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Culture

On a regardé la TV de Mélenchon (et on n'a rien compris)

Un JT old school, une Isabelle Alonso et un Soan de la Nouvelle Star : Le Média est sacrément farfelu.
Le Média / Youtube

Hier soir a été lancée Le Media, chaîne d’information indépendante, financée par des militants contributeurs appelés « socios » et proches de Jean-Luc Mélenchon. Entièrement diffusée sur l’Internet, Le Média déploie quand même beaucoup d’efforts pour que l’on se dise que c’est de la bonne vieille télé. L’URL est en .tv, on y croise des gloires du PAF, Isabelle Alonso, Gérard Miller ou même Soan, le gagnant de la Nouvelle Star 2009. Les teasers partagés avant le lancement montrent en boucle des zooms enfiévrés sur des consoles de régie avec des boutons compliqués et des maquilleuses qui s’affairent. Et puis, surtout, l’émission phare, celle qui marque le vrai lancement, c’est un bon vingt heures des familles, diffusé en direct et tout.

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À 19 h 30, le journal n’est pas encore commencé mais il y a une émission préenregistrée destinée à dévoiler la rédaction. Les invités sont debout autour de tables en métal brossé comme dans une start-up, avec au fond un public assis dans des travées, comme dans C’est mon choix. Isabelle Alonso, en faux col, et Gérard Miller absorbé dans son conducteur font passer une sorte d’entretien d’embauche aux jeunes journalistes que l’on découvre : « pourquoi avoir rejoint le Média ? ». On leur a demandé aussi d’apporter un objet qui leur ressemble, l’un a songé à un couteau suisse, l’autre une liste, « j’adore faire des listes, c’est une passion ». Tiens, il y a Aude Lancelin, connue pour avoir écrit un livre tout à fait divertissant sur son licenciement. On y apprenait qu’elle avait été virée de L’Obs parce que sa plume géniale et radicale semait la terreur dans les couloirs de l’Élysée. Aude, elle fustige « l’éteignoir dans lequel on nous fait vivre ». Mais tout cela n’est que pour nous faire patienter, car tous les internautes n’attendent qu’une chose : la grand-messe qui va commencer.

Il est vingt heures, c’est l’heure du journal. On découvre un plateau occupé par trois femmes, papiers disposés devant elles, regard un peu figé et stressé, gobelets d’eau. Derrière elles, un public épars, dans l’ombre, il scrute le plateau avec ce regard d’encouragement qu’ont les parents émus et inquiets.

L’émission est construite en quatre parties. D’abord, l’Actu où la présentatrice égrène différentes infos très courtes entrecoupées chacune d’une pause marquée par un petit jingle sonore, un peu comme dans un JT parodique. Elle dit beaucoup beaucoup le mot « Macron ». Les thèmes choisis sont destinés à faire mourir sur-le-champ un militant d’extrême droite fustigeant les « merdias gauchiasses » : conflit israélo-palestinien, état des services publics en Angleterre, attentats en Irak (une « occasion de rappeler que le terrorisme tue d’abord des musulmans »). Un militant du PS tout comme un adhérent du NPA peut aisément se retrouver dans cette ligne éditoriale de gauche décomplexée. À la fin, on diffuse même une petite archive de Martin Luther King car c’est son anniversaire.

Ensuite, c’est le Mag, où une journaliste aborde la question de l’égalité salariale entre hommes et femmes. Son intervention est rythmée par des relances scénarisées de ses collègues qui s’insurgent : « mais pourquoi la loi n’est-elle pas appliquée ? ». La troisième partie est intitulée Pas de côté. C’est l’occasion de se demander pourquoi les manifestations en Iran semblent avoir fait pschit. Cette séquence est vraiment étrange. Un correspondant à Beyrouth, filmé derrière un fond d’immeubles en construction, lit un texte que l’on devine hors champ. Pour égayer sa lecture un peu ennuyeuse, on a ajouté une légère musique d’ascenseur. L’intervenant résume les évènements puis conclut brutalement qu’il est encore trop tôt pour comprendre, il faut continuer à observer la situation. On passe à la rubrique Droit de suite avec la très intéressante interview du dirigeant de la Ligue des droits de l’homme de PACA. Celui-ci décrit la situation terrible des migrants tentant de passer la frontière franco-italienne et la manière dont la gendarmerie les traite. Enfin, arrive l’Invité. C’est Bruno Gaccio, que l’on interroge sur ce qu’il attend du Média. Bruno attend une réflexion sur le revenu universel et la crypto monnaie. La présentatrice sourit beaucoup, elle est détendue car le journal est fini, mais aussi car elle connaît très bien Bruno Gaccio, d’ailleurs elle le tutoie, « on ne va pas faire semblant de se vouvoyer ! » lance-t-elle en riant. Elle donne alors rendez-vous le lendemain à la même heure. Après le générique, le silence se fait. Un panneau fait d’une énorme typo invite l’internaute qui est resté devant son écran à devenir lui aussi un « socio ». Ensuite, j’ai regardé une série.