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On a testé la MDMA et la coke qu’allaient prendre des filles dans un festival

Selon des études, on ne connaît pas bien les substances qu'on consomme. Alors j'ai acheté une trousse d'analyse et je suis allée dans un festival pour voir ce qu'il en est.
Toutes les photos : Alice Zoo

La psyché humaine est une chose étrange et puissante. Une personne normalement rationnelle peut prendre des décisions qui défient toute logique : ne pas vérifier la composition chimique de l'ecstasy qu'elle projette de prendre au cours du week-end, par exemple. Pourtant les analyses de votre stock peuvent être d'importance vitale. Ignorer à quel point ce que vous allez prendre est fort peut changer une agréable soirée à sniffer de la poudre sur le crâne d'un copain en virée en ambulance. Ou pire.

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Dans les dernières années, plusieurs décès sont survenus dans des festivals de musique au Royaume-Uni, une tendance que des militants associent à la pureté croissante des drogues. En août dernier seulement, deux ados sont morts en quelques jours des suites de ce qui serait une surdose.

Ces deux décès très médiatisés n'ont pas échappé aux militants en faveur de politiques portant sur les drogues. Les défenseurs de la réduction des méfaits — approche selon laquelle on reconnaît qu'il y aura toujours des gens qui prendront des drogues et qu'il vaut mieux leur fournir du soutien — commencent à mettre en place de nouvelles mesures dans les festivals.

Au Royaume-Uni, Secret Garden Party s'est inscrit dans cette approche en étant le premier festival à offrir des analyses de substances. L'organisme The Loop, qui offre des analyses scientifiques, a géré une installation sur le site du festival. Mais cette idée n'a pas fait son chemin jusqu'au Canada ou aux États-Unis, en partie à cause des litiges potentiels. Des analyses de substances dans les festivals pourraient conduire, selon certains, à des cauchemars juridiques pour les organisateurs si un festivalier fait une surdose ou décède. Les deux ados décédés étaient des garçons, mais de plus en plus de données indiquent que les filles seraient en général plus susceptibles de subir les effets néfastes de la consommation de drogue. Selon le Global Drugs Survey de 2016, les femmes courent trois fois plus de risque que les hommes d'être hospitalisées des suites d'une surdose de MDMA. En 2014, on a relevé que 73 % des femmes demandaient à des amis de leur procurer des drogues, contre 57 % des hommes. « Par conséquent, elles en savent assez peu sur la préparation », estime le Dr Adam Winstock du Global Drugs Survey. « Elles peuvent ne jamais avoir pris un comprimé ou une poudre auparavant. Ce peut être leur copain ou un type dans un party qui leur dit : "Tiens prends une moitié du comprimé." » Comme la pureté de la MDMA serait à un sommet de tous les temps au Royaume-Uni (The Loop estime qu'elle est à 83 %), il est vital que les femmes connaissent la puissance de ce qu'elles prennent. À condition qu'elle ne soit pas coupée avec des produits toxiques, prendre une substance moins pure peut être mieux. La mort tragique d'une fille de 15 ans, Martha Fernback, qui avait consommé de la MDMA pure à 91 %, montre que l'ecstasy trop puissante peut être fatale.

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Qu'importe ce que vous pensez de la consommation de drogue — et mentionnons qu'il n'existe pas de drogue sans risque —, des données suggèrent que l'analyse des substances est le meilleur moyen de prévenir les incidents. C'est pourquoi, un après-midi du mois d'août, je me suis rendue à un important festival au Royaume-Uni pour y installer mon propre laboratoire d'analyse de drogues. J'ai déterminé la pureté des drogues de festivalières pour voir si elles savaient vraiment ce qu'elles s'apprêtaient à consommer.

L'utilisation de ma trousse d'analyse EZ Test était assez simple. Tout ce que j'avais à faire, c'est de comparer le résultat à une charte de couleurs pour connaître le pourcentage de pureté (ou d'impureté) d'une substance. Il ne me fallait qu'environ 30 secondes. Pour la coke, plus la couleur est foncée, plus le produit est pur. Mais la plupart des filles semblaient avoir choisi la MDMA. La qualité des échantillons que j'ai analysés était plutôt faible : de 20 à 40 %. Par chance pour moi — et pour la fille qui avait caché sa coke dans un tampon —, la sécurité au festival était relâchée. J'ai pu entrer avec mon matériel sans problème. Pour éviter de mettre en évidence la consommation de drogues dans un festival en particulier, on ne le nommera pas. Disons que c'était un festival d'un jour à Londres où se produisaient surtout des groupes de dance.

Trouver un coin semi-privé dans un festival envahi par des milliers de personnes n'est pas chose aisée. J'ai essayé de repérer des festivalières équipées de bouteilles d'eau. En plus des sucettes et des T-shirts acid house, s'il y a une chose qui trahit les raveurs partout dans le monde, c'est la bouteille d'eau qu'ils tiennent fermement dans leur main moite. Sans surprise, plusieurs se sont méfiés quand je les ai approchés avec mon matériel en leur demandant s'ils avaient de la drogue. Une fille a regardé dans tous les sens comme si elle s'attendait à voir des policiers surgir. Mais beaucoup ont joué le je.

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Hari, 25 ans, Londres, recruteuse

Résultat de l'analyse : MDMA de faible qualité BROADLY : Qui a acheté ta MDMA?
Hari : Moi. J'ai dépensé 100 livres sterling pour 3,5 grammes. Je suis la baronne de la drogue dans mon groupe d'amis! On revient demain aussi. Je leur ai procuré de la kétamine. On va tester sa pureté. Si c'est de la merde, vous allez en prendre pareil?
Elle marche et comme tu peux voir, je suis gelée comme une balle. C'est assez faible. Tu en prendras encore?
Oui, j'en ai plus dans mon sac. Je vais continuer à en acheter de mon revendeur. Raconte-moi la fois où tu as été le plus défoncée.
J'avais du 25-i. Ça te fait un peu perdre et reprendre connaissance. C'est vraiment troublant. J'ai vu la tête d'une femme et elle était immense. J'ai dit à mon amie : « Est-ce que cette femme a vraiment une aussi grosse tête? » J'ai dû sortir du bar. Je me suis assise contre un mur. Je pouvais sentir que je me parlais à moi-même, que j'essayais de me calmer. J'ai compris que j'étais dans un sale état quand un sans-abri est venu me voir et m'a demandé si j'étais OK. Je voyais dans son visage qu'il était désolé pour moi.

Kerry, 21 ans, Londres, administratrice

Résultat de l'analyse : cocaïne de haute qualité. BROADLY : C'est vraiment de la bonne, Kerry.
Kerry : Je suis surprise! Je vais texter mon revendeur tout de suite pour lui dire que c'est de la bonne. Garde-le. Est-ce que tu aurais quand même investi 50 £ si c'était de la merde?Oui, probablement. Mais j'aurais été déçue. As-tu déjà essayé d'autres drogues? Quel est le pire qui t'est arrivé?
Une fois, on m'a vendu un truc, je ne pense pas que c'était de la kétamine. J'ai été malade partout. Si un ami prenait la moitié d'un comprimé et te donnait l'autre, tu prendrais la même quantité que lui?
Ce ne serait pas la première chose à laquelle je penserais. Je connais mes limites.

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Ciara, 23 ans, Manchester, chasseuse de têtes

Résultat de l'analyse : MDMA de faible qualité. BROADLY : On va tester ta MDMA. Sais-tu si elle est forte?
Ciara : J'en ai acheté de ce revendeur quelques fois, mais on ne sait jamais. Je ne sais pas du tout à quoi m'attendre. La MDMA peut rendre le monde très affectueux. Est-ce que tu dirais que ça te rend très excitée?
Non, pas du tout! Ma libido est à zéro. La dernière chose à laquelle je pense! Elle est d'assez mauvaise qualité : seulement 20 %. Est-ce que tu en prendras quand même?
Aujourd'hui, parce que c'est tout ce que j'ai sur moi, je vais en prendre. Après, sûrement pas. C'est le temps de te trouver un nouveau revendeur. Savais-tu que les femmes sont plus sujettes aux surdoses de MDMA?
Je ne le savais pas. Ça me fait me sentir vulnérable. Si c'était légal, je pense qu'il y aurait des mesures, on saurait ce qu'on achète. Mais ça ne m'arrêtera pas

Amy, 21 ans, Brighton, réceptionniste

Résultat de l'analyse : MDMA de très haute qualité. BROADLY : On dirait que tu as de l'ecstasy vraiment très forte, Amy.
Amy : Je suis contente que ce ne soit pas coupé avec de la merde. Tu l'as eu de tes amis… Prends-tu la même quantité qu'eux?
Je suis plus prudente. Ils prennent d'habitude un comprimé entier ou la moitié. Je commence normalement par un quart, j'aime la tester un peu. Mais j'ai une bonne tolérance de toute façon. Un de mes amis mesure 6 pieds 3, il est massif, musclé. Il était assis par terre, mais je me sentais bien.

Emma, 30 ans, Londres, employée de bureau

Résultat de l'analyse : MDMA de faible qualité. BROADLY : Tu l'as acheté, ta MDMA?
Emma : Un ami l'a acheté. Je ne connais personne d'autre qui pourrait m'en trouver. Prends-tu la même quantité que lui?
Je serais plutôt prudente. Je pense qu'on est différents, alors j'en prends moins. Surtout avec ceux qui sont plus habitués. Elle est pure à 15 %, à peu près. Pensais-tu qu'elle serait de meilleure qualité?
Ça me va. Je ne veux pas qu'elle soit trop forte! Je vais continuer d'en acheter au même gars.