J’ai rencontré Gabriel Nadeau-Dubois à côté du mystérieux Politburo
Photo : Justine de l'Église

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politique

J’ai rencontré Gabriel Nadeau-Dubois à côté du mystérieux Politburo

Heureusement, le comité de propagande lui a permis de nous parler.

Ces derniers jours n'auront pas été sans remous, mais cela n'empêchera pas Gabriel-Nadeau-Dubois de faire une entrée remarquée à l'Assemblée nationale la semaine prochaine.

J'ai rencontré l'ancien porte-étendard des carrés rouges au lendemain de sa victoire écrasante dans le comté de Gouin, à Montréal, où il a récolté près de 70 % des voix.

Ç'a été l'occasion de revenir sur son parcours et de parler d'avenir, mais aussi d'éclaircir les circonstances du scandale de la semaine dernière, où le Parti québécois (PQ) s'est montré virulent à l'égard de Québec solidaire (QS).

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Après un refus des solidaires de s'allier au PQ, et après que QS ait récusé sa signature au bas d'une feuille de route pour atteindre la souveraineté qui réunissait quatre partis (QS, PQ, Option nationale et Bloc québécois), les tensions étaient à leur comble.

Les attaques ont fusé chez les péquistes; on a même accusé Québec solidaire d'être gouverné en secret par un Politburo, nom donné à l'obscure instance communiste qui dirigeait l'URSS.

Fatigué, mais content de son triomphe, Gabriel Nadeau-Dubois terminait un sprint d'entrevues quand je l'ai rencontré dans le « salon bleu » du quartier général de QS - nom ludique que les solidaires ont donné à une petite salle contenant trois fauteuils et un mur bleu (mais pas de crucifix).

VICE : Tu as gagné ton élection avec presque 70 % d'appuis. C'est quand même plus que l'appui qu'a récolté Vladimir Poutine, c'est plus que l'appui au président Turc Erdogan et sa réforme constitutionnelle, et c'est juste 30 % de moins qu'en Corée du Nord. Es-tu à toi seul un régime totalitaire et on ne le savait pas?
[Rires] Non, non! Je ne pense pas! J'espère pas. Sans blague, je pense qu'il faut voir ce pourcentage-là comme un vote de confiance à l'égard de Québec solidaire. Même les observateurs les plus optimistes ne nous donnaient pas des chiffres comme ça. C'est vraiment magnifique. Ça donne un peu le vertige! Mais en même temps, je sais que j'arrive à Québec avec une vraie légitimité.

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Beaucoup de choses ont été dites la semaine dernière au sujet de QS. Notamment, que ta victoire serait vide. C'est le cas?
Non. On a fait campagne de la même manière que s'il y avait eu un candidat du Parti québécois. On a travaillé d'arrache-pied, et c'est ça qui a fait la différence. On avait 300 bénévoles, on a distribué 25 000 dépliants, on a rencontré des milliers de personnes.

C'est loin d'être une victoire vide; le vote libéral s'est effondré! Ils avaient fait près de 20 % à la dernière élection [NDLR : 17,8 %], et ils n'ont même pas franchi 9 % cette fois-ci. Il y a clairement un signal envoyé aux libéraux, il y a une réelle insatisfaction.

Te voilà désormais élu. Quelle est la première chose que tu vas faire en tant que député?
Je vais m'asseoir avec l'équipe de Françoise [David] et m'occuper des dossiers les plus urgents qui ont été mis de côté depuis sa démission. Je vais notamment m'assurer que le suivi soit fait au niveau de notre appui aux groupes communautaires dans le quartier.

Après ça, quand je vais arriver à Québec, ça va être la préparation de ma première question. J'y réfléchis encore. Ça me tente peut-être de parler d'éducation, mais je ne suis pas fixé encore.

Avant de parler d'avenir, je voudrais revenir aux événements de la semaine dernière. Qu'est-ce qui s'est passé avec la feuille de route des forces souverainistes ?
Notre délégation autour de la table du OUI Québec a fait une erreur. On aurait dû dire clairement à nos partenaires que cette feuille de route devait être proposée, discutée et entérinée par nos membres avant qu'on aille plus loin dans le processus. Et on aurait dû consulter les instances du parti avant d'aller plus loin. Ça n'a pas été fait, et c'est ce qui a créé la confusion.

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Mais c'est une erreur faite de bonne foi. À Québec solidaire, tout a été fait dans la plus grande transparence, en respect de nos procédures. Il n'y a pas eu de complot, de sabotage, ou de manoeuvre politique occulte.

De toute évidence, il y a des gens à l'extérieur du parti qui ont décidé de monter cette histoire en épingle. Il y avait des gens qui avaient envie de faire le procès de Québec solidaire pour d'autres raisons…

… Comme un refus de s'allier pour vaincre les libéraux?
Oui. Et qui ont décidé de s'emparer de cette histoire et d'en faire un scandale. Je ne veux pas accuser quiconque de mauvaise foi. Je pense qu'il est temps de tourner la page et de retourner à notre travail politique.

On va se rasseoir autour de la table avec OUI Québec pour réexpliquer cette erreur, et poursuivre les discussions, parce que selon nous, cette feuille de route est encore à travailler.

Par curiosité, si on parle de Politburo, c'est ici, ça?
[Sourit] Je pense qu'en théorie, c'est ici? Là-bas, c'est les comms, fait que ce serait l'organe de propagande du Politburo. Il y a notre coordonnatrice qui est là… Il y a le bureau de la présidence, là, donc c'est vraiment le vrai bureau du Politburo.

Ahhh d'accord.
Il y a beaucoup de blagues du Politburo depuis quelques jours. Il y a beaucoup de memes qui ont été produits à l'interne. C'est des attaques qui sont tellement exagérées et caricaturales. Habituellement, ça vient des libéraux. Là, c'est des péquistes. Mais ça ne change rien, on est habitués. Ça fait 10 ans à Québec solidaire qu'on se fait traiter de communistes. Je fais confiance à l'intelligence des gens.

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Attachée de presse, Élise Tanguay : Et c'est des mots que tout le monde ne comprend pas nécessairement…

GND : Politburo…

Élise Tanguay : C'est pas très mainstream

Je dois avouer que j'ai dû googler. Mon secondaire 5 était loin, je m'excuse.
GND: C'est recherché, comme insulte!

Sinon, au sujet de cette alliance avec le PQ qui est tombée à l'eau… est-ce que le PQ s'est nui en poussant pour que les militants se prononcent tout de suite?
La décision aurait probablement été prise de toute façon, mais c'est le genre d'attitude qui n'a pas aidé. Ça donnait l'impression que le PQ regardait Québec solidaire de haut, qu'il se permettait de dicter le rythme du processus. Ç'a été très mal reçu. Ça fait partie des gestes qui ont grugé la confiance entre les deux partis.

Qu'est-ce qu'il faudrait que le PQ fasse pour que les militants de QS veuillent s'allier avec eux?
Un élément qui a beaucoup éloigné le PQ de Québec solidaire, c'est le débat sur l'identité. À l'automne, Québec solidaire avait répondu à la main tendue du PQ en mettant des conditions. Une d'elles, c'était de mettre en veilleuse ce débat, qui est celui qui a le plus divisé les progressistes et indépendantistes depuis des décennies.

La stratégie de Jean-François Lisée, ça a été l'inverse complètement. À deux semaines du congrès, il a envoyé une lettre à Québec solidaire qui disait qu'il ne changerait pas sa politique. Alors là, il ne se donnait pas beaucoup de chances pour que ça marche, la convergence…

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Comment allez-vous renverser les libéraux en 2018, maintenant?
Je refuse de croire que le 30 ou 35 % de gens qui votent libéral, ce sont des gens qui vont voter libéral pour l'éternité. Ils vont changer d'idée si on leur propose une alternative. Je pense qu'on est capables, par notre discours rafraîchissant et inclusif, d'aller chercher des gens qui, pour toutes sortes de raisons, ont voté libéral dans les dernières années.

Si la tendance se maintient, vous aurez quatre sièges à la prochaine élection. J'imagine que ce n'est pas ça que vous visez.
Bien sûr que non. Il est beaucoup trop tôt pour donner des chiffres, mais on veut augmenter significativement notre nombre de députés. Il y a définitivement un momentum derrière QS en ce moment. C'est impossible de le nier.

Et pourquoi c'est toi que Québec solidaire est venu chercher?
Je pense que Québec solidaire est à un moment charnière de son histoire, après une première décennie où le parti a fait ses preuves. On passe à la deuxième étape de notre histoire : la marche vers le gouvernement.

Et toi tu étais nécessaire dans cette roue-là.
Je ne crois pas que c'était nécessaire. C'est peut-être un des éléments qui font que Québec solidaire est vraiment… avec les 6000 nouveaux membres, la victoire d'hier, les sondages qui sont en montée, avec le financement qui va mieux que jamais dans l'histoire du parti, tous ces signes-là, ce sont des signes qu'il se passe quelque chose à Québec solidaire.

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Que veux-tu accomplir dans ta carrière politique, qui va te faire dire « Voilà, mon travail est fait »?
Je veux travailler pour plusieurs années à la création d'un grand mouvement politique au Québec, autour de Québec solidaire. Je pense que c'est possible. Il y a plein d'exemples à travers le monde : Bernie Sanders aux États-Unis, Jean-Luc Mélanchon en France, [le parti] Podemos en Espagne. Il y a un vent qui souffle à travers le monde, et je pense qu'au Québec, QS peut être l'incarnation de ce changement.

Et en termes d'objectifs concrets, qu'est-ce que tu vises? Donne-m'en trois.
Si dans les prochaines années… que ce soit Québec solidaire ou non qui le mette en place, si on est capables d'augmenter le salaire minimum à 15$.

De… c'est dur à choisir! D'ici une vingtaine d'années : sortir de notre dépendance au pétrole. Et mettre sur pied une assemblée constituante pour réformer en profondeur la démocratie québécoise et le fonctionnement politique du Québec. On aura fait de très grandes choses. On pourra être très fiers.

Je suis quand même surprise que tu n'aies pas parlé de gratuité scolaire.
Ben, j'ai dit que c'était dur à choisir! J'y crois énormément, comme j'y ai toujours cru. Mais si on m'en donne juste trois, ce sont ces trois-là.

En terminant. C'est ta fête demain.
Tout le monde le sait!!!

C'est écrit sur Wikipédia.
C'est vrai. 27 ans.

Est-ce que tu vas virer une grosse brosse, célébrer en dormant comme s'il n'y avait pas de lendemain, ou tu vas binge watch la nouvelle saison de House of Cards?…
House of Cards, j'ai aimé les premières saisons, mais les dernières j'ai décroché complètement. Je reste un fan de West Wing. Je suis un traditionaliste.

Demain, j'ai un souper super simple avec quelques amis. Mais samedi j'ai prévu une fête en bonne et due forme pour célébrer mon anniversaire et mon élection.

Et ça, tu t'en souviendras plus.
Ehhhhhhhh. Ça se peut. Ça se peut vraiment. J'ai des amis de longue date avec qui je militais bien avant que la grève me tombe dessus, et que je devienne une personnalité publique. Ce sont des partenaires de lutte avec qui j'ai bien envie de célébrer.

Le contenu de cette entrevue a été édité à des fins de concision.