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« En France, on manque d'un homme fort à la Poutine »

Les fans français du boss du Kremlin frétillent : leur idole sera très certainement réélue ce dimanche 18 mars. Dans cette improbable galaxie, on croise aussi bien des militants FN que des électeurs de Mélenchon.

Sur internet, la plongée dans la poutinosphère française est vertigineuse. « Fan Club Vladimir Poutine », « Tous avec Poutine », « Pro Russes » : les groupes Facebook sont innombrables – et très diversifiés. On y trouve pêle-mêle des catholiques ultra, des électeurs de Mélenchon, des russophiles nostalgiques de la Grande Russie et des militants Front National. Aucun n’ont de lien personnel ou familial avec la Russie, mais tous partagent la même conviction : un homme comme Poutine – un gars qui « en a », comme ils disent - manque à la France. Alors que l’élection présidentielle russe se tient ce dimanche 18 mars (dans une absence totale de suspens), on est allé à la rencontre de cette galaxie hybride où l'on retrouve sous une même bannière drapeaux anti-américains et pancartes anti-mariage gay.

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Tristan Lurot, 19 ans, étudiant en Histoire à la Sorbonne et électeur FN, a commencé à s’intéresser à la Russie au moment du conflit ukrainien. A l’époque, il n’avait que 15 ans mais, déjà, un point de vue sur la géopolitique : « J’estimais que les revendications des séparatistes pro-russes étaient légitimes. Et qu’il y avait un "deux poids, deux mesures" dans le traitement médiatique qui leur était réservé ». Tristan, qui à ses heures perdues, colle des affiches et distribue des tracts pour un groupuscule royaliste, reconnaît qu’être pro-Poutine dans le temple du savoir français n’est pas tous les jours facile : « Les gens sont toujours surpris, voire choqués, quand je dis que je soutiens Poutine. Surtout dans le milieu étudiant parisien, très marqué à gauche, très bien pensant… ». Ce qui l’a séduit chez Poutine, c’est d’abord son pragmatisme : « Contrairement aux néoconservateurs américains, il ne mène pas une politique idéaliste. Poutine, c’est de la realpolitik au service des intérêts de son pays ». Le jeune homme reconnaît lui-même qu’il ne saurait pas « résumer les idées du parti de Vladimir Poutine ». Mais cela ne l’empêche pas d’applaudir ce qu’il appelle son « côté franc » - et qui manque tant aux hommes politiques français. Et l’étudiant en histoire d’oser cette comparaison audacieuse : « On a une figure comme ça avec de Gaulle. Le charisme qu’il exerçait ressemblait à celui de Poutine ». Reste que l’on imagine mal le général arriver en meeting en Harley-Davidson ou promettre de buter les terroristes « jusque dans les chiottes…»

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Le parallèle historique hasardeux semble être une constante chez les poutiniens français. Thibault, 21 ans, étudiant qui préfère garder l’anonymat – « le climat actuel n’étant pas à la sympathie à l’égard de ceux qui soutiennent Poutine » -, compare sans complexe l’Union Européenne à…l’URSS. Nous vivrions ainsi dans un système politique « que nous n’avons pas choisi et qui n’est pas démocratique » (on n’ose lui rappeler que les parlementaires européens sont élus), où « toute pensée réfractaire est taxée de complotisme » et même « punie ». A ses yeux, soutenir Poutine est donc une forme de lutte pour la liberté d’expression. Et la démonstration d’une confiance dans le politique car Poutine, lui, « a su remonter la pente et donner du lustre à un pays en déclin ». Politiquement, Thibaut se dit proche de l’UPR de François Asselineau, une proximité qui revient souvent chez les poutinophiles.

« Poutine a permis à Assad de rester au pouvoir alors que les pays occidentaux, eux, soutenaient des groupes terroristes » - Guillaume Colomer, 24 ans

Autre porte d’entrée récurrente chez les admirateurs de Poutine : la géopolitique. Et la démonstration implacable que Poutine serait le seul en capacité de régler le foutoir du monde. Comme si un soutien idéologique devait nécessairement prendre l’altitude géopolitique pour s’acheter une acceptabilité sociale. Guillaume Colomer, 24 ans, a plutôt le profil du Macron boy : fils d’entrepreneurs parisiens, diplômé en finance, il est aujourd’hui analyste dans une grande banque française. Passionné de politique internationale, il a voté Macron face à Le Pen, et lit Les Echos, un quotidien pas franchement connu pour sa ligne éditoriale pro-Kremlin. Pourtant, Guillaume en est sûr : Poutine incarne « une deuxième voie face à l’hégémonie américaine ». En Syrie, il a ainsi « permis à Assad de rester au pouvoir » alors que les pays occidentaux, eux, « soutenaient des groupes terroristes ». S’il a donc bien voté Macron, Guillaume se dit « dégoûté de la politique politicienne » et rêve d’un Poutine à la tête de l’État français : « Son côté homme fort, son style très dur, son franc-parler nous manque, en France ». Droit dans ses bottes, il conclut : « Si j’étais Russe je voterais Poutine ».

« Il est tout de même curieux que toutes les informations concernant Poutine soient aussi négatives… » - Max, militant de la France Insoumise

Au sein du courant anti-américain, les pro-Poutine sont nombreux. Et parmi eux, certains appartiennent à la France Insoumise. Et oui, les cadres du parti ont beau s’en défendre, certains militants, eux, n’hésitent pas à jouer Poutine contre l’Oncle Sam. Max est de ceux-là. Ce jeune Breton refuse de donner son identité – mais pas son avis : à l’entendre, Poutine serait « un fin stratège » et « pas le tyran sanguinaire qu’on voudrait nous faire croire ». Mais qui est ce « on » ? Les médias « mainstream », bien sûr, qui ne sont que « la traduction française de la politique américaine ». Max note ailleurs : « Il est tout de même curieux que toutes les informations concernant Poutine soient aussi négatives… ». Une suspicion anti-journaliste toute poutinienne qui explique sans doute son partage régulier d’articles de Russia Today, un site dont la ligne anti-américaine fait mouche auprès de certains sympathisants de gauche.

En réussissant le tour de force d’être adulé par les anti-impérialistes de tous bords, Poutine colle à l’esprit « ni droite, ni gauche », très répandu dans la jeunesse française. En attendant la victoire, Jeune Garde, la branche jeunesse du parti Russie Unie, tisse toujours des liens avec les jeunes européens d’extrême-droite, notamment avec celle du parti Alternative Für Deutschland, en Allemagne. Elle n’a pas encore d’antenne en France, mais les adhérents potentiels, eux, sont prêts.