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La sélection nationale importée des Philippines

Les Azkals ont les moyens de se qualifier pour leur première Coupe d'Asie. S'ils y arrivent, ils pourront remercier leur diaspora.
EPA

La diaspora philippine a produit la moitié des Neptunes, un quart de Metallica, deux sixièmes des Avalanches, un Black Eyed Pea et le "Louis Armstrong du scratch". Mais des Philippins bons au foot ? Pas beaucoup.

Les Azkals ne se sont jamais qualifiés pour la coupe d'Asie des nations, et sont encore très loin d'une Coupe du monde. Cela pourrait bien changer pourtant, grâce à un coach germano-américain et une équipe dont le plus récent onze de départ incluait des joueurs nés en Suisse, en Espagne, au Danemark, en Allemagne, aux Emirats Arabes Unis, en Australie, à Londres, et dans le Surrey. Un jeune attaquant originaire d'Orange County était sur le banc. De Neil Etheridge au goal, à Philip Younghusband en attaque (tous deux nés au Royaume-Uni), la Fédération de football des Philippines a assemblé ce qu'on peut appeler l'équipe la plus internationale que le football ait jamais connu. Neuf des onze joueurs dans l'équipe de départ lors de leur dernier match des qualifications pour la Coupe du monde étaient nés en dehors des Philippines.

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Mais il n'y a pas de magouilles de blanchiment de joueurs "à la Timor oriental" dans le cas présent. Il s'agit plutôt du génie administratif, ce qui a impliqué de passer la planète au peigne fin pour des joueurs talentueux d'ascendance philippine.

"Bien sûr il y en a certains qui se poseront la question sur certains joueurs qui ne seraient pas complètement philippins, explique le milieu philippino-australien Iain Ramsay à VICE Sports. Mais que ce soit à moitié, au quart, ou aux trois-quarts, nous nous considérons philippins, et nous sommes honorés de représenter notre pays."

En déplacement en Corée du nord pour un match de qualification jeudi dernier contre la nation hôte, l'équipe des Azkals est par mégarde devenue un cheval de Troie qui a introduit les Occidentaux au coeur du royaume ermite. (Si Pyongyang a bien ouvert ses frontières aux touristes, il ne récupère qu'une fraction des visiteurs dont peut se targuer l'Antarctique.)

"Je n'ai aucune idée de comment on sera accueillis en Corée",

indiquait le coéquipier philippino-bavarois de Ramsay, Stephan Schröck, juste avant de prendre l'avion.

"Mais je suis sûr que les gens seront chaleureux. Nous sommes des invités, et nous respectons leur politique, et nous essaierons de nous intégrer au mieux."

"Je sais qu'ils sont très stricts sur les appareils électroniques que vous avez sur vous à l'aéroport, ajoute Ramsay. Nous aurons un guide partout où nous irons."

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Le défenseur central Amani Aguinaldo. Photo par EPA.

Schröck, dont la mère est philippine et le père allemand, joue actuellement en deuxième division allemande pour le SpVgg Greuther Fürth, ce qui en fait le plus gros nom de l'effectif.

Il est dans l'équipe des Azkals depuis 2011, même s'il a commencé sa carrière internationale dans les équipes U18, U19 et U20 allemandes. Sa décision d'intégrer les Azkals a été compliquée dans un premier temps, avant que les critères d'éligibilité internationale aient connu un relâchement de la part de la FIFA à la fin des années 2000.

Le coach des Azkals connaît tout de l'allégeance à deux nations. Thomas Dooley, l'ancien international américain, est né et a grandi en Allemagne de l'ouest, et a joué libéro chez des géants de la Bundesliga comme le Bayer Leverkusen ou Schalke 04 au milieu des années 90. Son père est un soldat américain qui était en mission en Allemagne au plus fort de la guerre froide.

Dooley pense que les Philippines ont un énorme vivier de talents potentiels ignorés dans le pays. "Nous pourrions avoir un endroit comme ce qu'a l'Argentine, où nous ferions progresser de bons joueurs", a-t-il récemment déclaré à ESPN FC.

Schröck est d'accord. "Il y a une grosse influence américaine dans le pays : basketball, hip-hop et d'autres trucs du même genre, dit-il. Mais le football arrive, et un jour le foot sera le sport numéro un aux Philippines, j'en suis à peu près sûr."

Il y a encore beaucoup de chemin à parcourir cependant. L'équipe espoir des Philippines est récemment revenue des Jeux d'Asie du sud-est sans avoir marqué le moindre point.

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La météo et les infrastructures de l'archipel représentent les principaux soucis pour les joueurs. "Avec tous les typhons et les pluies torrentielles, il est à peu près impossible d'entretenir des terrains naturels de bonne qualité", explique le buteur Kenshiro Daniels. Le joueur de 20 ans, d'Irvine en Californie (dont le père est un ancien kickboxer reconverti dans le cinéma d'arts martiaux), joue maintenant comme professionnel à Manille.

"Quand je suis arrivé la première fois, mes premiers matches se jouaient sur de l'herbe naturelle et dès qu'il s'est mis à pleuvoir, c'est devenu un dépotoir, explique Daniels. Il n'y avait aucun moyen d'y jouer un match ou d'y faire un entraînement. Depuis, il y a eu des terrains en gazon artificiel qui sont apparus, ce qui a énormément aidé. Le sport s'est déjà développé depuis que je suis arrivé il y a trois ans."

Daniels est l'un des quatre Nord-américains dans l'effectif du Kaya FC, qui a terminé quatrième sur dix du championnat philippin, la United Premier League. Chaque équipe compte environ deux joueurs locaux pour chaque étranger importé. Mais c'est une compétition naine face aux ligues japonaise et qatarienne. Son vainqueur n'a même pas droit à une place en Ligue des champions d'Asie.

Les Azkals ont finalement obtenu un match nul et vierge à Pyongyang. Cela les rapproche un tout petit peu d'une qualification pour la Coupe d'Asie des nations. Les Philippines avaient en effet remporté leurs deux premiers matches, mais s'étaient pris une déculotée par l'Ouzbékistan à domicile le mois dernier (5-1).

Une première qualification en Coupe d'Asie des nations serait une bonne récompense pour la décennie de développement du football local. Les Philippines sont passées de la 191e place a classement FIFA à la 134e au dernier décompte. Après une décennie à aller vers le haut, des petits succès semblent inévitables ou au moins sembleraient-ils mérités.

"Cette génération peut rendre beaucoup de choses possibles, explique Schröck. Nous pouvons rendre le football très, très populaire. Mais cela dépend de nos succès. Les garçons et moi tentons tout pour rapporter de la fierté au pays. C'est en tout cas ce qu'on peut promettre."

"Jusqu'où nous irons, Dieu seul le sait !"