Qui se ressemble s’assemble

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Qui se ressemble s’assemble

Une étude photographique de la relation paradoxale qu'entretient l’homme avec les animaux.

Au fil du temps et des projets, Jill Freedman s'est rendu compte qu'un sujet en particulier revenait souvent dans son œuvre : les interactions entre les êtres humains et les autres êtres vivants. À travers ses photos, elle illustre à la fois notre amour et notre manque de respect pour les autres espèces et tente de nous rappeler que nous sommes, nous aussi, des animaux. L'être humain a tendance à vite oublier l'adage « ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu'on te fasse », surtout par rapport aux autres espèces. Jill a l'impression que nous fermons volontairement les yeux sur le sort des bêtes. Elle se demande pourquoi nous sommes si affectueux avec certains animaux dits « de compagnie », mais si insouciants envers d'autres, élevés et tués dans des circonstances floues afin d'être consommés.

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Au sujet de ce retour constant à la condition animale dans ses projets, Jill écrit :

« J'adore les animaux. Lorsque j'étais petite, je voulais un chien plus que tout au monde mais ma mère était "allergique". Une petite fille sans son chien : encore maintenant, j'ai l'impression de m'être fait avoir. Mais j'avais des amis qui avaient des chiens, j'ai lu des centaines de bouquins sur les animaux (mes préférés étant Black Beauty et L'Appel de la forêt) et j'ai rapidement commencé à prendre des photos de gens avec leurs bêtes.

« Les animaux me réjouissent. Ils sont magnifiques, mignons et doux, pelucheux et rigolos. Ils peuvent être dignes ou foufous et ont tellement à nous apprendre : ils nous montrent ce que sont la gentillesse et la compassion. Ils sont loyaux, bien plus que certains humains. Ils ont des effets positifs sur notre santé et redonnent de l'espoir aux gens malades et isolés. Et nous sommes tous des animaux donc, techniquement, nous sommes de la même espèce.

« On peut prendre soin d'eux et être gentil avec eux. Ils nous acceptent avec nos défauts, physiques ou mentaux. Tout ce qu'ils nous demandent en retour, c'est de l'amour. Ils voient des choses que l'on ne peut pas voir et nous poussent à développer notre sens de l'émerveillement.

« On dit qu'on aime nos animaux de compagnie, et pourtant on oublie de les stériliser et de les castrer, ce qui fait que des millions de chiens et de chats sont voués à une mort certaine dès leur naissance. L'ASPCA (la Société américaine pour la prévention de la cruauté envers les animaux) estime que, chaque année, environ 1,5 million d'animaux sont euthanasiés dans les refuges aux États-Unis. Quant à ceux qui terminent dans notre assiette, les chiffres sont encore plus élevés. Je lis souvent les communiqués de PETA. En 2012, l'association a indiqué que 108 milliards d'animaux sont tués chaque année dans les abattoirs américains. PETA annonce aussi qu'environ 40 % des chasseurs américains massacrent et mutilent des millions d'animaux chaque année ; l'association a également indiqué que les chasses illégales pratiquées par les braconniers font grimper ces chiffres de plusieurs millions.

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« Et pourtant, le marché des animaux de compagnie est en constante expansion. L'année dernière, l'American Pet Products Association a annoncé que les Américains avaient dépensé plus de 60 milliards de dollars pour leurs animaux en 2015. Les animaux domestiques ont désormais des vêtements, des salons et des concours de beauté qui leur sont réservés, et beaucoup de jouets. On leur achète même des cadeaux de Saint-Valentin. Dans notre société de consommation, les animaux domestiques sont devenus une force économique.

« Cette valeur sentimentale qu'ont les animaux est désormais ancrée dans nos sociétés et la mièvrerie nous permet d'ignorer les réalités plus glauques. Nous sommes contre la cruauté envers les animaux, et pourtant nous tolérons la vente de fourrure, les courses hippiques, l'élevage industriel, les courses de lévriers, les corridas, les chasses aux renards, les combats de chiens et d'ours…

« J'adore prendre des photos de personnes accompagnées de toutes sortes d'animaux, pour montrer à quel point les relations peuvent être variées. J'ai pris ces photos pendant des années sans jamais m'en rendre compte. J'ai même rassemblé assez d'images pour pouvoir publier Jill's Dogs, mon sixième ouvrage, un livre centré uniquement sur les chiens.

« Pourquoi aimons-nous et admirons-nous tant les animaux ? Est-ce car ils voient toujours le meilleur en nous ? Est-ce car ils nous aident à paraître plus humain ? »

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À 77 ans, Jill poste régulièrement des photos sur son compte Instagram et, s'inspirant de Daniel Arnold et Cheryl Dunn, elle organise chaque 1er avril une vente de reproductions de ses œuvres sur Internet. Ses œuvres sont notamment exposées dans les collections permanentes du Museum of Modern Arts de New-York, du Centre International de la Photographie et de la George Eastman House. Jill est représentée par la Steven Kasher Gallery, à New York, où elle réside et travaille. À partir de ses archives, elle compte réaliser plusieurs livres photo qui s'ajouteront à la liste des sept qu'elle a déjà publiés, dont Firehouse et Street Cops, qui ont été présentés en 2013 dans le documentaire de Cheryl Dunn sur les photographes de rue, Everybody Street.

– Texte de Cameron Cuchulainn