La Colombie à l'heure des conflits
Toutes les photos sont de Matthew O’Brien

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La Colombie à l'heure des conflits

Alors que les actualités colombiennes étaient dominées par la guerre, le trafic de cocaïne et la violence, Matthew O'Brien s'est attardé sur la beauté du pays.

En 2011, le photographe américain Matthew O'Brien s'est rendu à Acandí, une ville côtière située dans le département de Chocó, en Colombie. Près d'une rivière, il a rencontré des enfants issus du peuple indigène Emberá et les a photographiés avec son Polaroid 690. À mesure que les enfants assistaient au développement de leur portrait, leur père, qui se trouvait à proximité, a demandé s'il pouvait en garder quelques-uns. O'Brien a accepté. Il a enveloppé les Polaroids dans du papier, avant de regarder la famille disparaître dans la forêt.

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Bien sûr, O'Brien a conservé certaines photos des enfants d'Acandí. Elles comptent parmi les nombreux clichés inclus dans son nouveau livre, No Dar Papaya, un recueil de Polaroids pris en Colombie entre 2003 et 2013.

Au cours de cette décennie, les actualités colombiennes étaient dominées par la guerre, le trafic de cocaïne et la violence. Une imagerie tragique qui est en fait si familière aux Colombiens qu'ils ont un mot pour la décrire : pornomiseria – la porno-misère. Mais quand O'Brien a montré ses premiers Polaroids à une collègue colombienne, elle a été surprise de constater qu'ils n'entraient pas dans cette catégorie.

O'Brien n'avait pas pour objectif de photographier la beauté et la générosité de la Colombie comme contrepoint aux photos de crime et de cruauté – mais c'est ce qu'il a naturellement fait.

O'Brien a gagné son Polaroid 690 lors d'un concours dans les années 1990. Mais même là, il s'agissait d'un appareil inhabituel et difficile à utiliser, notamment en raison de sa profondeur de champ peu caractéristique. Avec un appareil photo numérique, O'Brien peut capturer un nombre illimité de portraits. Mais avec un appareil photo instantané, il doit choisir ses clichés avec une attention méticuleuse. En 2008, alors qu'il en était à la moitié de son projet de livre, la production des pellicules Polaroid a été interrompue.

Le mécanisme compliqué de l'appareil couplé à la pénurie de pellicule a forcé O'Brien à ralentir la cadence et à rendre compte de chaque image. Son appareil ne passait pas inaperçu, ce qui lui a permis d'interagir avec ses sujets – ils les a tous laissés poser comme ils le voulaient.

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L'un des portraits préférés de l'artiste représente un jeune garçon de la Punta Gallinas, dans le département de la Guajira, tenant un bâton avec une roue à chaque extrémité. Lorsque O'Brien lui a demandé ce que c'était, le garçon lui a répondu : « C'est mon jouet ! » Il s'agissait d'un endroit isolé – pour se divertir, les enfants devaient construire des jouets à partir de rien. « Il en était très fier », se souvient le photographe.

No Dar Papaya est un livre joyeux, alors même que la vie en Colombie n'est pas rose. Bien que les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) aient signé un accord de paix avec le gouvernement colombien en novembre 2016, d'autres groupes armés demeurent. O'Bien décrit la situation comme étant « précaire ». Il lit souvent des articles au sujet de dirigeants syndicaux et de militants paysans ayant été abattus par des groupes paramilitaires de droite, et il continue d'entendre des témoignages sur les atrocités qui y sont commises de la part de ses amis colombiens.

Le photographe a également craint pour sa propre vie. Il a été menacé au couteau et agressé par trois hommes en 2010. « Ils étaient prêts à me tuer pour une histoire de portable à 20 dollars », écrit-il dans son livre.

Pour les non-Colombiens, il peut être difficile de percevoir la trace de cette anxiété dans le livre de O'Brien. Les Colombiens, quant à eux, comprendront la signification du titre du livre, et reconnaîtront certains de leurs traumatismes communs.

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No Dar Papaya se traduit littéralement par « Ne donnez pas de papaye ». En tant qu'idiome, il s'agit de ne pas montrer la moindre faiblesse. En d'autres termes, il faut être toujours être conscient et sur ses gardes. Ou, comme le dit O'Brien, « ne pas passer pour une cible facile ».

Au cours de son projet, O'Brien a vu la Colombie changer. Lorsque ses amis colombiens regardent ses travaux antérieurs, ils soulignent rapidement des différences distinctes avec l'époque actuelle. Les policiers, par exemple, ne portent plus les mêmes uniformes qu'en 2003. À l'époque, les touristes avaient peur de voyager en Colombie. Aujourd'hui, les auberges sont remplies de jeunes backpackers.

Le photographe se dit prêt à aller de l'avant et à visiter un endroit nouveau, mais il éprouve de la nostalgie pour ce pays. Il a vécu à Medellín pendant six mois, et regrette le jus de lulo frais et les plats proposés par les stands locaux. Il a testé le fruit à pain pour la première fois à San Andrés. À un moment donné, il a même eu une petite amie colombienne et garde de bons souvenirs du temps passé avec elle.

O'Brien a pu rester en contact avec certains de ses sujets, mais malheureusement, il ne sait pas ce qu'est devenue la famille Emberá qu'il avait rencontrée à Acandí. Partout en Colombie, des milliers d'indigènes ont été violemment menacés par des groupes armés et expulsés de chez eux. Pourtant, O'Brien n'oublie pas le merveilleux moment passé près de la rivière, ni la joie des enfants quand ils ont reçu leurs Polaroids. « J'aime à penser qu'ils ont encore ces images quelque part », déclare le photographe.

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« No Dar Papaya » est disponible ici.

Rendez-vous sur le site de Matthew O'Brien pour voir plus de photos.