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LE NUMÉRO TROMPE-LA-MORT

Circuit electric

Avant de partir te faire rissoler la couenne dans un quelconque cloaque balnéaire, pense à glisser dans tes bagages quelques grenades sonores à dégoupiller au moment opportun.

La séléction barbecue-LSD estivale : les chants peau-rouge du girly-drone duo Pocahaunted ; le hit parade de l’année 2022 ; le best-of des films de cannibales (en téléchargement libre sur http://knifefightingjesus.com/?cat=156) ; les freaks psyché de Sun Araw en live

Avant de partir te faire rissoler la couenne dans un quelconque cloaque balnéaire, pense à glisser dans tes bagages quelques grenades sonores à dégoupiller au moment opportun. Je vois déjà se profiler des amas de corps huileux qui déballent leurs surplus d’hormones au grand jour et ça m’effraie d’avance. À cet effet, j’ai confectionné une playlist spéciale canicule en hommage au Dieu Ra qui contrôle la grosse boule de feu au centre de l’Univers et ne devrait plus tarder à cramer nos petits corps frêles. Pour les recalés à Koh Lanta qui se contentent d’un poster des îles polynésiennes au-dessus de leur lit et d’un tsunami dans leur baignoire, je ne saurais que trop recommander les sorties de NotNotFun, mon label avant-zarbi préféré du moment. On y trouve des groupes prodigieux comme Pocahaunted, Sun Araw, Dolphins in the Future, US Girls, Ducktails ou les grandioses Teeth Mountain. Il existe donc bel et bien une quatrième dimension où les noise freaks convertis au new age, aux casquettes arc-en-ciel et à la danse des Sioux sous peyotl seraient devenus OPTIMISTES. Et là tu te dis, encore des branleurs néo hippies ? Eh bien tu te trompes. Regarde Pocahaunted, elles ont beau imiter des chants d’Amérindiens sur fond de drones-a-gogo, elles n’en restent pas moins vindicatives et sexy, a fortiori entourées de membres de Sun Araw, autre combo psychénervé. Le plus discret Ducktails, aka Matt Mondanile, est un homme-orchestre qui pourrait passer pour un cousin éloigné d’Ariel Pink, voire de Felt ou de Durutti Column. Sa musique regorge d’atmosphères exotiques-tropicales cheap, de muzak pop psyché gorgée de wah-wah et de mélodies électroniques évanescentes qui déraillent. Simulacres de plages idylliques, utopie baléare en carton-pâte, palmiers en plastique et couchers de soleil trop orange pour être honnête. Teeth Mountain est également une révélation absolue : leurs percussions tribales sur fond de violons couinant, de clarinette et de carambolage électronique sauvage, évoquent aussi bien White Light/White Heat du Velvet qu’une musique de transe punk et dionysiaque. Ils viennent de Baltimore, et sont infiniment plus cinglants que Dan Deacon et ses kermesses de secte Club Med. Je parie que tout le monde en parlera d’ici deux, trois ans si la foudre ne s’est pas abattue sur eux entre-temps. Dans ce cas-là, l’album Circle Snare de John Wiese servira de paratonnerre idéal. Avec ses frappes chirurgicales de computer-glitch-noise minimaliste (oui, je sais, dit comme ça c’est tout de suite moins excitant que Lady Gaga), cet album totalement fucked up est une décharge électrique élaborée avec une précision d’orfèvre qui laisse loin derrière les piteux bourrins du power electronics old school. John Wiese est au son ce que Burroughs et Gysin sont à l’écriture : un génie du cut-up abstrait et de la violence sonore affûtée à la pipette, qui dynamite tous les ­schémas musicaux préconçus. Après t’être envoyé les trente minutes de Circle Snare, tu te demandes bien s’il est possible d’aller plus loin dans la lamination sonore, et tu réalises que la musique peut avoir des effets tétanisants sur la conscience sans avoir passé dix ans à potasser Le Petit Bréviaire du misanthrope appliqué, à te coltiner les doctrines ésotériques les plus fumeuses et à tirer la gueule pour paraître mystérieux, asocial et profond. Rester « simple et funky », alors ? Pour les petites sauteries estivales, rien de mieux que le dernier album de Guido Möbius, l’Inspecteur Gadget de la scène bizarro-electronica teutonne. Gebirge donne l’étrange impression d’entendre Captain Beefheart jammer avec Prince dans un sanatorium pour tuberculeux. Contrairement aux emmerdeurs psychorigides de la minimale (« hyper mental, tu vois »), Guido Möbius se contrefout de l’esprit de sérieux et déroule une série de morceaux de funk tarabiscoté, à base de fanfare claudicante, de borborygmes vocaux, de musique concrète et de groove déconstruit bourré de handclaps et de snaredrums dyslexiques. La grosse classe. À la tombée de la nuit, les routards galactiques s’adonneront à la Science Fiction Party concoctée par Finders Keepers, une savou­reuse compilation de psychédélisme outer space issue des studios allemands les plus à la pointe de l’expérimentation électronique dans les années 1970. On y retrouve tout plein de chutes de studio et de bidules electro-pop complètement barrés par des futurs grands de la kosmisch muzik : Klauss Weiss de Niagara ou Sigi Schwab d’Embryo, et surtout le légendaire duo de producteurs Ackerman/Thusek (The Vampires of Dartmoor, réédition tout aussi indispensable sur le même label). Les morceaux sont bourrés ­d’effets de voix robotiques vintage et d’embardées de synthés analogiques à la White noise. Avec des titres aussi évocateurs que « Visitors of A.D. 2022 » ou « Hit Parade in the Light Year 25 », tu n’auras plus à te soucier de ton corps urticarien recouvert d’algues pélagiques, de méduses flétries et de grains de sable mazouté : le groove de l’espace t’aura happé loin de ce monde déliquescent. Sur ce, je vais me réécouter la bande-son de Cannibal Holocaust et de Cannibal Ferox là-haut sur la Montagne Sacrée et on reparle de tout ça à la rentrée. Allez, bon barbecue. EVA REVOX POCAHAUNTED (with Bobb Bruno & Cameron Stallones) – Passage (Troubleman Unlimited)
DUCKTAILS – Ducktails (NotNotFun)
TEETH MOUNTAIN – Live On (NotNotFun)
GUIDO MÖBIUS – Gebirge (Karaoke Kalk)
JOHN WIESE – Circle Snare (No Fun Productions)
V/A SCIENCE FICTION DANCE PARTY (Finders Keepers)
V/A EAT ME! BEST OF THE CANNIBAL MOVIE SOUNDTRACKS (Sharity Surfin’)