pourrait dire la même chose de la deuxième partie du jeu, consacrée à 58 minutes pour vivre, qui se débarrasse gaiement de tous les dialogues (et plus globalement du scénario) du film pour les remplacer par de l'action. 58 minutes pour vivre est un film où l'on passe la plupart du temps à attendre qu'il se passe quelque chose. Comparé au premier film, on y voit très peu John McClane, alors que de longs passages sont consacrés aux chamailleries des contrôleurs aériens ou à Holly qui taquine Dick Thornburg à bord de l'avion. Autant dire que tout cela se prête mal à un jeu d'action.

Du coup, Trilogy décide de s'en foutre, en gros. Cette deuxième partie du jeu est très bien en soi, mais elle ne cherche pas à "adapter" le film d'une quelconque manière ; elle montre plutôt comment certains aspects des films ne sont pas transposables en jeu vidéo. 58 minutes pour vivre est très riche en dialogues. Pour cette raison, c'est un mauvais film d'action ; et pour la même raison, il n'est pas fait pour être adapté en jeu d'action.

En revanche, Une journée en enfer, la troisième et dernière partie de Die Hard Trilogy, est un bon exemple d'adaptation d'un film en jeu vidéo. Comme la partie Piège de cristal, il retranscrit les sensations du troisième film de la trilogie, plutôt que ses détails. C'est foutraque. C'est haut en couleur. Comme les meilleures scènes du film - la course en taxi de McClane vers Wall Street, le moment où il aborde un bateau pour trouver le code de la bombe située dans l'école - le joueur est en permanence en train de courir après la montre. Tout va très vite, et le jeu s'inspire de tout ce qui fait la force des autres bonnes adaptations de films.

Spider-Man 2 retranscrit parfaitement l'excitation de se balancer entre les immeubles de toile en toile ressentie par son héros, et c'est tout ce qu'on lui demande. The Warriors évoque tellement le décor et les odeurs du New York dystopique de Walter Hill qu'il n'a même pas besoin d'être le "meilleur" jeu d'action de sa catégorie. Comme les James Bond de l'âge d'or, GoldenEye 007 est frénétique et ne s'embarrasse pas de dialogues inutiles. Pour qu'une adaptation soit réussie, il suffit de saisir un moment mémorable ou un sentiment ressenti devant un film et d'en livrer une version prolongée et interactive. C'est aussi simple que cela.

Mais ces jeux illustrent bien, également, ce que les créateurs de jeux préfèrent : le spectacle plutôt que la subtilité, les situations plutôt que les personnages, l'action plutôt que la dramaturgie. Même s'il est fun et plutôt soigné, Die Hard Trilogy est aujourd'hui un parfait exemple de pourquoi les jeux ont ignoré l'aspect scénaristique pendant si longtemps. Même en 1996, quand les jeux vidéo pouvaient être qualifiés de "média en développement" (contrairement à aujourd'hui), les créateurs de jeux s'intéressaient bien plus aux explosions et aux flingues présents dans les films qu'à leurs personnages et à leurs dialogues.

L'esprit de Die Hard est bien présent dans Trilogy, mais pas sa chair. C'est la meilleure base qui soit pour construire de meilleures adaptations de films ; pourtant, deux décennies plus tard, les jeux d'action basés sur des films n'ont que rarement mieux à proposer.