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Music

Le jour où Joe Pesci s'est essayé au rap

L'acteur sortait en 1998 le titre « Wise Guy », un pan heureusement méconnu de sa carrière.
Ryan Bassil
London, GB

Il existe deux types d'acteurs. Il y a Leonardo DiCaprio, Cate Blanchett, Denzel Washington—des talents protéiformes qui peuvent endosser n'importe quel type de rôle. Et puis vous avez les acteurs qui ont été cimentés dans un type de personnage bien précis : l'héroïne insipide de comédie romantique, l'ado névrosé, l'anglais poli et bredouillant qui fera tout pour se glisser dans le lit d'un membre du sexe opposé. Certains de ces acteurs sont infernaux, mais d'autres, comme Joe Pesci, sont géniaux.

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Originaire du New Jersey, Verseau, sans enfants, Pesci a élevé la colère et l'énervement au rang d'art dans une multitude de films, des Affranchis à Maman, j'ai raté l'avion. Le voir bouillir à l'écran et faire jaillir autant d'éclats de violence d'un si petit corps, et si naturellement, a toujours laissé penser que Joe Pesci ne jouait jamais vraiment, mais se contentait juste d'être Joe Pesci. Il est le Shakespeare de la rage qui sommeille, le Picasso du coup de pied au cul. Un homme qui vit pour le conflit.

Mais comme tous les acteurs, il est arrivé un moment où Pesci a eu besoin d'un plan B. Dans les années 60, il a été guitariste du groupe Joey Dee & The Starliters, avant d'être remplacé par un tout jeune Jimi Hendrix. Il a ensuite sorti Little Joe Sure Can Sing! en 1968, un album de tubes pop enregistré sous le nom de Joe Ritchie. On a même écrit à son sujet qu'il avait « une voix magnifique ». Et le climax de ces errances est contenu dans son second album, publié 30 ans plus tard, Vincent LaGuardia Gambini Sings Just For You - et particulièrement son single de faux rap « Wise Guy », sur lequel Joe affirme être un « mec sûr » par-dessus un sample tristoune du « Rapture » de Blondie.

Sorti en 1998, quelques mois avant que Pesci ne prenne ses distances avec Hollywood, il est dur de ne pas considérer cet album avant tout comme une revanche sur le destin, un truc qu'il aurait faire à 25 ans mais qu'il n'a pu réaliser qu'à l'âge de 55. Ce disque nous permet de mieux cerner sa personnalité, au-delà de son commentaire dans les bonus du DVD de Casino ; à savoir que Pesci a toujours voulu poursuivre son ambition de devenir musicien, mais que son père a préféré le pousser vers le métier d'acteur.

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Ce type de vidéos est habituellement supprimé par YouTube pour assurer la postérité de l'auteur, et c'est pour cette raison que vous pourrez uniquement la consulter sur Dailymotion. Et malgré un cruel manque de pixels et un son relativement approximatif, l'essence du titre est là. Pesci sort de sa Mercedes tel une version italo-américaine de Mère Thérésa, une femme à chaque bras (dont Naomi Campbell, quand même), tendant des dollars aux enfants démunis. Pesci, d'après ses propres mots, est un « mec sûr ». Voilà le message du morceau, l'histoire tient en ces deux mots, à la fois le nadir et le sommet de la carrière de l'homme qui menaça un jour un Macaulay Culkin pré-pubère avec un chalumeau.

Dans la tradition très fournie des acteurs se lançant dans la musique, on est évidemment ici bien loin de Donald Glover (et de Danny aussi, d'ailleurs). Ce n'est pas non plus Robert Pattinson ou Ryan Gosling. Ni Willennium, ni Clint Eastwood Sings Cowboy Favorites, ni Robert Downey Jr rivalisant avec les plus mauvaises faces B de Sting. Et c'est encore moins Bruce Willis sur The Return of Bruno. C'est juste un homme à la poursuite de ses rêves.  La décision de Pesci de tourner le dos à Hollywood pour enregistrer « Wise Guy » ne tenait qu'à lui, et elle s'avère à l'arrivée aussi triste qu'admirable. C'est ce tournant que des tas d'êtres humains trop lâches se refuseront toujours, pour se contenter de survivre dans leur merdique mais toutefois bien confortable quotidien : ce moment où vous avez la possibilité de tout lâcher pour réaliser un rêve d'ado. Et vous suicider professionnellement.

Le truc triste, c'est que dans ce cas précis, ce rêve ressemble moins à une ascension épique vers le Valhalla qu'à la vision de votre paternel, planté devant GarageBand avec un micro USB dans une main et un texte torché en 3 minutes dans l'autre. Mais c'est comme ça. Le monde n'est pas uniquement noir et blanc, il est souvent gris. À chaque fois que vous vous sentirez plus bas que terre, « Wise Guy » de Joe Pesci sera toujours là pour vous remonter le moral et vous rappeler l'essentiel : oui, vous avez merdé. Mais vous avez encore de la marge.

Ryan Bassil est sur Twitter.