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Une brigade de police ordonne à un groupe de jeunes manifestants à moto qui
arrivaient derrière elle de reculer avant de tirer plusieurs grenades
lacrymogènes.
Culture

En Guinée-Conakry, la démocratie de la peur

Le photographe Sadak Souici revient sur l'élection présidentielle tendue de 2020 dans le pays, où Alpha Condé se présentait à un troisième mandat.

À l’occasion du festival de photoreportage BarrObjectif, le photographe Sadak Souici, collaborateur régulier de Vice, va exposer sa série sur l’élection présidentielle d’octobre 2020 en Guinée-Conakry. Pour Vice, il revient sur ce reportage au long court.


« Ce reportage retrace une année d’élection présidentielle en Guinée-Conakry, pays dont les institutions ont été mises à mal par le président Alpha Condé qui a souhaité briguer un troisième mandat au mépris de la Constitution.

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Dans les quartiers d’Hamdallaye et de Bambeto, berceaux des révoltes en banlieue de la capitale, des policiers délogent les manifestants d’une barricade et échangent des jets de pierres le long de « l’axe de la démocratie ». C’est ainsi que les manifestants ont rebaptisé la route Le Prince, cette grande avenue qui serpente à travers Conakry et sa banlieue et sur laquelle se déroulent toutes les manifestations.

Il commence par organiser un référendum pour modifier la Constitution qui limitait à deux le nombre de mandats successifs pour un président. Cette décision soulève une partie de la population et mobilise le parti d’opposition, l’UFDG.

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Youssouf Bah, tôlier dans le quartier de Wanindara, dit avoir reçu une balle de fusil tirée par des policiers alors qu’il travaillait dans son atelier.

Ce conflit politique attise également l’opposition entre les deux ethnies majoritaires de la Guinée-Conakry, les militants du RPG, le parti du président, étant principalement Malinkés, tandis que les pro-UFDG sont Peuls.

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Un policier de la brigade de choc en faction dans le quartier Hamdallaye à Conakry.

J’ai assisté à la répression féroce par les forces de l’ordre des manifestations organisées par l’opposition. Je me suis aussi intéressé au sort des blessés, soignés dans un hôpital improvisé dans la maison du chef de l'opposition, Cellou Diallo.

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Amadou (Nom d'emprunt) a été touché par une balle au pied lors d'une manifestation. Il est venu se réfugier dans un hôpital improvisé dans la maison de Cellou Diallo, le chef de file de l’opposition et président de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG).

Les partisans de l’UFDG ne peuvent se rendre dans les hôpitaux de Conakry, menacés d’arrestations. De même, les cliniques des quartiers Peuls ne reçoivent plus d’aides de l’État m’explique le directeur d’un de ces établissements.

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Des membres de la famille de Kadiatou Bah, une ménagère de 34 ans décédée suite à une fausse couche provoquée par un raid policier dans son quartier, se recueillent devant son cercueil.

J’ai pu rencontrer la section Motard UFDG, militants à moto, qui s'occupent d’encadrer les manifestations, les mariages et les enterrements comme j'ai pu le constater lors de l'enterrement de Kadiatou Bah, femme de 34 ans décédée des suites d’une fausse couche provoquée par un raid policier. Un de ces militants à moto m’a ouvert les portes de sa maison et présenté à sa famille.

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Les motards de la révolte «Section motards» de l'UFDG, l'Union des Forces Démocratiques de Guinée, principale force d'opposition du pays. Malgré sa réputation sulfureuse et l'assassinat de son président par balle, la «section» ne manque jamais à l'appel lors des mariages de ses membres, des baptêmes de leurs enfants, ou des obsèques des victimes des manifestations. Plus qu'un club de motards, il joue le rôle de sécurité sociale dans un pays où l'État n'assure pas la protection minimale de ses citoyens.

Ces liens tissés avec l’UFDG m’ont permis d’être tenu informé de l’agenda de Cellou Diallo. Lors de la campagne présidentielle, je me suis rendu à Kankan, fief d’Alpha Condé, où devait se tenir un meeting de l’opposition.

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Des manifestants pro-RPG ont bloquée la venue du candidat d'opposition à la présidentielle guinéenne Cellou Dalein Diallo à Kankan.

Des militants du président ont attaqué à la machette les quartiers Peuls et empêché le meeting. J’ai été personnellement agressé lors de cette journée, pris à parti par des militants pro-RPG.

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Portrait de Cellou Dalein Diallo à Mamou dans le centre du pays après l'attaque de son convoi prés de Kankan par les partisans RPG.

Malgré les pressions, Cellou Diallo organise une tournée dans le pays, accueilli par des milliers de personnes à son retour à Conakry. La victoire de l’opposition semblait alors possible. C’était sans compter sur la détermination d’Alpha Condé à obtenir la victoire, qu’elle qu’en soit le prix.

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Les partisans du président sortant et candidat à la présidence de la Guinée Alpha Condé, chef du Rassemblement du peuple guinéen (RPG), assistent à un rassemblement de clôture de la campagne avant l'élection présidentielle à Conakry.

Pour l’image, il organise un meeting dans le fameux stade de Conakry où j’ai pu constater que les militants présents étaient payés. Dans les faits, de vastes fraudes torpillent le résultat du premier tour. Malgré ces accusations, Alpha Condé se proclame président quelques jours après le vote, dans un climat de violence et de peur. »

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