Comment je suis devenu supporter de Liverpool grâce à Steven Gerrard

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Comment je suis devenu supporter de Liverpool grâce à Steven Gerrard

C'est l'ancien capitaine des Reds qui a allumé la flamme de ce fan sans jamais cesser de souffler dessus.
Paul Douard
Paris, FR

Pas mal de gens se foutent de la gueule des Anglais. Ils représentent une cible un peu facile : temps de chiotte, bouffe moyenne et jeunesse totalement ivre. Moi, je les ai toujours aimés ces Anglais. Je les ai toujours vus comme un peuple élevé avec des coups de poing dans la gueule qui ne veut jamais rien faire comme les autres. C'est ça que j'aime chez eux. Je les vois surtout comme dans les films de Guy Ritchie [le réalisateur de Snatch et Arnaques, Crimes et Botaniques notamment, ndlr]. Mais au beau milieu de cette île pluvieuse, un gamin de la Mersey répondant au nom de Steven Gerrard a changé ma vision du football pour toujours et m'a rendu totalement dingue des Reds.

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J'ai commencé le football à l'âge de 6 ou 7 ans, en poussin. Je m'étais inscrit au club de mon village, dans la banlieue de Blois. A l'époque, je n'avais pas d'équipe favorite, et encore moins une équipe de cœur. Déjà parce que je ne pouvais pas vraiment regarder la télévision, ensuite parce que j'appréciais plus une équipe grâce au clinquant de son maillot que sa vision du jeu, qui, à cet âge, ne m'intéressait pas trop. C'est d'ailleurs pour ça que j'ai commencé à porter le maillot du PSG aux entraînements. C'était le fameux maillot Opel. Il faut dire aussi que je n'avais pas un héritage familial de footeux et donc aucun exemple à suivre. A part l'un de mes oncles qui avait pas mal joué au foot en club, aucun de mes deux grands frères ne taquinaient le ballon rond dans une association sportive. L'un d'eux supportait l'OM je crois. Mais il n'a jamais voulu l'avouer. Quant à mes parents, ils étaient plus théâtre et chasse que Parc des Princes. Moi je m'en foutais, j'adorais le foot.

Comme dans tous les clubs amateurs, où les entraineurs sont juste des gars du coin, la composition d'équipe se fait relativement facilement. On met dans les cages le type qui aime bien porter son pantalon de gardien pour faire comme Bernard Lama. Les défenseurs sont quant à eux tous grands, gros et violents. Les attaquants sont évidemment des petits merdeux, toujours à piailler « Passe la balle ». Moi, je n'ai jamais été un joueur spécialement technique qui se regarde dans la glace en jonglant. En gros, j'aimais bien courir et je n'étais pas trop con. J'ai donc naturellement fini milieu offensif. Je ne rechignais pas à faire des efforts. Déjà, à l'époque, je détestais jouer en plein soleil. Je préférais les combats de nuit sous la pluie par -2 degrés. J'ai toujours pensé que c'était là qu'on voyait les vrais. J'aimerais beaucoup voir jouer Messi un lundi soir à Stoke City. L'Angleterre, c'était une terre promise pour moi.

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En 2005, je suis parti en voyage de classe en Angleterre avec mon lycée. C'était à Burnham-on-Sea, un trou à rats qui se trouvait à cinquante bornes de Bristol. C'était typique de l'Angleterre : vide, relativement moche et la plage ressemblait à une décharge. Tous les kids de la ville se baladaient avec un ballon et avaient une coupe en brosse typique de la classe populaire britannique. Dans la rue, tout était suffisant pour improviser des buts ou une ligne de touche. Les Anglais qui m'hébergeaient étaient fans de Bristol, équipe qui évolue aujourd'hui en Championship, la 2ème division anglaise. Un après-midi, je suis passé devant un match que le père de famille regardait avec une bière à la main. En jetant rapidement un oeil, j'ai aperçu 3 lettres en haut à gauche de l'écran de télévision : LFC.

Le match était à Anfield et les Reds affrontaient Middlesbrough. J'ai cru halluciner. Je voyais 11 types en rouge courir partout. J'ai eu l'impression de voir un autre sport. Ça courrait, ça taclait, ça gueulait. J'avais le sentiment que si un mec s'arrêtait de courir il allait s'autodétruire. Je me suis dit : « Mais c'est ça que j'ai envie de faire moi ». On voyait bien que c'était davantage un combat physique et mental qu'un combat tactique. Et ça m'allait très bien. Au milieu de cette immense bagarre organisée, un type à la coupe de cheveux brute et au short couvert de boue commençait à attirer mon attention. C'était Stevie G. Je n'avais jamais vu autant d'énergie se dégager d'un joueur. Sa technique ne me semblait pas renversante, il n'avait pas l'air d'être ce genre de joueur qui fait des feintes de corps totalement nulles et des gestes techniques inutiles, comme Douglas Costa par exemple. Par contre, sa motivation provoquait une certaine peur chez l'adversaire. Il voulait casser la gueule de tous les types qui osaient toucher le ballon. Sa vision du jeu était elle aussi impressionnante. Il semblait voir les choses de manières beaucoup plus claires que nous. Un peu comme le personnage principal dans la série The Sentinel. Ensuite, la lumière est venue. Il a frappé. Il a frappé et marqué. Il a frappé et marqué de 35 mètres, en reprise de volée extérieur pied droit.

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Je me souviendrai toujours avoir vu les fans d'Anfield se lever progressivement à mesure que le ballon se rapprochait des filets, avant l'explosion de joie. Je n'avais jamais vu une telle ambiance dans un stade. Ce fut une sorte de révélation. Comme si un extraterrestre débarquait chez moi pour me dire : « Bah oui mec, évidemment qu'on existe. Tu croyais quoi ? ». On était le 30 Avril 2005. Dorénavant, le football ce serait ça et rien d'autre.

Je sais que pas mal de personnes se foutent de la gueule des types comme moi qui supportent une équipe qui joue à 800 km de chez eux. Je vivais à Orléans, club de National. Franchement j'aurais volontiers supporté ma ville, mais sérieux, vous avez déjà regardé un match de National ?

Depuis, je ne loupe que très peu de matches de Liverpool et je ne trouve pas anormal d'écouter You'll Never Walk Alone de Gerry and the Pacemakers au réveil. Liverpool, au-delà de son skipper, ce sont surtout des valeurs qui, pour moi, incarnent le football : tout donner jusqu'à la dernière minute et l'amour du maillot. C'est aussi un public qui soutiendra son équipe jusqu'à la dernière minute et ne partira pas en sifflant si le résultat n'est pas suffisant. Il n'y a qu'à voir la finale gagnée contre Milan en 2005. Quel club sur cette planète a des fans qui chantent alors que leur équipe perd 3-0 en finale de Champion's League ? Liverpool n'a jamais été une équipe de Galactiques, et c'est ça que j'aime. Dans l'équipe, on trouve des joueurs comme Vladimir Smicer et Steve Finnan, des gars qui font le boulot sérieusement.

On trouve aussi des jeunes talentueux comme Xabi Alonso et Mascherano qui aujourd'hui ont tout gagné. Enfin, on ajoute à ça des attaquants jeunes qui veulent tout casser : Fowler, Owen, Torres, Suarez et Cissé. Avant de vous foutre de sa gueule, n'oubliez pas que Djibril a marqué un péno lors de la finale de Milan. Au milieu de ça, un Gerrard qui te motivera jusqu'à la fin. C'est l'ingrédient ultime. Liverpool avec Gerrard, ce sont des souvenirs magiques. Son doublé en finale de la Cup face au Hammers, le mythique « What a hit son ! » dans les dernières secondes face à l'Olympiakos ou encore son missile au Vélodrome face à un Mandanda qui se demande encore où est le ballon. C'était ça Gerrard. Ça pouvait partir n'importe quand, n'importe où. Il incarnait et incarnera toujours Liverpool. Cette équipe, c'est avant tout une famille qui se sert les coudes jusqu'au bout. Alors ok, il n'a jamais remporté la Premier League. Ok, il a glissé et laissé s'envoler le titre de la saison la plus incroyable que je n'avais jamais vue. Mais on sait tous qu'il gagnera le championnat comme coach de Liverpool. C'est écrit.

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