On a demandé à un expert à quel point les couleurs endommageaient notre environnement

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La Semaine de la mode durable

On a demandé à un expert à quel point les couleurs endommageaient notre environnement

Le processus de teinture de nos vêtements transforme de trop grandes quantités d'eau en déchets toxiques.

Cet article a été réalisé pour le compte du Sommet de la Mode de Copenhague et a été créé indépendamment de la rédaction de VICE.

L'industrie cyclique de la mode qui nous fait renouveler notre garde-robe saison après saison fonctionne grâce à un énorme appareil de production qui soumet notre environnement à une énorme pression. Le processus de teinture de nos vêtements, une étape particulièrement nocive de la production textile, transforme de trop grandes quantités d'eau en déchets toxiques. Dans les usines de teinture moins développées de pays comme l'Inde, près de la moitié de la teinture utilisée fini par s'infiltrer et contaminer les ressources naturelles d'eau. En plus de produire des déchets qui atteignent les rivières et les champs locaux, la teinture est responsable pour la mort de 450 000 enfants indiens chaque année, qui meurent après avoir bu de l'eau contaminée par les teintures. Pour résumer : la teinture fout la merde dans tous les pays qui ont une forte industrie textile sur leur sol, comme l'Inde, le Bangladesh ou la Chine.

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Même si de nombreuses marques importantes ont fait des progrès en diminuant le gaspillage d'eau lors de la teinture au cours des dernières années, la question reste brûlante : l'environnement n'irait-il pas mieux si on arrêtait d'utiliser la coloration artificielle dans la mode ? On a parlé du défi que représente la création d'une mode durable avec Johan Arnø Kryger, manager senior à l'Institut Danois de la Mode et l'un des plus grands experts de la mode durable.

Quel serait l'effet sur la mode si on n'utilisait plus de couleur ?
La mode va bien au-delà de la simple protection contre le froid. L'effet de signalement est l'une des principales raisons qui font que les gens achètent des vêtements qui ne sont pas fonctionnels à des prix très élevés. Nous voulons montrer aux autres qui nous sommes. C'est la mode qui répond à notre besoin d'exprimer notre personnalité et de nous distinguer des autres. Si l'on supprimait cet aspect de la mode - les couleurs - comment pourrait-on y arriver ?

Est-ce que la corrélation entre couleur et durabilité est déjà un sujet important pour l'industrie ?
Des produits qui utilisent des fibres naturelles ou des couleurs naturelles sont déjà disponibles sur le marché. Mais ils ne sont pas le fait des grandes marques. Barbara In Gongini, des îles Féroés, est l'une des créatrices de mode qui se préoccupe le plus de durabilité. Elle utilise souvent le noir, qui n'est pas une couleur de saison, ce qui signifie que vous n'avez pas besoin de tout le temps changer de tenue. Mais l'utilisation de la couleur est une considération esthétique, et c'est difficile d'imaginer la mode sans couleurs.

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Comment se débrouille l'industrie de la mode en termes de durabilité actuellement ?
Fabriquer des vêtements demande beaucoup de ressources naturelles. Il faut environ 2 000 litres d'eau pour faire un t-shirt en coton. Et quand vous voyez que l'ONU estime que deux milliards d'êtres humains n'auront pas accès à de l'eau potable en 2050, vous comprenez très bien qu'il y a un problème. Il n'y a tout simplement aucune raison valable pour gaspiller autant de ressources naturelles durant la production. La teinture des vêtements empire cette situation, puisqu'elle pollue l'eau. Et si vous ne traitez pas correctement cette eau, elle peut finir par polluer l'eau potable.

Qu'est-ce qu'il faudrait faire pour que la durabilité soit au programme de l'industrie ?
Il y a trois facteurs qui peuvent forcer l'industrie à trouver des solutions durables. Le premier est le fait que les ressources sont limitées, comme je l'ai dit auparavant. Trop de ressources sont utilisées durant la fabrication, et cela fait du mal à trop de gens.

Deuxièmement, il y a aujourd'hui une législation plus restrictive en ce qui concerne les conditions de travail et l'utilisation de produits chimiques. Une large palette de réglementations a été introduite et l'Union Européenne a aussi mis en place quelques programmes phares dans le domaine du textile, pour accroître encore plus la régulation dans ce secteur. Dans la même veine, H&M s'est publiquement fixé comme objectif de « désintoxiquer » sa production à la suite d'une grande campagne de Greenpeace pour un monde de la mode débarrassé de produits toxiques à l'horizon 2020. Comme on le constate, les effets de ces régulations se sont largement répandus.

Et le troisième facteur est le consommateur. La plupart des consommateurs s'en fichent - pour seulement 5 à 10% des consommateurs, la durabilité est un facteur d'achat. Et pourtant, les gens attendent des marques qu'elles aient des valeurs et essayent d'être durables. Cette tendance va se poursuivre, mais il manque toujours à l'industrie de la mode son « Tesla » ; quelque chose qui fasse prendre brusquement un autre cap au marché.

Dites-nous en plus sur les récents développements dans la vision qu'a l'industrie de la durabilité.
Après un « nivellement vers le bas » qui a duré un moment et au cours duquel les entreprises cherchaient à produire pour toujours moins cher, l'industrie en est presque arrivée à une « course vers le haut », essayant de créer la meilleure chaîne de production avec le moins de pollution possible et les meilleures conditions de travail possibles. Le bon sens guide de plus en plus le marché. Quand on accueille le Sommet de la Mode de Copenhague, le plus grand événement au monde dans le domaine de la durabilité, on est aux premières loges pour constater ce développement. En 2012, seules quelques centaines de personnes dans l'industrie se consacraient à la durabilité. Aujourd'hui, ce sommet est devenu un énorme événement, avec la présence de différents cadres et preneurs de décisions. Il ne fait aucun doute qu'il y a eu un changement dans la bonne direction, avec des dirigeants industriels qui s'impliquent de plus en plus.

Comment faire en sorte que ce ne soit pas juste une tendance qui va disparaître dans une ou deux saisons ?
Il y a de nombreux exemples d'entreprises qui se sont autoproclamées durables mais qui n'ont pas vraiment examiné toute leur ligne de production, et c'est dans ce cas-là qu'il y a un problème. L'industrie a compris au fur et à mesure qu'elle doit être durable tout au long du processus. Ça ne peut pas juste être de la poudre aux yeux. Alors oui, la mode change, mais à cause des trois raisons que j'ai mentionnées auparavant, on ne peut pas faire demi-tour [sur la durabilité]. Des ressources réduites, la législation et les consommateurs feront en sorte qu'on continue à se développer dans cette direction. Les politiciens et les consommateurs n'accepteront pas une rechute. Les consommateurs ne se souciaient pas de ça auparavant, mais maintenant ils exigent que tout soit transparent.

En tant que consommateurs, qu'est-ce qu'on peut faire pour favoriser une approche plus durable de la mode ?
Il y a des tas de labels explicatifs que le consommateur peut suivre. En fait, il y en a tellement qu'on s'y perd vite. On en ajoute des nouveaux tout le temps, mais on manque toujours d'un discours commun pour aborder la durabilité dans l'industrie. De ce point de vue, l'index Higg - un outil concret qui permet de chiffrer la durabilité - est une bonne initiative. Il peut être utilisé avec toutes les marques, donc il pourrait devenir un cadre commun de référence dans le futur.

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