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Music

Ne dites surtout pas à Ought qu'ils font de l'art-rock

Les australo-américains de Montréal nous parlent de punk rock, de féminisme et de leur nouvel album, « Sun Coming Down ».

Sur

More Than Any Other Day

, on avait découvert à Ought, quatuor basé à Montréal et formé par trois américains (Tim Darcy, Ben Stidworthy, Matt May) et un australien (Tim Keen), des affinités avec The Fall, Pavement, les Strokes et Parquet Courts. Un héritage qui aurait pu écraser leur ambition et réduire leur premier album à un pâle ersatz, mais il n’en est rien. Mais en enchaînant les titres dans l’urgence, comme s’il s’agissait à chaque fois d’un cri qu’ils ne pouvaient retenir plus longtemps, les quatre jusqu’au-boutistes, pas encore matures, plus vraiment ados, ont apporté une fraîcheur salutaire dans la sphère post-punk.

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Une spontanéïté et une assurance qu'on se prend de nouveau en pleine face sur

Sun Coming Down

, deuxième album porté par un chant abrupt, des mélodes étriquées, instinctives et toujours réfléchies, et des refrains qui vous crachent à la gueule de bout en bout. Sauf que derrière les assauts répétés de Ought, il y a une histoire profonde, en lien direct avec les désillusions d’une génération ayant grandi dans la crise, économique et identitaire. Et ça, Tim Darçy et Ben Stidworthy ne s’en cachent pas.

Noisey : Déjà un deuxième album pour Ought. Vous n’avez pas perdu de temps depuis la sortie de More Than Any Other Day

Ben Stidworthy :

On peut dire ça, ouais. Mais il faut préciser que l’on ne s’est pas contenté de dupliquer la formule du premier album. D'une certaine façon,

Sun Coming Down

est à la fois plus aéré et plus dense. On l’a écrit en plein cœur de l’hiver dernier, après six mois de tournée. Étant donné que l’on n’arrive pas à écrire lorsqu’on est sur la route, on a accumulé beaucoup d’idées et, comme on n'avait pas grand-chose à faire d'autre, on les a retranscrites. C’est en cela que

Sun Coming Down

est différent de notre premier album.

More Than Any Other Day

a été écrit durant plus d'un an, principalement de nuit, alors que celui-ci a été essentiellement travaillé de jour durant quatre mois, à peine.

Tim Darçy : L’autre différence notable, c’est qu’on découvrait pour la première fois la difficulté de se réunir spécialement pour écrire. Le précédent album avait été composé au fur et à mesure, on ne se réunissait qu’une à deux fois par mois, entre nos cours à la fac et nos travails. Pour celui-ci, on se voyait tous les jours. Dans ce cas, j’imagine qu’il y a du avoir des moments où vous pétiez un peu les plombs, non ?
Tim : Ouais, ça arrivait. Par exemple, je me souviens avoir beaucoup ri lorsque Tim Keen a joué du violon façon Kate Bush sur « Sun’s Coming Down ». Ça avait une toute autre gueule que la version finalement retenue sur l’album. On peut revenir sur ce qui s’est passé pour vous entre ces deux albums ?
Ben : Tu sais, on a surtout donné beaucoup de concerts… Ce qu’on peut retenir de toute cette période, c’est surtout les nombreuses conversations que nous avons eu sur la route l'année dernière concernant l'approche à adopter pour le nouvel album. Le ton, la structure, les arrangements ont été les principaux points travaillés. Cela dit, lorsqu'on s'est retrouvé en studio, on n'avait plus besoin de parler. L'improvisation a repris le dessus et on a fini par trouver ce que l'on cherchait. Comme quoi, le fait d'être direct est quelque chose de fondamental chez nous.

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Tim :

Tout n’est pas le résultat du hasard, pour autant. On s’est nettement plus concentré sur l’enregistrement. Pour

More Than Any Other Day

, on avait passé uniquement trois jours en studio. Pour le second, on souhaitait peaufiner davantage certains aspects, prendre un peu notre temps avant de repartir en tournée.

La vie en tournée, justement, c’est comment pour un groupe punk ?

Ben :

Oh tu sais, je passe mon temps à lire, à écrire et à écouter de nouveaux artistes dans le van. Sinon, j’aime bien également me balader dans la ville ou me faire un bon repas avant le concert. Ce n’est pas très punk, je sais, mais ça me permet de faire le vide. Pour être tout à fait honnête, je pense appliquer la même méthode lors de notre prochaine tournée européenne en Novembre. Pour l’occasion, on sera accompagné d’un très bon groupe de Aarhus, Yung.

On dirait que depuis vos débuts, on vous rattache à la scène punk alors que vous morceaux sont souvent plus complexes que ça. Ça vous convient comme rapprochement ?

Ben :

Pourquoi ça me dérangerait ? Même si nos morceaux ne sont pas aussi violents que ceux des Sex Pistols ou des Buzzcocks, je pense que l’on partage avec ces groupes une énergie commune. Et c’est tout ce qu’il faut à un groupe punk : de bonnes guitares, une vraie énergie et un putain son de batterie.

Tim :

Et puis je préfère que l’on nous définisse comme punk plutôt que comme un groupe de art-rock, comme j’ai pu le lire parfois. C’est vraiment ridicule comme appellation. Comme si les autres formes de rock n’étaient pas de l’art.

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Punk et succès, ce sont deux mots qui ne vont pas souvent ensemble. Lorsque vous avez formé le groupe en 2012, vous vous doutiez que le groupe bénéficierait d’un tel consensus ?

Ben :

Absolument pas ! Notre premier album compilait huit morceaux que l’on jouait jusque-là dans des bars et dans des lieux undergrounds depuis un an. On ne savait pas que les gens aimeraient l'entendre et s'y intéresseraient.

Beaucoup de vos morceaux sont très orientés sur la psychologie et la politique, ce qui est assez rare dans l'indie-rock aujourd'hui. Vous vous sentez isolés ?

Tim :

Non, pas vraiment. Il y a bien quelques jours où je me sens aliéné par le marché de l'industrie musicale, où je ne sais pas si je suis à ma place, comme lorsque l’on joue sur une scène sponsorisée par Red Bull, mais, dans l'ensemble, je pense que nous sommes entourés par de très bonnes personnes, très engagés socialement également.



Sur

More Than Any Other Day

, on avait découvert à Ought, quatuor basé à Montréal et formé par trois américains (Tim Darcy, Ben Stidworthy, Matt May) et un australien (Tim Keen), des affinités avec The Fall, Pavement, les Strokes et Parquet Courts. Un héritage qui aurait pu écraser leur ambition et réduire leur premier album à un pâle ersatz, mais il n’en est rien. Mais en enchaînant les titres dans l’urgence, comme s’il s’agissait à chaque fois d’un cri qu’ils ne pouvaient retenir plus longtemps, les quatre jusqu’au-boutistes, pas encore matures, plus vraiment ados, ont apporté une fraîcheur salutaire dans la sphère post-punk.



Une spontanéïté et une assurance qu'on se prend de nouveau en pleine face sur

Sun Coming Down

, deuxième album porté par un chant abrupt, des mélodes étriquées, instinctives et toujours réfléchies, et des refrains qui vous crachent à la gueule de bout en bout. Sauf que derrière les assauts répétés de Ought, il y a une histoire profonde, en lien direct avec les désillusions d’une génération ayant grandi dans la crise, économique et identitaire. Et ça, Tim Darçy et Ben Stidworthy ne s’en cachent pas.





Noisey : Déjà un deuxième album pour Ought. Vous n’avez pas perdu de temps depuis la sortie de More Than Any Other Day
Ben Stidworthy :

On peut dire ça, ouais. Mais il faut préciser que l’on ne s’est pas contenté de dupliquer la formule du premier album. D'une certaine façon,

Sun Coming Down

est à la fois plus aéré et plus dense. On l’a écrit en plein cœur de l’hiver dernier, après six mois de tournée. Étant donné que l’on n’arrive pas à écrire lorsqu’on est sur la route, on a accumulé beaucoup d’idées et, comme on n'avait pas grand-chose à faire d'autre, on les a retranscrites. C’est en cela que

Sun Coming Down

est différent de notre premier album.

More Than Any Other Day

a été écrit durant plus d'un an, principalement de nuit, alors que celui-ci a été essentiellement travaillé de jour durant quatre mois, à peine.

Tim Darçy : L’autre différence notable, c’est qu’on découvrait pour la première fois la difficulté de se réunir spécialement pour écrire. Le précédent album avait été composé au fur et à mesure, on ne se réunissait qu’une à deux fois par mois, entre nos cours à la fac et nos travails. Pour celui-ci, on se voyait tous les jours.

Dans ce cas, j’imagine qu’il y a du avoir des moments où vous pétiez un peu les plombs, non ?
Tim : Ouais, ça arrivait. Par exemple, je me souviens avoir beaucoup ri lorsque Tim Keen a joué du violon façon Kate Bush sur « Sun’s Coming Down ». Ça avait une toute autre gueule que la version finalement retenue sur l’album.

On peut revenir sur ce qui s’est passé pour vous entre ces deux albums ?
Ben : Tu sais, on a surtout donné beaucoup de concerts… Ce qu’on peut retenir de toute cette période, c’est surtout les nombreuses conversations que nous avons eu sur la route l'année dernière concernant l'approche à adopter pour le nouvel album. Le ton, la structure, les arrangements ont été les principaux points travaillés. Cela dit, lorsqu'on s'est retrouvé en studio, on n'avait plus besoin de parler. L'improvisation a repris le dessus et on a fini par trouver ce que l'on cherchait. Comme quoi, le fait d'être direct est quelque chose de fondamental chez nous.

Tim :

Tout n’est pas le résultat du hasard, pour autant. On s’est nettement plus concentré sur l’enregistrement. Pour

More Than Any Other Day

, on avait passé uniquement trois jours en studio. Pour le second, on souhaitait peaufiner davantage certains aspects, prendre un peu notre temps avant de repartir en tournée.





La vie en tournée, justement, c’est comment pour un groupe punk ?
Ben :

Oh tu sais, je passe mon temps à lire, à écrire et à écouter de nouveaux artistes dans le van. Sinon, j’aime bien également me balader dans la ville ou me faire un bon repas avant le concert. Ce n’est pas très punk, je sais, mais ça me permet de faire le vide. Pour être tout à fait honnête, je pense appliquer la même méthode lors de notre prochaine tournée européenne en Novembre. Pour l’occasion, on sera accompagné d’un très bon groupe de Aarhus, Yung.



On dirait que depuis vos débuts, on vous rattache à la scène punk alors que vous morceaux sont souvent plus complexes que ça. Ça vous convient comme rapprochement ?
Ben :

Pourquoi ça me dérangerait ? Même si nos morceaux ne sont pas aussi violents que ceux des Sex Pistols ou des Buzzcocks, je pense que l’on partage avec ces groupes une énergie commune. Et c’est tout ce qu’il faut à un groupe punk : de bonnes guitares, une vraie énergie et un putain son de batterie.



Tim :

Et puis je préfère que l’on nous définisse comme punk plutôt que comme un groupe de art-rock, comme j’ai pu le lire parfois. C’est vraiment ridicule comme appellation. Comme si les autres formes de rock n’étaient pas de l’art.



Punk et succès, ce sont deux mots qui ne vont pas souvent ensemble. Lorsque vous avez formé le groupe en 2012, vous vous doutiez que le groupe bénéficierait d’un tel consensus ?
Ben :

Absolument pas ! Notre premier album compilait huit morceaux que l’on jouait jusque-là dans des bars et dans des lieux undergrounds depuis un an. On ne savait pas que les gens aimeraient l'entendre et s'y intéresseraient.



Beaucoup de vos morceaux sont très orientés sur la psychologie et la politique, ce qui est assez rare dans l'indie-rock aujourd'hui. Vous vous sentez isolés ?
Tim :

Non, pas vraiment. Il y a bien quelques jours où je me sens aliéné par le marché de l'industrie musicale, où je ne sais pas si je suis à ma place, comme lorsque l’on joue sur une scène sponsorisée par Red Bull, mais, dans l'ensemble, je pense que nous sommes entourés par de très bonnes personnes, très engagés socialement également.





Pouvez-nous nous parler de « Men For Miles » ? C’est une chanson très engagée, non ?
Tim :

Ah, je suis content que tu en parles. C'est une chanson anti-patriarcat. Il y a une célèbre citation de Desmond Tutu qui, lorsqu'on lui demande comment on pourrait améliorer le monde, dit simplement :

«

en laissant les femmes prendre le pouvoir.

»

C’est une phrase qui nous a marqué, sans que l’on sache réellement pourquoi. Peut-être est-ce parce que l’on sent un côté féminin en nous… Quoiqu’il en soit, il fallait que l’on se serve d’une de nos chansons pour questionner cet aspect de notre personnalité.



Dans « Beautiful Blue Skye », vous chantez : « I'm no longer afraid to dance tonight / Cause that’s all that I have left. » Vous pensez que vous avez déjà réalisé tous vos rêves ?
Tim :

C'est ironique. En fait, on veut simplement dire que l'on est à la fois utopiques et épuisés - fatigués et pourtant prêts à tout.



Cette façon de défier la mort, c'est plutôt quelque chose de commun dans le punk, non ?
Tim :

On retrouve ça chez beaucoup d’artistes, c’est vrai. Nous concernant, en revanche, je pense que ce rapport est plus complexe que ça. Lorsque je chante une telle phrase, je ne prétends pas que plus rien ne peut me rendre heureux et que, par conséquent, je peux tout à fait mourir. Bien sûr, je vis avec une certaine désillusion, un peu comme tous les gens issus de ma génération, mais ce texte est une façon pour moi de me confronter à cette crainte, de l’éloigner au maximum.



Avec tout ça, vous sentez-vous à votre place sur Constellation ?
Ben :

Constellation est l'un des rares labels actuels de renommée internationale à rester véritablement indépendant et fidèle à sa politique d’origine. Ce sont à la fois des amis et des oracles. Et c’est pareil pour les groupes du label. Radwan Moumneh de Jerusalem In My Heart, par exemple, est un très bon ami à nous, avec qui on a régulièrement l’occasion de travailler. D’ailleurs, c’est lui qui produit notre album. De même pour Carla Bozulich, avec qui nous avons joué à Montréal et dans certains lieux en Europe. C'est une référence pour nous.



Malgré le soutien de Constellation, Tim Keen et Matt ont souhaité créer leur propre label, Misery Loves Co. Ce n'est pas trop dur à concilier avec la vie du groupe ?
Tim :

Lorsqu’on est en tournée, on en profite toujours pour diffuser les productions de nos potes. Le label de Tim et Matt est une suite logique, une manière de professionnaliser un peu la démarche. Ils veulent simplement aider nos amis à faire de la musique et à la diffuser. Tout simplement parce qu'on aime beaucoup ce qu'ils font et que nous sommes fiers de la scène de Montréal.


Le deuxième album de Ought, Sun Coming Down, est disponible sur Constellation depuis le 18 septembre.


Pouvez-nous nous parler de « Men For Miles » ? C’est une chanson très engagée, non ?

Tim :

Ah, je suis content que tu en parles. C'est une chanson anti-patriarcat. Il y a une célèbre citation de Desmond Tutu qui, lorsqu'on lui demande comment on pourrait améliorer le monde, dit simplement :

«

en laissant les femmes prendre le pouvoir.

»

C’est une phrase qui nous a marqué, sans que l’on sache réellement pourquoi. Peut-être est-ce parce que l’on sent un côté féminin en nous… Quoiqu’il en soit, il fallait que l’on se serve d’une de nos chansons pour questionner cet aspect de notre personnalité.

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Dans « Beautiful Blue Skye », vous chantez : « I'm no longer afraid to dance tonight / Cause that’s all that I have left. » Vous pensez que vous avez déjà réalisé tous vos rêves ?

Tim :

C'est ironique. En fait, on veut simplement dire que l'on est à la fois utopiques et épuisés - fatigués et pourtant prêts à tout.

Cette façon de défier la mort, c'est plutôt quelque chose de commun dans le punk, non ?

Tim :

On retrouve ça chez beaucoup d’artistes, c’est vrai. Nous concernant, en revanche, je pense que ce rapport est plus complexe que ça. Lorsque je chante une telle phrase, je ne prétends pas que plus rien ne peut me rendre heureux et que, par conséquent, je peux tout à fait mourir. Bien sûr, je vis avec une certaine désillusion, un peu comme tous les gens issus de ma génération, mais ce texte est une façon pour moi de me confronter à cette crainte, de l’éloigner au maximum.

Avec tout ça, vous sentez-vous à votre place sur Constellation ?

Ben :

Constellation est l'un des rares labels actuels de renommée internationale à rester véritablement indépendant et fidèle à sa politique d’origine. Ce sont à la fois des amis et des oracles. Et c’est pareil pour les groupes du label. Radwan Moumneh de Jerusalem In My Heart, par exemple, est un très bon ami à nous, avec qui on a régulièrement l’occasion de travailler. D’ailleurs, c’est lui qui produit notre album. De même pour Carla Bozulich, avec qui nous avons joué à Montréal et dans certains lieux en Europe. C'est une référence pour nous.

Malgré le soutien de Constellation, Tim Keen et Matt ont souhaité créer leur propre label, Misery Loves Co. Ce n'est pas trop dur à concilier avec la vie du groupe ?

Tim :

Lorsqu’on est en tournée, on en profite toujours pour diffuser les productions de nos potes. Le label de Tim et Matt est une suite logique, une manière de professionnaliser un peu la démarche. Ils veulent simplement aider nos amis à faire de la musique et à la diffuser. Tout simplement parce qu'on aime beaucoup ce qu'ils font et que nous sommes fiers de la scène de Montréal.

Le deuxième album de Ought, Sun Coming Down, est disponible sur Constellation depuis le 18 septembre.