Les « chambres d'amour » des prisons roumaines

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Les « chambres d'amour » des prisons roumaines

Cosmin Bubut a photographié la magie de ces lieux où les détenus couchent avec leur copine de l'extérieur.

Cet article a initialement été publié sur VICE Roumanie

Si vous vous êtes déjà interrogé sur la façon dont les prisonniers d'Europe de l'Est baisaient, vous êtes sur la bonne page. Pour son dernier projet intitulé La chambre intime, le photographe Cosmin Bumbut a passé ces quatre dernières années à visiter 35 établissements pénitentiaires de Roumanie – y compris ceux réservés aux mineurs et des prisons-hôpitaux – de sorte à y photographier leurs chambres réservées aux couples.

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J'ai contacté Cosmin pour en savoir plus sur la magie qui prend vie dans ces lieux à priori inaccessibles.

VICE : Comment avez-vous eu l'idée de La chambre intime ?
Cosmin Bumbut : En 2008, j'ai pu visiter le centre pénitentiaire de la ville de Aiud, où j'ai pris quelques photos des détenus, avant et après une visite conjugale. Le problème, c'est que les photos se focalisaient forcément sur les individus. J'ai eu le sentiment de m'éloigner de l'idée de base. Je voulais que le manque d'intimité dans ces lieux transparaisse plus qu'autre chose, donc j'ai arrêté de photographier les gens.

Comment font les détenus pour utiliser ces pièces ?
En Roumanie, il y a deux sortes de visites : les normales et celles qui durent deux heures, en compagnie de votre épouse ou de votre partenaire officielle, autorisées tous les trois mois. Si vous vous marriez quand vous êtes en prison, vous avez le droit d'utiliser la chambre pendant 48 heures – c'est un peu la lune de miel du détenu. Après le mariage, tu as le droit à ces deux heures chaque mois pendant un an.

Comment est-il possible de « prouver » une relation ?
Vous pouvez arguer qu'une femme est votre partenaire si elle vous a rendu visite fréquemment pendant au moins six mois et que vous vous écrivez ou vous appelez souvent. Les détenus ont l'autorisation d'appeler dix numéros différents avec les téléphones de la prison. Si le numéro de leur partenaire est dans cette liste, alors c'est une partenaire « officielle ». Si la relation commence alors que vous êtes déjà en prison et qu'elle vous rend fréquemment visite au parloir, alors vous pouvez aussi utiliser la chambre.

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Avez-vous pensé à photographier les chambres juste après leur utilisation ?
Ce n'était pas possible. Lors de mon premier shoot, j'ai demandé aux autorités si les gardes pouvaient laisser les lits tels quels. Mais quand je suis arrivé, tout le ménage avait été fait. Je suspecte les gardes de l'avoir fait, de sorte à ce que ça semble propre à mon arrivée. Néanmoins, les détenus prennent eux aussi soin de ces chambres car, sinon, ils n'y auraient plus accès.

Qu'avez-vous ressenti quand vous avez vu ces chambres pour la première fois ?
La première fois que j'ai visité l'une de ces chambres, je me suis assis sur le lit et j'ai photographié ce que pouvait voir le détenu pendant l'acte sexuel. J'étais seul et il y avait du bruit dans les couloirs. Je n'ai pas ressenti grand-chose. Je ne me suis pas demandé combien de personnes avaient utilisé le lit. C'est assez étrange d'avoir une chambre intime dans un lieu si éloigné de l'intimité.

Je trouve étrange le nom de votre projet. Ces chambres sont seulement intimes pour quelques heures et il y a tant de gens à les utiliser…
Il y a eu un moment assez drôle dans la prison de Vaslui. Un jour, j'étais censé arriver à 9h du matin, mais quand je les ai appelés pour confirmer, alors que j'étais déjà en chemin, on m'a annoncé que la chambre avait été réservée pour 48 heures et qu'elle se libérerait à 13h. Je suis donc arrivé avec beaucoup d'avance, j'ai garé la voiture et je les ai rappelés pour leur demander ce que je pourrais faire en attendant.

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Un responsable m'a dit que la chambre était libre car la femme était partie – elle s'ennuyait. J'ai trouvé ça bizarre ; ils bénéficiaient de seulement 48 heures et elle n'a pas voulu profiter des dernières heures par ennui ? Certes, leur chambre était très petite et pas très agréable, mais quand même.

Vous être tombé sur beaucoup de chambres peu agréables ?
Oui. J'ai trouvé les chambres de la prison de Satu Mare très intéressantes. La plupart d'entre elles étaient petites et situées dans la zone administrative – séparées de la zone où sont les détenus. Ça doit être une expérience très étrange pour les femmes qui viennent en visite, car pour y accéder, elles doivent passer dans un couloir de cellules. Quand les chambres sont utilisées, j'imagine que tout le monde peut entendre ce qui s'y passe et les réflexions que se font les autres détenus.

Est-ce que des détails de ces chambres ont instantanément capturé votre attention ?
Dans chaque chambre, il y a un écriteau avec des règles à suivre. On vous demande notamment d'utiliser des préservatifs (il y en a plusieurs en libre service dans les chambres) et on vous donne des indications en cas de grossesse.

Il y a aussi plusieurs objets listés. Avant son entrée dans la chambre, le détenu doit signer un papier qui le déclare pleinement responsable en cas de perte ou de vol. En cas de problème, il ne peut plus utiliser la pièce. Il y a aussi un bouton d'urgence, mais il n'a encore jamais été utilisé.

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Les chambres sont-elles décorées de façon locale ?
Certaines étaient très décorées, tandis que d'autres n'avaient quasiment rien – mais je pense que ça dépend surtout du budget de la prison et des sommes qu'elle est prête à investir. Ça dépend aussi de la fréquence des visites conjugales. Dans certains pénitenciers, il y en a seulement quelques-unes par semaine, tandis que dans celui de Gherla, la chambre est occupée quasiment tout le temps. La chambre de la prison pour femmes de Târguşor est quant à elle quasiment jamais utilisée.

Pourquoi ?
Malheureusement, il semble que les hommes rendent peu visite aux femmes emprisonnées. Une fois qu'elles sont condamnées, leur mari ou leur copain arrête de les voir. Je ne comprends pas pourquoi, mais peut-être qu'un sociologue a une explication à ça.