Comme je ne sais pas si vous avez parfaitement suivi les dernières évolutions de la scène géopolitique mondiale, il est toujours bon de vous rappeler que la Corée du Nord souhaite accéder à l'arme nucléaire depuis plus d'une vingtaine d'années – afin de faire partie du cercle très fermé des puissances nucléaires, au même titre que la Russie, les États-Unis, la Grande-Bretagne ou encore la France. Après de nombreux essais plus ou moins fructueux, le pays dirigé d'une main d'acier par Kim Jong-un semble être en passe de lancer un engin nucléaire à tout moment. Le pouvoir n'hésite plus à menacer son voisin sud-coréen – ainsi que son allié de toujours, les États-Unis.
Publicité
Aujourd'hui, selon certains experts, la Corée du Nord est en mesure de lancer des missiles capables de transporter une tête nucléaire, à l'image du missile balistique intercontinental Kwangmyongsong – capable d'atteindre Los Angeles, selon une étude datée de février dernier. D'autres analyses récentes laissent entendre que d'ici 2020, la Corée du Nord possédera une tête nucléaire « fiable » susceptible de toucher les États-Unis. Pourtant, selon Rodger Baker, spécialiste du cas nord-coréen au sein de Stratfor, une société spécialisée en analyse de risques-pays, l'important n'est pas de savoir quand les bombes nucléaires nord-coréennes seront opérationnelles. « Je suis quasiment certain qu'ils peuvent frapper les États-Unis dès aujourd'hui », avance-t-il.En d'autres termes, la Corée du Nord est prête à foutre un sacré bordel, même si sa capacité à sortir vainqueur d'un conflit nucléaire semble aussi probable que la victoire de Jeremy Irons aux Oscars 2017 pour son rôle dans Assassin's Creed – sait-on jamais, sur un malentendu…Il y a quelques mois, dans le cadre d'une étude menée pour le compte de Stratfor, Rodger Baker et son équipe s'intéressaient à la possibilité d'une attaque préemptive de la part des États-Unis afin de faire disparaître l'arsenal nucléaire nord-coréen. Dans cette optique, Rodger m'a aidé à imaginer ce qui pourrait se passer si, un jour, la Corée du Nord décidait de passer à l'attaque. Si vous imaginez des généraux américains en train d'appuyer sur de multiples boutons pour faire intégralement disparaître le pays des Kim de la face du monde, eh bien, vous êtes un bien piètre stratège.
Publicité
Étape 1 : les États-Unis comprennent ce qui se passe bien avant le lancement
Publicité
Selon Rodger Baker, il est difficile d'imaginer qu'une attaque nucléaire nord-coréenne puisse surprendre les États-Unis et leurs alliés. « Si une attaque venait à avoir lieu, tous les systèmes de défense seraient activés, rappelle le spécialiste. Les navires japonais porteurs de missiles défensifs entreraient tout de suite en action. »Place à l'étape 2.On dit souvent que la meilleure défense est l'attaque. Selon des spécialistes en géopolitique de l'université George Washington, si des espions avaient des preuves de l'imminence d'une attaque nucléaire nord-coréenne, les responsables américains n'hésiteraient pas une seconde à frapper Pyongyang avant de justifier cette décision devant l'ONU grâce à l'argument de la « menace imminente pour la sécurité du pays ».Une telle décision n'impliquerait même pas une décision de Donald Trump, selon Rodger Baker. « Je suis sûr qu'une frappe préemptive serait validée par des militaires, sans forcément passer par le pouvoir politique », affirme-t-il. Le problème serait de justifier une telle frappe auprès de certains acteurs internationaux, comme la Chine, la Russie voire la Corée du Sud. « Si on aborde le problème sous l'angle politique, avance Rodger Baker, il vaudrait mieux détruire le missile une fois dans les airs plutôt qu'au sol. »Il est tout de même peu probable que les États-Unis acceptent qu'un missile nord-coréen se balade dans les airs pendant ne serait-ce que quelques secondes.
Étape 2 : les États-Unis et le Japon lancent une frappe préemptive
Publicité
Étape 3 : un missile est dans les airs
Étape 4 : les États-Unis et le Japon tentent d'abattre le missile avant qu'il touche le sol
Publicité
Mais admettons que les Japonais se loupent et que le missile s'éloigne en direction des États-Unis. Dans ce cas-là, l'interception devra être effectuée par la défense antimissile américaine, basée en Alaska. Malheureusement, ce système est perfectible. « On ne pourra jamais être sûr à 100 % de l'efficacité de notre défense antimissile », précise Rodger Baker.Il faudrait tout de même un sacré concours de circonstances pour que la Corée du Nord arrive à ses fins. Après, il faut avoir en tête que les capacités militaires du pays ne font que s'accroître et que ce n'est qu'une question de temps avant que Pyongyang soit doté d'armes assez flippantes, comme des missiles portant de nombreuses têtes nucléaires qui partiraient dans plusieurs directions.C'est sans doute l'une des raisons qui font que Trump devrait y aller mollo avec la Chine. Selon Rodger Baker, il est tout à fait possible que dans le cas d'une attaque nord-coréenne, la Chine intervienne pour tenter de prévenir le déclenchement d'une nouvelle guerre de Corée.« La Chine a déjà sous-entendu par le passé qu'en cas d'attaque nord-coréenne elle n'hésiterait pas à intervenir militairement dans le pays et à prendre le contrôle à Pyongyang afin de calmer le jeu, avance Rodger Baker. Je crois que les Chinois savent parfaitement qu'un conflit nucléaire mondial serait désastreux pour eux, d'autant plus face aux États-Unis. »
Étape 5 : la Chine entre en jeu
Publicité
D'autres spécialistes rejettent l'analyse de M. Baker et affirment que la Chine n'hésitera pas à soutenir son allié nord-coréen. Joel S. Wit, spécialiste des relations américano-coréennes à la John Hopkins School, a affirmé dans le New York Times qu'un retournement de veste de la part des Chinois était peu probable. Si Xi Jinping pousse son allié à abandonner l'arme nucléaire, il n'entend pas l'isoler pour autant. « Une Corée unifiée et alliée à Washington serait une très mauvaise nouvelle pour Pékin au vu de la rivalité entre les deux superpuissances en Asie », écrivait-il.Donald Trump a déclaré en avril dernier qu'il n'excluait pas la possibilité de recourir à l'arme nucléaire pour éliminer l'État islamique. On pourrait donc supposer que dans le cas d'une attaque nord-coréenne – réussie ou non – il n'hésiterait pas à raser le pays de la carte. Et pourtant, Rodger Baker en doute.« Pour moi, c'est inenvisageable. La Corée du Nord n'est pas une grande puissance militaire, et la taille de la péninsule coréenne est réduite. Larguer une bombe atomique sur le pays empêcherait sa renaissance rapide et, surtout, mettrait en danger la Corée du Sud, notre alliée. » En lieu et place de cette stratégie un poil cavalière, Washington pourrait privilégier « le lancement d'un missile de croisière dévastateur puis une campagne aérienne visant à détruire l'ensemble de l'artillerie nord-coréenne située sur sa frontière méridionale », l'idée étant d'empêcher Pyongyang d'utiliser son artillerie et ses systèmes de lancement de missiles mobiles. Cela permettrait aux États-Unis de mettre à genoux le pays sans intervenir directement dans la région.Maintenant que les deux camps ont déclaré ouvertement la guerre, revenons-en à l'étude de Stratfor que j'évoquais plus haut. En fait, « les premières heures du conflit seront essentielles pour la Corée du Nord, précise M. Baker. C'est là qu'elle devra utiliser toutes ses ressources, notamment des armes chimiques, afin de rendre impossible une quelconque action américain ou sud-coréenne au sol et d'infliger le plus de dommage possible à la partie septentrionale de la Corée du Sud. » Une telle décision pousserait les États-Unis à intensifier leurs frappes – ce qui ne laisserait que peu d'espoir à Pyongyang.« On peut s'avancer sans mal et dire que dans l'hypothèse d'un conflit entre la Corée du Nord et les États-Unis, voire d'un conflit entre les deux Corées, la dynastie des Kim connaîtrait ses dernières heures », conclut Rodger Baker.