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Vice Blog

La colère est le sentiment le plus viral sur Internet

Vous avez déjà remarqué que lorsqu’un débilos rédige un blogpost horrible, stupide et aussi offensive que possible, celui-ci devient immédiatement l'article le plus partagé de vos comptes Twitter et Facebook ?

En gris, les interactions journalières dans un réseau social, et en couleur, le même réseau mappé selon les émotions des utilisateurs (le code couleur est le même pour la figure plus bas). Via.

Vous avez déjà remarqué que lorsqu’un débilos rédige un blogpost horrible, stupide et aussi offensive que possible, celui-ci devient immédiatement l'article le plus partagé de vos comptes Twitter et Facebook ? C'est énervant en tant que lecteur – et en tant que journaliste ayant un minimum d’intérêt professionnel à lire tous ces articles partagés – de voir que tout le monde, mères de famille comprises, bondissent sur les plateformes digitales pour immédiatement crier « BOOOO ce mec [lien] !! » alors qu'il y a des milliers d'articles plus intéressants qui atterrissent sur Internet au même moment.

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Le partage à tout crin est devenu, plus qu’un simple fait, une menace moderne. Mais aujourd’hui, une équipe de chercheurs a enfin réussi à la quantifier ; d'après une étude publiée sur le serveur pré-impression arXiv, la colère des êtres humains serait aujourd’hui plus « virale » que tout autre sentiment.

Les chercheurs de l'université Beihang de Pékin se sont intéressés à Weibo, le Twitter local qui réunit un demi-milliard d'utilisateurs. Weibo, comme Twitter, sert à la fois à choper les dernières nouvelles, et est crucial pour tout ce qui tourne autour de la politique, en particulier dans un pays dont l’État a le droit de porter plainte contre les groupes de presse et les journalistes. C'est aussi un réseau social comme un autre, ce qui veut dire qu'il est rempli de blagues, de joie et d’interactions entre utilisateurs plus ou moins violentes.

L'équipe, dirigée par Rui Fan, a entrepris de tester si l'homophilie – la similarité humaine, ou, comme l'écrit l'équipe, l'idée selon laquelle « ce qui se ressemble s'assemble » – entrainait des connexions sociales dans un réseau. Comme ils l'expliquent, « au-delà des facteurs typiquement démographiques tels que l'âge, les origines sociales, les amis en commun et les intérêts, l'homophilie inclue également des états psychologiques, comme la solitude ou le bonheur. ». Donc, en gros, la question tient en ceci : les utilisateurs de Weibo se regroupent-ils selon leurs états émotionnels ?

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Pour leur banque de données, l'équipe a réuni 70 millions de tweets postés par 200 000 utilisateurs, chacun ayant eu au moins 30 interactions (comprendre : ayant eu une influence quelle qu'elle soit) pendant la période de collecte. Ensuite ils les ont classés selon quatre émotions : colère, tristesse, joie et dégout. Comment classer émotionnellement tant de tweets ? En se servant bien entendu des émoticônes utilisées.

Ils ont divisé les 95 émoticônes basiques en quatre groupes distincts, et ont classé les trois et demi-millions de tweets de leur banque de donnés en utilisant cette échelle. Ils ont ensuite utilisé les données afin de créer une inférence bayésienne pour le reste des tweets – en gros, tel mot correspond à telle émoticône. L'équipe admet que c'est un système « simple mais rapide » et considère la précision de l'inférence comme étant « convaincante ».

Et pour finir, la conclusion : telle émoticône serait la plus successible d'engendrer une réaction de telle nature, et ensuite tel type de réactions toujours plus loin dans la chaîne de l’Internet ?

Le graphique ci-dessus montre la corrélation entre les émotions d'un tweet et sa réponse au fur et à mesure que la paire d'utilisateurs s'éloigne dans le réseau social. (Un h égal à 1 représente des utilisateurs très connectés, un h de 6 des utilisateurs très éloignés.) D'après ces données, la colère se déplace bien plus vite à travers le réseau. Comme l'écrivent les auteurs :

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« Ceci suggère que la colère serait plus à même de se répandre, notamment à cause de sa forte influence dans les périmètres égaux ou supérieurs à trois sauts. Même si des études précédentes ont prouvé que le bonheur était « associatif » dans les réseaux sociaux digitaux, la figure 3 montre que la corrélation de la colère est bien plus puissante que celle du bonheur. Cela signifie que l'information transportant des messages de haine peut se propager beaucoup plus vite ; ce phénomène est en tous points contraire à notre intuition de départ. »

La joie est toujours une émotion virale, alors que la tristesse et le dégout le sont beaucoup moins. Comme le montre Technology Review, une grande partie de la colère relatée sur les réseaux était liée à la politique, qu’elle soit nationale ou internationale. Ce n'est pas surprenant, vu que les problèmes politiques ont tendance à être populaires et entraîne systématiquement colère et frustration.

Comme le remarque Brian Fung, journaliste au Washington Post, le phénomène n'est étudié que sur Weibo, et c’est pourquoi nous devrions faire attention avant de tirer les mêmes conclusions pour les réseaux sociaux des pays occidentaux. Il ne s’agit pas du même type de frustration. La colère, particulièrement lorsqu’elle découle de problèmes politiques et sociaux, est largement transmissible ; on le voit tous les jours. La joie – toutes ces photos de chats avec des lunettes de soleil – est elle aussi très partageable, mais elle n'inspire jamais la même passion que d'autres sujets plus graves.

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Je vais aussi m'aventurer à supposer que la tristesse et le dégout ne se transmettent pas aussi bien. Les gens veulent partager ce qui les passionne ou ce qui les font se sentir intelligents, et les choses tristes, offensantes, dures ou stupides transmettent des émotions trop négatives pour rentrer dans ces catégories. Je suppose que la barrière au retweet de « Ce mec est un con » est bien plus basse que celle du « La vie c'est de la merde », peut-être parce que la tristesse et le dégout ne collent pas avec nos conventions internet soigneusement entretenues. Mais pour ce qui est de l'indignation béate et soulignée ? Internet likes ça.

@derektmead

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