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LE NUMÉRO 4-ACO-DMT

Circuit Electric

Dub, disco et noise sont les mamelles du futur. Pour t’en convaincre, commence par rouler un spliff de weed coupée au plutonium, et colle toi au casque l’EP d’Architeq sorti sur Tirk. Ce jeune producteur londonien a la classe d’un Autechre en tongs...

De gauche à droite: le grand Ron Hardy et le petit Pilooski, un Cubain suédois avec son chameau et un vinyle contre l’insomnie.

Vous avez remarqué, on refait la fête ces temps-ci. À la faveur de ces nouvelles radiations disco, l’esprit de feu Ron Hardy est redescendu sur Terre. Dans les early 80’s, ce Monsieur Plus du mix rudoyait les clubs gays de Chicago avec ses croisements aventureux, où l’italo côtoyait le krautrock et la new wave importés d’Europe. Ce pionnier de la house a mis à jour les vertus hypnotiques, voire aphrodisiaques, de certains morceaux, en leur faisant subir des traitements radicaux : une paire de ciseaux, un rouleau de scotch, l’art du copier-coller sur bande magnétique, une technique jusqu’alors confinée aux laboratoires de musique concrète, pas vraiment au fait des dernières tendances cuir et disco. En triturant ainsi les morceaux (allongement des parties instrumentales, ralentissement et accélération du tempo, passages joués à l’envers…), Hardy a démocratisé la notion d’edit, qui allait faire des émules chez les apprentis producteurs de dance music. Happé par le sida en 1991, Hardy ne se doutait sûrement pas que vingt-cinq ans plus tard, sa technique allait se propager dans les clubs du monde entier. Et c’est avec l’émotion du premier gobage d’ecstasy qu’on exhume sporadiquement (environ chaque année bissextile) des bootlegs de sa Muzic Box, dont le 3e volume, distillé au compte-gouttes, contient l’edit du No Way Back d’Adonis. Parmi ces nouveaux ambassadeurs de l’edit adapté à la technologie home studio (soit un PC bourré de softwares crackés), se trouve notre ami Pilooski, mascotte du Dirty Sound System. D’un obscur single Northern soul à une pépite cosmic disco, de The Alan Parsons Project à Frankie Valli en passant par Can, chaque morceau qui lui passe dans les mains se transforme en supernova psychédélique, criblée de handclaps et d’effets électroniques tordus, ravivant l’essence S-O-U-L de la dance. Son dernier projet en date, Discodeine, une collaboration avec Morando, le savant fou de l’electronica baroque (Octet et Pentile, c’est lui), est un ovni avant-disco morriconesque qui sonne comme du Passarani mariné dans un sauna turc fréquenté par des geeks moustachus. Et si vous n’avez pas encore chopé son edit du «Gemini» de Del Shannon, et que son remix de Von Südenfed (Mark E. Smith vs Mouse on Mars) ne vous a pas encore vrillé le crâne, vous n’avez plus qu’à partir tâter du bâton fluo au Metropolis. Vice: Ca fait quoi d’être le king de l’edit? Pilooski: Au début, on se la raconte un peu, et puis on s’habitue… Qui sont tes mentors? Ennio Morricone, Bob Marley, Tupac Shakir, Lio et le mime Marceau. C’est quoi ton edit ultime? Un edit de My Bloody Valentine que je sortirai jamais pour éviter les embrouilles. Il paraîtrait que Mark E. Smith veut ta peau depuis que tu as fait joujou avec sa voix sur le remix de Von Südenfed… Je déteste The Fall, un truc qui sent la brique rouge humide avec un mec qui râle parce que les pubs ferment à 11h. Toi qui es un collectionneur assidu, peux-tu nous sortir une ou deux pochettes de derrière les fagots? Celle de Sabu Martinez, un Cubain émigré en Suède, qui pose avec un chameau en laisse. T’en as pas marre de la disco? Non, la disco est en moi. Elle me parle. Un truc qui fait danser les filles jusqu’à l’épuisement, et éventuellement jusqu’à ce qu’elles s’embrassent entre elles. Une musique qui fait vibrer les écoles de commerce, les boulangers et les roumains, enfin tu vois, quoi. C’est quoi tes prods/edits/remixes sous le coude? Le vol 8 des Dirty edits, un morceau de booty/gogo 80’s, un truc de soul pour Stones Throw, un autre de techno énervée pas funky, un album de Discodeine pour D*i*R*T*Y, des trucs de pop… La pop, c’est des vraies chansons, c’est l’avenir. Et puisqu’on est en plein trip néo-disco intergalactique, profitons-en pour vous recommander les productions de Dissident, un micro-label anglais dont chaque maxi révèle une perle futuriste. Entre le synth-funk de Binary Chaffinch et le dub technoïde avant-gardiste d’Invincible Scum (le projet solo de Milo Smee, batteur de Chrome Hoof), nous voila parés pour affronter une armée de robots démantibulés prenant d’assaut une soucoupe volante pilotée par Giorgio Carpenter. Après une bonne suée discoïde, quoi de mieux qu’une petite séance d’hypnose à domicile? Le plasticien Vincent Epplay—adepte du détournement sonore, du piratage d’ondes radio et des dispositifs d’écoute inédits—a mis au point un objet d’art décalé conçu comme un novelty record à l’ancienne: un vinyle 10" contre l’insomnie sorti chez Stembogen, sous-titré: «Méthode pour choisir son niveau de réalité en période d’intense propagande démocratique.» Un clone de Dominique Webb qui aurait avalé quinze Tranxene vous somme de dormir sur fond de boucles électroniques flippantes censées provoquer la somnolence. Les notes de pochettes nous informent que: «Ce disque multifonction vous permettra de connaître plusieurs expériences nouvelles, de déplacer votre point de vue et de sortir des champs magnétiques de contrôle intergouvernementaux.» En ces temps de lavage de cerveau intensif, l’agit-prop arty détiendrait-elle les clés d’un monde moins lobotomisé? EVA REVOX
Ron Hardy, Muzic Box Classics v3 (Partehardy Records)
Discodeine, Texas Gladiators ep’ (DL08/Discograph’)
Pilooski, Dirty edits vol.8 (Dirty)
Binary Chaffinch, False Energy/Invincible Scum, Shake it Up (Dissident)
Vincent Epplay, Le Disque contre l’insomnie (Stembogen/104)